Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

Clausewitz (III, 5) Vertu guerrière de l'armée

1/ Dans le chapitre précédent, Clausewitz nous expliquait que "Les principales puissances morales sont les talents du capitaine, les vertus guerrière de l'armée, son esprit patriotique". Il s'attache ici aux vertus guerrière de l'armée, oubliant au passage les talents du capitaine.

2/ "La vertu guerrière est distincte de la bravoure, et plus encore de l'enthousiasme que suscite l'objet de la guerre (...) pour se soumettre à des exigences supérieures : l'obéissance, l'ordre, la règle et la méthode" (p. 185). Au XIX° siècle, la guerre peut encore susciter l'enthousiasme, car elle apporte la gloire, vertu héroïque encore en vogue. En nos temps démocratiques, la guerre est considérée comme un mal absolu : aussi, cet extrait de CVC peut surprendre le lecteur. Pourtant, là n'est pas le principal, mais bien dans les vertus -on dirait aujourd'hui qualités - guerrières. Il s'agit d'organisation, et de discipline. CVC reprend là la distinction, depuis devenue classique, entre le guerrier et le soldat, le premier étant un individu s'agglomérant, éventuellement, en bandes quand l'autre est l'expression du fait étatique. C'est, en poussant plus loin l'analogie, la distinction entre armée régulière et armée irrégulière.

3/ "La guerre est une occupation à part". En répétant à nouveau ce fait, le maître nous redit la motivation de cette organisation particulière qu'est l'armée.

Il ne s'agit pas de négliger l'esprit de corps : "qui voudrait voir les choses de haut aurait bien tort de sous-estimer l'esprit de corps" (p. 186). Mais celui-ci n'a de sens qu'à la guerre, et non dans le sens actuel de cohésion au quartier : "une armée qui reste en formation sous un déluge de feu (..) mais combat pied à pied les dangers réels, etc.... cette armée là est imbue de vertu guerrière". Et plus loin: "les Chouans se sont battus comme des lions, (...) on peut même obtenir la victoire à la tête d'(armées peu douées à cet égard, on ne peut dire qu'une guerre est ingagnable sans ces vertus". Car il ne faut pas croire que "la vertu guerrière est l'alpha et l'oméga. Tel n'est pas le cas. La vertu guerrière d'une armée est une puissance morale déterminée". Ainsi, en citant l'exemple des Chouans, CVC évoque le cas des guerres irrégulières. Ces dernières peuvent gagner, malgré leur inorganisation. Il reste que la tenue militaire constitue un avantage comparatif indéniable.

4/ Clausewitz revient alors au talent du capitaine. "La vertu guerrière est aux composantes de l'armée ce que le génie de son chef est pour l'ensemble. (...) Plus on descend l'échelle hiérarchique, moins on peut compter sur les talents individuels. La vertu guerrière doit ici suppléer à ce qui manque" (p. 187). Ainsi, la vertu guerrière est une qualité de groupe.

5/ Le maître poursuit avec un passage qui intéressera bien des commentateurs, avides de penser la guerre irrégulière : "la vertu guerrière est l'apanage de la seule armée régulière, c'est elle qui en a le plus besoin. Dans les insurrections et les guerres populaires, les qualités naturelles se développent rapidement pour la remplacer". CVC suggère ici qu'il y a un apprentissage naturel de la guerre, y compris par les armées irrégulières : et que celles-ci, à force de pratique, acquièrent elles mêmes une vertu guerrière.

6/ "Plus le théâtre d'opérations et les autres facteurs compliquent la guerre et éparpillent les troupes, plus la vertu guerrière est nécessaire" : bel argument à opposer à tous ceux qui prônent l'usage de la technologie pour compenser la complication de la guerre moderne/ CVC ne dit pas que c'est la voie à suivre.

7/ Comment cette vertu s'acquiert-elle ? "elle ne peut naître que de deux sources, qui sont connexes. Premièrement, une série de guerres et de victoires, deuxièmement, une armée fréquemment poussée dans ses derniers retranchements. (p. 188). Car "la vertu guerrière ne saurait naître que de la guerre" : rude constat pour tous les formateurs militaires, et tous ceux chargés de la préparation opérationnelle. Le baptême du feu n'est pas qu'une expression lyrique et désuète....

La guerre est un monde à part : on ne s'y prépare qu'en la pratiquant.....

O. Kempf

Commentaires

1. Le lundi 16 mars 2009, 17:21 par david

Je souhaiterais réaliser un entretien avec vous dans le cadre de mon doctorat de sciences politiques portant sur les nouveaux outils militaires de l'UE. Suite à la lecture de votre article sur l'EUFOR au Tchad, il m'a paru essentiel de comprendre aussi profondément que possible cette opération. Auriez-vous un petit moment à me consacrer ?

Réponse : oui

Ajouter un commentaire

Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.

La discussion continue ailleurs

URL de rétrolien : http://www.egeablog.net/index.php?trackback/116

Fil des commentaires de ce billet