Mont athos : plus qu'une curiosité géopolitique

L'Europe connaît de nombreuses exceptions territoriales, aux statuts variés : Monaco, San Marin, Liechtenstein, Kaliningrad, Vatican, Andorre, Luxembourg, îles anglo-normandes, Héligoland, Malte, Gibraltar, Ceuta, .... La plupart constituent des paradis fiscaux, n'en déplaise au G 20. Le cas du Mont Athos est rarement cité, et mérite pourtant un intérêt géopolitique non négligeable.

A l'occasion de l'ouverture au Petit Palais d'une exposition sur l'art du Mont Athos, on s'interrogera utilement sur ce bout de territoire.

carte_mont_AThos.gif (carte extraite de quid.fr)

1/ Presqu'île de 70 km de long sur 10 de large, le Mont Athos est le plus à l'est des trois doigts de la Chalcidique, au nord de la mer Egée. Les premiers moines orthodoxes s'y installent au IX° siècle. Il dispose d'un statut particulier au sein de l'Etat grec, qui l'a maintenu lors de son entrée dans la CEE et qui a été ratifié par l'UE (hors de l'espace Schengen). C'est en effet une république monastique, seule au monde de son espèce.

2/ Le Mont Athos est donc une république théocratique et démocratique. L'importance est dans le ET, on l'aura compris. Un gouverneur civil grec réside dans la "capitale", Karyès, Mais si chaque monastère est "autonome", spirituellement, la Montagne dépend du patriarche de Constantinople (voir par ailleurs cet article du Monde). Et demeure le seul endroit au monde où flotte toujours le drapeau byzantin.

drapeau_byzantin.jpg (extrait de flickr)

3/ Cette république n'accueille pas les femmes ni les touristes. Permettez-moi de savourer comme il se doit cette exception culturelle, opposée à la massification du monde que nous connaissons. Seuls les pèlerins, animés d'une démarche authentique, sont (un peu) accueillis. C'est d'un véritable retrait du monde qu'il s'agit. Changer cette règle le transformerait, immanquablement, en parc naturel, musée ou réserve touristique, une sorte de Venise grecque ou de Mont Saint Michel de la mer Egée.

4/ Remarquons enfin que depuis vingt ans le Mont Athos est en pleine résurgence : doublement des vocations depuis les années 1960, moyenne d'âge de 40 ans, énormément de diplômés (bac + 5 en moyenne), arrivée d'une nouvelle génération de moines russes.... Et c'est pourquoi je ne classerai pas ce billet sous "Grèce" mais sous "religion" : car il s'agit probablement du dernier endroit qui unifie l'orthodoxie, qu'elle soit grecque ou russe (pour simplifier). Sans aller jusqu'à identifier une civilisation orthodoxe (comme Huntington l'avait isolée), le Mont est un moyen de réunifier, à sa façon, deux parties de l'Europe. Toutes choses égales par ailleurs, le Mont Athos est une sorte de Vatican orthodoxe (est-ce d'ailleurs un hasard si les statuts étatiques sont, à chaque fois, exceptionnels?).

Ainsi, plus que son statut juridique au sein de l'Etat grec, son véritable sens géopolitique tient à son rôle de refuge de l'orthodoxie.

O. Kempf

Références :

1/ Sur l'exposition du petit palais, du 10 avril au 5 juillet : le site officiel, un compte-rendu de visite, et un entretien avec le commissaire de l'exposition.

2/ Sur l'extraterritorialité du Mont Athos.

3/ Enfin, la dernière référence est bien sûr l'incontournable "géopolitique de l'orthodoxie", de François Thual, dont voici un compte-rendu.

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