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090409 Sommet et Afghanistan

La déclaration du sommet commence logiquement par les opérations. C’est au fond la vraie utilité de l’Alliance. Outre les articles, le sommet a produit une déclaration spéciale sur l’Afghanistan, point focal de l’attention de l’Alliance.

1/ Un paragraphe seulement sur l’Afghanistan, tout d’abord pour rappeler que la FIAS (et non l’ISAF, acronyme anglais) agit sous mandat de l’ONU, ce qu’on a tendance à oublier : l’Otan ne s’est pas autosaisie pour combattre dans l’Indu Kush, n’en déplaise à certains commentateurs avides de raccourcis. La mention « d’une approche globale combinant ressources militaires et civiles » n’est pas seulement l’effet Obama : cela fait en effet trois ans que l’Otan prône cette nouvelle approche globale. La déclaration lie plus nettement le cas de l’Afghanistan à la situation au Pakistan, comme possible sanctuaire de « Al-Qaida et d’autres groupes extrémistes violents » : on voit là une nette inflexion, résultant de l’évolution américaine (l’AFPAK) mais aussi des inquiétudes concernant le Pakistan. La vision stratégique adoptée à Bucarest est confirmée, et on prône désormais l’afghanisation (« l’appropriation afghane » selon la terminologie otanienne).

2/ La déclaration sur l’Afghanistan est plus précise. Après un exposé des motifs et un rappel des principes de la vision stratégique (« engagement à long terme, leadership afghan, approche globale et engagement régional »), ajoutant deux points : « il faut une approche régionale plus affirmée (...), il faut aussi des ressources civiles plus importantes ». Vient ensuite un paragraphe qui évoque les progrès en cours, et contre le pessimisme ambiant : l’ANA a la responsabilité de Kaboul et participe à 80% des opérations de la FIAS.

Puis viennent les intentions : meilleure coordination des PRT, appui à la lutte du gouvernement contre la drogue : ainsi, l’Otan reste toujours en retrait dans ce dossier là. Cette discrétion surprend, car elle suggère qu’il n’y a pas de débat sur la question.... ce qui est loin d’être le cas.

Puis viennent les mesures : décision de création d’une mission Otan de formation en Afghanistan (MOFA = NTM-A) sur le modèle de la MOFI en Irak, et qui pourrait engager la Force de Gendarmerie Européenne ; de faire effort sur la formation de la police ; d’engager des renforts temporaires pour la durée des élections ; d’augmenter les effectifs des OMLT, et le fonds dédié à l’ANA.

Le renfort temporaire atteindra 5.000 soldats européens, pour une durée temporaire. Le chiffre additionne des annonces déjà faites depuis quelques semaines, et paraît très symbolique (certains constatent d’ailleurs qu’on n’arrive pas à 5.000). Cela est destiné à équilibrer les renforts américains, beaucoup plus conséquents. Mais on voit bien que les alliés traînent des pieds.

3/ Qu’en penser ? Qu’il n’y a pas de modification fondamentale, et que d’une certaine façon, l’Otan persiste. Ce n’est pas forcément un mal, car cela suggère une constance d’action qui n’est pas forcément un défaut, par les temps pressés qui sont les nôtres. Que les vues européennes (et notamment françaises) ont pris un peu d’influence, avec la théorie de l’afghanisation, la priorité aux forces de sécurité comme fondement de l’Etat, et la prime donnée à une approche régionale. Toutefois, le niveau d’ambition baisse clairement : il ne s’agit plus de nation building, et la lutte antidrogue ou la corruption sont à peine citées. Les Européens renâclent plus que jamais à s’investir sur le terrain et sont ravis de voir le renforcement américain.

4/ Car là est l’important. L’Afghanistan devient une affaire d’abord américaine. Tout d’abord avec l’extension de fait du théâtre d’opération : il ne s’agit plus du seul Afghanistan, mais de l’AfPak. Ceci explique d’ailleurs qu’on n’aille pas vers une fusion de la FIAS et d’Enduring Freedom : cette dernière opération (OEF) est en effet une « coalition » dirigée par les Américains et dédiée à la lutte contre Al Qaida. On aurait pu penser que l’ennemi étant le même, les états-majors pouvaient se réunir, d’autant plus que le surge états-unien américanisait la FIAS. Il n’en est rien, pour une simple raison : même s’ils sont dominants dans la FIAS, les Américains doivent composer avec les Alliés. Ils ont les mains plus franches avec OEF qui leur permet justement de combatte de part et d’autre de la frontière, au moyen notamment des drones. Quant à la FIAS, elle sert de paravent diplomatique à l’action, et elle permet également d’engager les Alliés, au titre d’un partage du fardeau certes minimal, mais qui a le mérite d’exister.

5/ Ce profil bas des Européens sera, évidemment, fort critiqué de l’autre côté de l’Atlantique. En effet, B. Obama, au cours de sa campagne électorale, avait expliqué sa sortie d’Irak par un surinvestissement en Afghanistan, légitime à ses yeux, et qui donc amènerait les Alliés à les appuyer. La réaction européenne n’est pas à la hauteur des espérances, c’est le moins qu’on puisse dire. Et si M. Obama a eu l’élégance de ne pas s’en plaindre à ses pairs, il ne fait aucun doute qu’il en tire la conclusion : ces Européens ne sont pas sérieux. Surtout, les Américains s’aperçoivent que les critiques de l’Otan n’étaient pas le seul fait de l’idéologie néo-conservatrice, mais qu’elle se fondaient sur des réalités profondes ; que Kagan n’avait pas forcément tort ; et qu’avec toutes les bonnes manières faites par B. Obama, il est peu payé en retour. Nous voilà revenus au temps du Kossovo, lors d’une autre administration démocrate, quand les Américains s’étaient aperçus que l’alliance n’était pas aussi fiable qu’ils l’espéraient.

6/ Là est, je pense, le danger de ce que nous observons actuellement : les Etats-Unis, au-delà de tout clivage partisan, constatent qu’il y a décidément beaucoup de passagers clandestins dans cette alliance. Ils y voyaient une seule utilité, les opérations : et le rapport entre la qualité et le coût n’est pas vraiment bon. La négligence européenne est en train de tuer l’Alliance atlantique.

Olivier Kempf

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