Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

Clausewitz (III, 11) Réunion des forces dans l'espace

1/ Le livre III traite de la stratégie. Et on a l'impression, depuis dix chapitres, que CVC passe son temps à dire ce que n'est pas la stratégie. Ou plutôt, quels sont les faux principes de la réussite stratégique. Vient le moment où il sort du bois et annonce les vrais principes de cette réussite. C'est bien évidemment passionnant car il s'agit, vous l'aurez compris, des principes de la guerre. Mieux, nous allons retrouver, parfois à l'intitulé près, les trois principes de Foch : concentration des efforts, économie des forces, liberté de manœuvre.

clausewitz_portrait.jpg

2/ Ce chapitre 11 évoque une partie du premier principe. Une partie, car le chapitre 12 évoquera (bien plus longuement, six pages au lieu d'une demie) le véritable problème qui est la réunion des forces dans le temps.

3/ Ce chapitre est la conséquence de ce qu'on a vu aux chapitres précédents : "la meilleure stratégie est toujours d'être très fort :très fort en général, et très fort au point décisif". (p. 208). L'assertion permet de donner, a contrario, un critère du "point décisif" qui fait, on le sait, objet de débats par ailleurs : je dirai ainsi qu'un point décisif est l'endroit où la concentration des efforts permet d'acquérir une supériorité suffisante pour obtenir un avantage suffisamment net qu'il permette de se rapprocher efficacement du centre de gravité de l'ennemi.

4/ Pour parvenir à cette concentration des efforts, "Rien ne doit être séparé du gros des forces, sauf en cas de mission urgente". Or, CVC ne nous dit rien du critère d'urgence qui permet de déroger à la règle générale.

5/ "Le principe de concentration a des effets différents avec chaque guerre, où il doit s'ajuster aux buts et aux moyens" : par là, CVC justifie qu'un principe soit valable généralement, mais subisse des acceptions différentes selon les expériences.

6/ Enfin "la concentration des forces doit être considérée comme la norme, et toute division conçue comme une exception qui a besoin d'être justifiée". Cela nous renvoie au critère d'urgence évoqué ci-dessus. Au-delà, comment la contingence permet-elle de s'écarter d'un principe ? CVC ne le dit pas, et laisse cela à l'appréciation du chef militaire.

foch.jpg

En conclusion, on remarquera l'expression clausewitzienne de "concentration des forces" qui est la démarque évidente de la "concentration des efforts" de Foch. Mais u fond, qui est vraiment surpris que selon des expressions différentes, les grands esprits parviennent aux mêmes principes ?

NB : on lira, pour éviter l'hagiographie, une critique des principes fochiens ici.

O. Kempf

Commentaires

1. Le jeudi 7 mai 2009, 18:40 par Jean-Pierre Gambotti

Pour expliquer la brièveté de ce Chapitre 11, Bernard Brodie dans son Guide de lecture de
« De la guerre », suggère que ce n’était qu’une ébauche et que Clausewitz envisageait de l’enrichir plus tard, ou, deuxième hypothèse que ce principe était tellement connu et consensuel , qu’il était inutile de s’y attarder ! Par ailleurs Brodie remarque très justement que Clausewitz toujours très réticent à l’égard des principes de la guerre accepte la « concentration des forces » comme première loi de la stratégie. Mais ce chapitre s’intitule « Réunion des forces dans l’espace » et précède le chapitre sur la « Réunion des forces dans le temps », ce qui nous renvoie avec les mêmes titres aux Chapitres 3,4 et 5 « De la conduite de la guerre », Foch rappelant que « la réunion de l’armée » appartenait d’ailleurs au langage de Napoléon et que cette concentration d’une même masse et dans une même région de l’Armée avant le début de la guerre était une manœuvre essentielle pour gagner la bataille initiale . Pour revenir à cette réunion, ou concentration, des forces du Chapitre 11, je pense qu’elle ressortit au principe d’économie des forces plutôt qu’au principe de concentration des efforts.

Citons Foch, dans les Principes : « Le principe de l’économie des forces (..), c’est l’art de déverser toutes ses ressources à un certain moment sur un point ; d’y appliquer toutes ses troupes, et, pour que la chose soit possible de les faire toujours communiquer entre elles au lieu de les compartimenter et de les affecter à une destination fixe et invariable ; puis un résultat obtenu, de les faire de nouveau converger et agir contre un nouveau but unique », « C’est l’art de peser successivement sur les résistances que l’on rencontre du poids de toutes ses forces et pour cela de monter ces forces en système ».

Vous savez d’ailleurs que certains trouvent le principe de concentration des efforts redondant, Gérard Chaliand dans son Anthologie mondiale de la stratégie et dans le peu de place réservé à Foch, l’élude ; pour ma part je pense que le fait de raisonner les modes d’action à partir de lignes d’opérations lui donne toute sa pertinence car il s’agit surtout de faire converger des effets.

La proximité des idées de Clausewitz et de Foch comme vous le précisez n’est pas étonnante et Clausewitz et Moltke sont abondamment cités dans "De la conduite de la guerre" par exemple.


Très cordialement.
Jean-Pierre Gambotti

EGEA : merci pour ces très utiles précisions. Je pense (le géopolitologue est sensible à l'espace) que Clausewitz a surtout voulu indiquer que la réunion des forces dans l'espace allait de soi (je pense qu'elle était acceptée à l'époque) mais que la vraie difficulté venait de la réunion dans le temps : d'où la longueur du chapitre 12 . Mais peut-être interprété-je trop.... Nous verrons ça dans le prochain billet.

Ajouter un commentaire

Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.

La discussion continue ailleurs

URL de rétrolien : http://www.egeablog.net/index.php?trackback/180

Fil des commentaires de ce billet