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Paris - Rouen - Le Havre

Les annonces par le président Sarkozy du modèle de Grand Paris ont été un peu médiatisées la semaine dernière. L'attention du grand public a surtout été attirée sur la question des réseaux de transports autour de l'agglomération (le grand huit).

1/ Chacun note bien sûr que l'accent est donné aux questions de communications, et qu'on a oublié au passage le dossier de la rénovation politique de cette agglomération. Pourtant, le débat avait été initié par la commission Balladur (voir site ici, les 20 propositions évoquées le 20 février dernier ici, et notamment la proposition 18 : créer, en 2014, une collectivité locale à statut particulier, dénommée « Grand Paris » sur le territoire de Paris et des départements de la Seine-Saint-Denis du Val-de-Marne et des Hauts-de-Seine. Cette création serait précédée d’une consultation associant les représentants des collectivités locales intéressées, des partenaires sociaux et des forces économiques) .

2/ Toutefois, il y a énormément de choses dans le projet annoncé. ON se reportera au dossier du moniteur (ici), ou les commentaires du très bon blog de JP Chapon sur Paris et sa banlieue en général. Quoi qu'on pense du projet, force est de reconnaître que c'est la première fois, depuis trois décennies, que l'on réfléchit à cette métropole.

3/ Toutefois, le plus important n'est pas là, mais dans une autre direction, qui tient au projet d'Antoine Grumbach. Selon cet architecte, il faut élargir Paris et l'étendre jusqu'au Havre.

paris_le_havre.jpg

« Paris, Rouen, Le Havre, une seule ville dont la Seine est la grande rue. » Jules Michelet, Histoire de France IV, p.33

« A son désavantage, la capitale française est continentale. » Fernand Braudel, L’Identité de la France, p.277

On se reportera avantageusement à son site.

4/ Oui, très bien, mais encore ? Eh! bien cette orientation (vous admirerez l'utilisation de ce terme géographique...) a plusieurs avantages :

  • - de ne pas réfléchir uniquement à Paris, mais autour de Paris. Ou encore, sortir de Paris "capitale de la France", au "cœur du réseau étoilé" pour passer à un Paris "ville de passage".
  • - d'équilibrer effectivement les polarités françaises : l'hexagone a trop longtemps privilégié sa frontière terrestre (pour d'excellentes raisons, d'ailleurs) et il est temps de donner le primat aux frontières maritimes... étant entendu que ces frontières sont en fait des moyens d'ouverture au monde. En ce sens, cela permettrait de trouver une alternative au seul projet européen. Ce que je dis là ne signifie pas que je suis hostile au projet européen ; mais qu'il n'est pas de mauvaise politique d'avoir une option de rechange....
  • - enfin, et d'une façon presque contradictoire avec le point que je viens d'exposer, cela permettrait de recentrer Paris dans la dynamique européenne. En effet, L'axe Paris-Le Havre n'est que la prolongation naturelle de l'axe PLM (Paris-Lyon-Marseille). Cela doublerait l'axe traditionnel de la "banane bleue" (Londres - Rhin - Lombardie) qui concentre actuellement l'essentiel de la vitalité européenne (voir "l'identité de l'Europe" dont j'ai rendu compte), et qui a tendance, par effet mécanique de l'élargissement, de verser à l'est.

Bref, des aspects "géopolitiques" à la fois parisiens, nationaux et européens.... De la vraie politique géographique.... (même si on peut regretter que l'afflux de réformes des cartes -judiciaire, militaire, hospitalière, universitaire, ...- n'ait pas été pensée dans sa globalité...).

O. Kempf

Commentaires

1. Le mercredi 6 mai 2009, 20:26 par dadou

Voilà qui rappelle les années 70 et les annonces triomphales à propos des villes nouvelles. Des maquettes, des dessins d'artistes vantaient l'embellie à venir de ces lieux enchanteurs.

Des bosquets de verdure ponctués d'immeubles aux lignes idylliques construit pour le plus grand bonheur de l'humanité, le tout relié par des norias de métro aériens du plus bel effet futuriste.

Qu'avons-nous vu depuis ? Des no man's land distendus et dédiés à la voiture, des espaces verts cassant la cohésion des quartiers, peu d'emplois, encore moins de transport de milieu de journée et pas de commerces.

