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Immarigeon : "L'imposture américaine"

L’imposture américaine J.-Ph. Immarigeon, Bourin éditeur, 2009

Je vous en avais parlé ici, je l'ai donc lu. Et j'en pense du bien.

Il y a trois ans, J.-Ph Immarigeon avait fait irruption dans le sérail en publiant un livre roboratif et dérangeant, « American parano » : nous en avions alors rendu compte, surpris et séduits par la nouveauté du propos : relisant tout Tocqueville, l’auteur prouvait que les Américains, loin d’être des novateurs comme on le croyait jusque là, n’étaient que des passéistes. L’ouvrage avait obtenu le prix du livre politique du magazine Lire.

Trois ans après, le même revient avec un ouvrage similaire. Là est le danger : que va-t-il dire de nouveau qu’il n’ait déjà dit ? ne va-t-il pas exploiter une veine, au risque de la redite ? Immarigeon évite assez bien cet écueil : car s’il continue de critiquer les fondements intellectuels de l’américanité, ce sont d’autres filons qu’il exploite. Le ton pamphlétaire use d’un style de massacre jubilatoire, où la formule et le trait d’esprit abondent – peut-être un peu trop : mais n’est-ce pas, il faut aussi faire rire le lecteur dans ces propos graves de philosophie politique. L’écriture est vive et serrée, nerveuse et impétueuse, et on appréciera « l’intelligent design hégélien » à propos de Fukuyama, ou encore que « comme pour le socialisme, voilà qu’on nous invente un capitalisme à visage humain » ; et plus loin : « la globalisation s’avère un jeu perdant-perdant ».

Tout sauf Tocqueville, donc. Cela passe d’abord par la déconstruction du capitalisme américain, dans une critique radicale qui rejoint certains écologistes (eh ! oui, on peut critiquer le capitalisme sans se servir de l’appareillage marxiste, et rien que pour cela il faut lire ce livre) ; on appréciera surtout les deux grands chapitres qui démontent les racines cartésiennes de l’Amérique et de son déterminisme essentiel ; déterminisme qui explique la différence, dans le chapitre suivant, entre une science américaine (Einstein dont la relativité générale reste sujette à caution) et une science européenne (quantique, et admettant donc que la partie explique le tout). Le dernier chapitre traite de l’époque contemporaine, et de la fausse idée d’une fin de l’histoire : ou plutôt, c’est vraiment la fin d’une histoire, celle de la suprématie américaine, celle d’un empire parvenu au terminus de son projet. Dès lors, B. Obama sera le Gorbatchev de cet empire déchu : voulant le réformer, il ne sera que l’exécuteur testamentaire de son effondrement. Nous voici entrés dans le post-impérialisme.

Dans tout deuxième ouvrage, le lecteur aime retrouver les traces du premier, au risque d’être souvent déçu tant par l’imitation que par le renouvellement. On n’approche pas de cette déception, même s’il nous semble qu’Immarigeon a touché au but. On attend désormais qu’il exerce sa verve critique sur le sujet européen : ou plutôt, sur la distance entre l’esprit européen (osera-t-on dire la civilisation européenne ?) et sa réalité politique : il est sûr qu’il y a beaucoup à dire. Et si on suit l’auteur dans l’affirmation de la supériorité européenne, nul doute que son incarnation historique appelle des remarques éclairées.

O. Kempf

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