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A propos de l'Iran

Cela fait longtemps que je voulais revenir sur l'Iran.

1/ Pour cela, j'ai relu mes billets sur le vieil EGEA. Et plusieurs mois après, je me rends compte qu'ils n'ont pas vieilli, et qu'ils sont toujours pertinents. On lira donc :

2/ Quels sont les fondamentaux géopolitiques de l'Iran ? en allant du plus permanent au moins permanent :

  • une civilisation pluri-séculaire, "perse". Un profond sentiment de grandeur et d'empire.
  • un relief assez prononcé
  • une prégnance chiite, même si elle n'est pas exclusive, contrairement à ce qu'on affirme trop souvent
  • une situation médiane : entre le Proche Orient et l'Orient (Asie centrale, Asie du sud) ; entre deux zones principales de crise : à l'ouest, le duo Israël Palestine et l'Irak : à l'est, le point de fixation afghan et au-delà la rivalité indo-pakistanaise
  • un axe nord-sud maritime : au nord, la Caspienne, assez rassurante d'un point de vue iranien (acteurs faibles et convergence d'intérêt avec la Russie) ; au sud, le golfe Persique (rivalité avec les Etats arabiques) et au-delà l'océan Indien. Maîtrise du détroit d'Ormuz.
  • une dimension pétrolière qui altère toutes les perceptions depuis 70 ans, notamment envers les Arabies, mais aussi la Caspienne.

3/ La tonalité actuelle tient au régime politique de l'Iran. La révolution islamique a été un précurseur, puisqu'elle a introduit la question islamique dans le monde moderne, dès la guerre froide. Cette question a pris une dimension nouvelle à la suite des attentats du 11 septembre, même si, pour énormément de raisons, Al Qaida a peu à voir avec le projet iranien : en effet, celui-ci a revêtu la forme nationale iranienne et peut difficilement s'en disjoindre. Le guide suprême n'a pas le pouvoir mais est un arbitre. Le peuple contribue à la désignation des gouvernants par le mécanisme de l'élection. Ces deux critères expliquent qu'on ne peut assimiler l'Iran contemporain à une simple dictature. Il faut donc s'intéresser au jeu politique, d'autant plus qu'un choix crucial aura lieu à l'occasion des prochaines élections de juin : entre un "radical" et un "réformateur". L'essentiel du débat tournera autour des questions intérieures, et notamment de la question économique, puisque l'Iran traverse une passe difficile, renforcée par la crise et le tassement des prix du pétrole. Ceci explique que toute radicalisation extérieure favorise mécaniquement Ahmadinedjad à l'intérieur. Ceci explique par conséquent pourquoi les Occidentaux en général, les Américains en particulier, sont en ce moment si polis : plus ils sont doux, plus ils favorisent le renouvellement du gouvernement.

4/ Et le nucléaire, alors ? eh! oui, je n'en ai pas parlé jusque là, car cela compte finalement assez peu. Bon, je continue d'être provocateur. Il y a des raisons objectives à ce que l'Iran soit une puissance nucléaire, puisqu'il est situé à mi-chemin entre deux Etats nucléaires qui sont pour lui inquiétants : Israël et le Pakistan ; il y a aussi la rhétorique bushienne qui a longtemps menacé l'Iran. Et puis il y a des raisons subjectives : volonté de s'affirmer comme puissance régionale, besoin d'une assurance après le déferlement américain en Irak, tropisme néo-gaulliste, etc. L'Iran joue habilement son jeu (puisqu'il n'a toujours pas contrevenu aux règles en vigueur du TNP, ce que l'on oublie trop souvent). Bref, polémiques et procès d'intention s'agglutinent.

5/ Cela ne veut pas dire pour autant que l'Iran ne cherche pas à devenir une puissance nucléaire. Le seul débat important, c'est jusqu'où il veut aller : Avoir la bombe ? avoir la bombe plus les vecteurs transportant la bombe ? avoir les moyens d'avoir la bombe ?

6/ C'est ce que chacun comprend désormais, et notamment la nouvelle administration Obama : comment inciter l'Iran à choisir la solution la plus basse, et donc la plus tolérable : celle de ne parvenir quà être un pays du seuil, sur le modèle japonais. C'est-à-dire, avoir les moyens d'avoir la bombe, pour profiter de la rhétorique de la dissuasion, tout en restant dans une norme acceptable selon la grammaire de la communauté internationale. Cela présenterait plusieurs avantages : le maintien d'une ambiguïté fondamentale nécessaire à tout discours de dissuasion (je l'ai mais ne l'ai pas mais l'emploierai si nécessaire) ; et une ambiguïté constitutive qui répondrait à l'ambiguïté israélienne qui pratique, elle aussi, un discours de pays du seuil ( je n'ai jamais reconnu que j'avais la bombe mais tout le monde est persuadé que je l'ai).

7/ Il va de soi qu'une telle solution serait optimale pour Washington, dans toutes les dimensions : à propos d'Israël, de l'Irak, de l'Afghanistan, du Pakistan, de l'Arabie, de la Russie. Et qu'elle ne serait pas mauvaise pour l'Iran non plus. Ceci explique la volonté générale de décrispation actuelle. On verra son résultat, qui dépend fondamentalement des urnes. C'est l'incertitude des démocraties....

O. Kempf

Commentaires

1. Le samedi 18 avril 2009, 21:17 par

Point 7) : Oui et non. Oui pour la majorité des pays cités, mais pour Israel ? Cela passerait, au vu des dirigeants Israeliens, à mon humble avis, par une redéfinition des relations Tel-Aviv / Washington. D'un autre coté, le prix à payer est peut être faible par rapport au gain d'une normalisation avec l'Iran...

EGEA : piste à creuser. J'y reveindrai. OK

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