Aujourd'hui lorsque l'on écoute bien les futurs "aménageurs", on se rend rapidement compte qu'aucune leçon n'a été tirée des actuelles situations de ghettoïsation. "On va faire selon notre choix et à la population de s'approprier les lieux". Ce qui veut dire qu'une fois de plus on va jeter les gens dans un isolement générateur de problèmes et de délinquance.

J'ai demandé un jour à des enfants de dessiner le lieu de vie dont ils rêvaient ? J'ai vu alors surgir - sur le papier - des immeubles bordant de grandes avenues, avec des commerces au rez-de-chaussée, de larges trottoirs et un tramway circulant au milieu de tout ça.

Les villes ont mis des siècles à se construire et sont souvent le regroupement de "villages" qui sont ensuite devenus des "quartiers". Décider d'accélérer les choses dans un contexte d'aménagement concerté peut être un excellente solution. Mais à la condition de ne pas zapper le mot "concerté", sinon c'est l'échec assuré...

dadou

EGEA : je vous suis tout à fait. Je suis d'ailleurs très prudent sur les propositions des cabinets d'architectes, et ne me suis concentré que sur la politique géographique. QUant aux villes nouvelles (que je connais très mal, à la vérité), sont-elles vraiment des échecs ? L'échec n'est-il pas dans la construction massive de barres qui alors étaient synonymes de modernité (les machines à habiter de Le Corbusier) ? Et le problème des banlieus ne tient-il pas justement à l'absence de politique d'ensemble ? Ce sont des questions ovuertes auxquelles je n'ai pas de réponse.

2. Le mercredi 6 mai 2009, 20:26 par dadou

Vous avez trouvé les mots : "les machines à habiter" et c'est bien là le problème. L'on a fourni un "bac à sable" à des architectes qui - eux même - n'habiteraient sûrement pas dans ce qu'ils ont construit là-bas. Quand à la "politique d'ensemble", en effet elle est plus que souhaitable et trop souvent absente, et quand elle existe, rarement menée à son terme et c'est bien ce que je veux dire.
Ambitionner est une chose, financer en est une autre. Et rêver une capitale allant de la manche à la champagne est stupide quand les "teneurs de murs" d'à côté ne trouvent pas de travail par manque de moyens de transports (entre autres choses) rapides et pratiques.

3. Le mercredi 6 mai 2009, 20:26 par Pierre AGERON

Bien sur, l'idée de Grumbach est intéressante, voire passionnante pour la réflexion géographique, historique et économique. Mais d'autres géographes et aménageurs comme J. Scheibling ou A. Gamblin par exemple pencheraient plutôt, et n'auraient pas forcément tort, pour penser Paris comme le centre du Bassin Parisien!
La Vallée de la Seine est une entité trop restreinte pour penser Paris dans la Mondialisation.
Désormais, la banlieue parisienne s'étend jusqu'à Reims ou Orléans, voire Tours (cf. le nombre de navetteurs qui viennent de ces villes). Dans un autre domaine, la puissance agricole de Paris, c'est la Beauce et la Picardie.
Ainsi, un des problèmes constants de la géographie et de la géopolitique reste les limites
et l'analyse des échelles pertinentes pour l'action.
Tout cela pour dire que je vous suis dans votre analyse lorsque vous dites que le principal problème de la métropole, c'est sa gouvernance: l'organisation des responsabilités politiques et les marges de négociation entre les élus et les citoyens.

EGEA : vous notez bien la question de l'échelle d'analyse. Les autres propositions d'aménagement ne sont pas inutiles. Mais je trouve novateur qu'on raisonne Paris comme autre chose qu'un centre : sa centralité apparaissant comme tellement évidente, il est bon de changer non pas l'échelle d'analyse, mais l'angle de vue. Bref, apercevoir en latéral, et non d'au-dessus !

Une très bonne sysnthèse géographique des enjeux que doit relever Paris dans "LA Métropole parisienne, centralité, inégalités, proximités" ss la direction de R. Le Goix et T. Saint Julien chez Belin, collection Mappemonde.Un compte rendu sur
http://geocarrefour.revues.org/inde...

Pierre AGERON
Agrégé de Géographie

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