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Famille Occidentale ?

J'attire l'attention des lecteurs sur l'intéressant débat soulevé par G. de Rougé. Celui-ci est chercheur au centre d'études transatlantiques (en lien dans la blog liste à droite) et il vient de publier un petit article très fructueux, qui apporte vraiment à la pensée.

Voici 1/ ses commentaires à mon billet sur le discours du président Sarkozy, 2/ ma première réponse, 3/ la sienne. Puis, 4/ quelques remarques pour poursuivre sur ces questions....

1/ GdR: je m'étonne que vous ne discutiez pas davantage la notion invoquée par le PR de "famille occidentale", sujet qui pourtant vous tient à cœur à en juger par certains de vos billets (sur l'article de R Pol-Droit notamment). Ayant publié le 13/03 un petit article (4 p.) sur les rapports entre l'Occident, l'Alliance atlantique, et les risques qu'une dérive occidentaliste pourrait faire peser sur cette dernière, je prends la liberté de vous le transmettre.

2/ OK : Cher monsieur, on ne peut pas tout dire dans un billet. Déjà ai-je le défaut d'une trop grande prolixité.... L'argument des valeurs partagées est en effet régulièrement évoqué par les Américains, et moins pas les Européens. IL faudrait effectivement que je dise un mot là -dessus. Merci en tout cas de vos remarques et de votre article. Bravo surtout de citer ce très beau bouquin de Lucien Fèbvre, qu'il faut encourager à relire.

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Je viens de lire votre article : excellent. A noter que la notion de "puissance relative" a été énoncée pour la première fois par le PR lors du discours des ambassadeurs, si je me souviens bien (voir http://egea.over-blog.com/article-22328261.html).

Amérique, pivot de l'Occident avec le reste du monde ? belle réinterprétation de la théorie de Mc Kinder.

3/ GdR : Excellent, rien que ça ? Bon, je mets cela sur le compte de votre prolixité... A mon tour de l'être un peu. Merci beaucoup de vos commentaires:

- Non seulement l'ère des puissances relatives est mentionnée dans le discours du PR aux Amb. d'aout 2008, mais l'assimilation Occident/Alliance y est particulièrement martelée, votre post de l'époque le souligne d'ailleurs... mea culpa.

- "L'argument des valeurs partagées est en effet régulièrement évoqué par les Américains, et moins pas les Européens." Précisément les Européens l'évoquent plus volontiers aujourd'hui. Une grande différence tient au fait que les EU n'invoquent pas uniquement cet argument à l'égard de l'UE. Du point de vue américain la relation transatlantique n'épuise pas ces valeurs partagées; pour l'UE c'est davantage le cas. Peut-on mettre cela sur le compte de visions différentes de l'Occident ? Il serait en tous cas intéressant de voir avec quel autre continent que l'Amérique (Nord et Sud réunis) l'UE met en avant une communauté/un partage de valeurs. Je ne, vois, à la marge, que l'Afrique.

- Concernant McKinder, je n'en connais que les "lieux communs" ;-) En l'occurrence je dois en partie l'idée d'EU 'pivot de l'Occident' à Anne-Marie Slaughter (cf. ref, America's edge). Cela relève d'un idéal type, il faut bien sûr nuancer. Ni le "paradigme" de l'affrontement sino américain, notamment pas sous l'angle puissance continentale/maritime, ni celui entre hémisphères atlantique et asiatique ne jouent per se, mais ils poussent les acteurs à s'en prémunir: qui en renforçant l'Alliance atlantique, qui en engageant l'Afrique, qui en menant une politique de 'congagement' envers la Chine etc.

Le réflexion doit également être nuancée concernant "l'hémisphère asiatique", qui reste difficile à envisager, tant l'Asie est l'AIRE des puissances relatives par excellence. Les EU pourraient en théorie amorcer un retrait stratégique et laisser s'opérer certains équilibres. Mais ils ne perçoivent ni le balance of power ni la conception asiatique de power (un peu trop européens à leur goût, cf. Lucien Febvre au demeurant) comme des garanties stratégiques. Dans la vision américaine il semble bien qu'un hémisphère asiatique naitrait inévitablement de la guerre. D'où en partie aux EU l'émergence potentielle d'une conception de la 'puissance' proche de celle de l'UE, et qu'ils tenteraient de diffuser en Asie. Concernant les évolutions transpacifiques et les équilibres en Asie, je m'inspire notamment de ce petit livre, Revolution in Strategic perspective, de C. Dale Walton, dont je parlais il y a un an dans "Les Etats-Unis, puissance européenne ?"

