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Mort de la main invisible et concurrence imparfaite

Un honorable correspondant répond à mon billet d'hier par l'existence d'une théorie économique de la concurrence imparfaite.

Objection non valable, votre honneur : me citer la concurrence imparfaite est une fausse objection, à laquelle je réponds implicitement dans le corps du billet. En effet, c'est très exactement ce que signifie la proposition suivante : "la théorie économique partait d'un marché pur et parfait, pour desserrer peu à peu les hypothèses".

Le desserrement des hypothèses est justement l'objet de la concurrence imparfaite, aussi appelée en théorie économique, cher Zeus Irae, "économie industrielle" : justement pour signifier qu'elle est plus proche de la réalité. Donc on regarde s'il n'y a pas multiplicité d'acheteurs, ou de vendeurs, ou si les produits ne sont pas strictement équivalents, ou si l'information n'est pas connue de tous les acteurs, ou ... bref, que des choses qu'on voit dans la vraie vie.

Le défaut de cette analyse n'était pas son manque de réalisme, au contraire : chacun voyait bien qu'elle décrivait plus exactement la réalité. Mais personne ne s'aventurait dans les répercussions que ces accrocs à la concurrence pure et parfaite pouvaient faire à l'équilibre général : d'une part parce que c'était difficile à modéliser, d'autre part parce que l'équilibre général était un acte de foi. On considérait donc qu'il s'agissait d'exceptions, que ces exceptions s'équilibraient, et que ces accrocs n'entravaient pas l'équilibre général de se réaliser. Or, l'équilibre général, c'est la loi fondamentale de la théorie libérale. Rappelons en passant que Keynes situe son analyse dans cette perspective d'équilibre général, temporairement affecté et qu'il s'agit de rétablir par des mesures appropriées. John Maynard n'est donc pas aussi dissonant qu'on le dit parfois du côté de Chicago.

Or, ce qui se passe, c'est que nous voyons, que nous expérimentons que cet équilibre général est un leurre, ou plus exactement un acte de foi. Cela ne signifie pas que l'économie de marché ne fonctionne pas en soi, ni qu'il ne peut y avoir par endroits équilibre de l'offre et de la demande. Cela signifie juste que ces équilibres sont locaux au milieu d'un déséquilibre général. En cela, la crise en cours appelle à une profonde remise en cause théorique (Claudio Pirronne, nous attendons vos lumières).

Cette révolution des fondements est radicale : en clair, on passe d'une théorie fixiste, newtonienne, à une théorie relativiste, quantique.

Ce n'est pas rien.

O. Kempf

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