Russie : les échelles du couchant (suite, un an après)

Il y a un an, sur le vieil EGEA, je publiais un premier billet au sujet de la Russie. Le relire à distance permet d'examiner la justesse du diagnostic. Ma foi, ça se tient encore.

1/ "L'observateur constate l'existence de deux avant-postes de la Russie, à l'ouest : il s'agit de l'enclave de Kaliningrad, au nord, sur la Baltique,

et, potentiellement,celui de la péninsule de Crimée, au sud, sur la mer Noire.

L'une et l'autre sont le siège des états-majors maritimes (flotte du nord et flotte du sud, respectivement).

Oblast de Kaliningrad : 15 000 km² pour 900 000 h. Crimée : 26 000 km² pour 2 M h

''Vous me direz : la Crimée appartient à l'Ukraine. Je répondrai :" et alors ?"

Elle est ukrainienne depuis 1954, et au train où vont les choses, la Russie peut tout à fait favoriser une fragmentation de ce pays. Tout l'y incite : l'histoire, la division linguistique et religieuse, l'éclatement politique, et le délai accordé par l'OTAN avant de proposer le MAP à l'Ukraine. Cela permettrait à la Russie de recouvrer une région qui lui "appartient" historiquement, de posséder un meilleur accès au rivage de la mer Noire, de faire de la mer d'Azov une quasi mer intérieure, de recréer un rideau défensif occidental à base de zones tampon, de faire indirectement pression sur la Géorgie ,... Nul doute que, conformément à ce que je suggérais dans ces colonnes, le Kremlin va faire un pas dans cette direction. Alors, Kaliningrad et Sébastopol seraient pour Moscou des échelles du Couchant, tout comme la France avait au XIX° siècle des échelles du Levant."

carte_russie_occidentale.jpeg (carte extraite de cette page).

2/ Qu'ajouter un an après ?

  • - que ces avants-postes sont d'utiles relais dans la cadre de la stratégie gazière russe
  • - qu'au sud, ils sont utilement complétés depuis un an par l'Abkhazie à l'est et la Transnistrie à l'ouest, deux régions "russophones" qui complètent bien le dispositif maritime ;
  • - qu'au nord, ils sont utilement complétés par le renouveau de l'accord avec la Biélorussie.

3/ Mais encore ?

  • - que tout ceci témoigne de l'intérêt russe d'abord pour la sphère européenne
  • - que cela s'accompagne d'un intérêt "marginal" (sur les marges) pour l'Asie centrale et pour l'Arctique
  • - qu'il y a une certaine négligence envers l'orient de la Russie

4/ Fort bien, mais alors ?

  • Alors, la Russie se pense d'abord péri-européenne plus qu'eurasiatique, alors qu'on pourrait penser que cette vision géopolitique anime profondément Moscou (voir ici).
  • Et que cette conclusion doit nous faire relativiser la volonté russe (et le plaisir de certains médias occidentaux) de se considérer comme le grand méchant loup.

O. Kempf

Haut de page