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4/ Je retire plusieurs idées novatrices de la lecture de G d Rougé :

- la méfiance envers la notion d'Occident, si évidemment acceptée aujourd'hui qu'elle en est suspecte. Or, l'Occident par "nature" est "une société qui accepte et assume la réappropriation et l’incarnation de son expérience par autrui sans a priori". Autrement dit, l'occidental a vocation à être universel. Ce qui n'est évident à accepter ni par les "Occidentaux" ni par les non Occidentaux. Car il faut aller au-delà de l'apparence suprématiste d'une telle affirmation (et pour tout dire, néo-colonialiste). On se reportera là encore aux pages éclairantes de R-P Droit (voir ici)

- la mondialisation questionne cette notion d'Occident, qui devient, à mesure qu'il se répand culturellement, bien difficile à distinguer. D'où la tentation de le résoudre à Europe + Etats-Unis : ce qui implique le débat sur la "Communauté de valeurs" autour de l'Alliance atlantique.

- pour autant, il y a une autonomie géographique des Etats-Unis. C'est l'époque des puissances relatives, et ils en deviennent une. Dès lors, le pivot géographique de l'histoire n'est plus le heartland MacKinderien, recyclé par Spykman puis par Kennan (l'endiguement), ce n'est plus la masse "russe", mais par un subi retournement, cela devient l'Amérique : qui contrôle les EU contrôle l'île continent, qui la contrôle contrôle les rivages continentaux, qui contrôle les rivages continentaux domine les monde. Car : "dans un monde en réseau, la question n'est plus celle de la puissance relative, mais celle de la centralité dans le réseau".

- ce à quoi, bien sûr, on peut opposer que les EU ne sont pas centrés, mais excentrés.

- enfin, décrire l'Asie comme l'Aire par excellence des puissances relatives me paraît intéressant : pour un peu, on verrait presque le concert européen du XIX ° siècle, avec l'équilibre des puissances, si dénigré aux EU.....

Bon débat....

O. Kempf

Commentaires

1. Le mardi 17 mars 2009, 18:54 par

Pour tout dire, je ne sais pas trop quoi penser de :
"Dès lors, face à l’affirmation potentielle d’un modèle asiatique alternatif, les EU pourraient être amenés à rechercher une profondeur stratégique accrue en un nouvel hémisphère Atlantique articulant le Western hemisphere et son alter ego constitué de l’Europe et de l’Afrique.
Au vrai, ils en ont déjà posé les premiers jalons (cf. ici aussi l’article d’A-M. Slaughter) : les EU ne recherchent pas pour elles-mêmes les richesses que recèle le continent africain, et que chacun convoite avidement, notamment la Chine, mais bien afin de consolider ce que nous appelons encore, faute de mieux, l’Occident."
> Je suis plutôt sceptique sur "alter ego constitué de l’Europe et de l’Afrique" et sur la philanthropie africaine des EU, opposée aux noirs desseins chinois…

La suite:
"Parce que l’Occident se fonde entre autres sur les libertés de pensée et d’expression, parce que celles-ci impliquent l’existence de médiations importantes entre le politique et la morale,[…]"
> Je ne crois pas du tout que la liberté de pensée et la liberté de d’expression dépendent de la morale, encore moins d'une "médiation entre le politique et la morale".
Ce n'est pas la morale qui crée ou alimente la liberté de pensée ou d'expression.
Et la médiation entre ces libertés et le politique se fait par la justice, qui est tout sauf morale (c'est peut-être malheureux, mais ce n'est pas sa vocation).
Cette idée de médiation avec la morale me paraît une vision américaine située aux antipodes de la conception européenne.

Enfin, pour alimenter la discussion, je vous recommande la lecture de cet article:
http://philippe-raggi.blogspot.com/...
"Depuis des décennies, les Etats-Unis ont développé une vision du monde centrée autour de leurs propres ambitions. Mais le reste du monde multipolaire ne peut partager une conception qui lui assigne un rôle accessoire, et qui exige une altérité et une adversité pour maintenir l'unité américaine."
"Cherchant à pallier cette difficulté représentée par le principe de souveraineté des Etats, les Américains ont produit différentes parades stratégiques. Une d’entre elles a été d’assimiler un certains nombre de pays à une aire américano-centrée. Ainsi a-t-on entendu parler de «monde libre», de «monde occidental».

Bonne lecture !

2. Le mardi 17 mars 2009, 18:54 par Guillaume de Rougé

Cher Monsieur,
un message personnel pour vivement vous remercier d'avoir donné écho à cet article ainsi que pour en avoir éclairci, prolongé la réflexion. car il faut reconnaitre que cet article manque tout de meme sacrément de clarté. J'espère le reprendre très bientot, je vous tiendrai au courant bien sur.
Enfin, s'il y a bien une chose que j'espère tout comme vous, c'est qu'au moins nos échanges poussent le lecteur à (re)lire Lucien Febvre !
Bien à vous,
Guillaume

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