Clausewitz (III, 14 Economie des forces)

Ce chapitre reprend l'intitulé d'un des trois principes de Foch, auxquels je faisais allusion il y a quelques billets. Or, je m'étais trompé (puisque je n'avais pas lu tous les chapitres de ce Livre III, mais seulement parcourus), et je m'étais laissé tromper par leur intitulé.

Or, Clausewitz ne nous explique pas, ici, que l'économie des forces est un principe stratégique.

Au contraire.

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1/ Lisons toutefois le premier paragraphe : "Les principes et les opinions permettent rarement au cheminement de la réflexion de se confiner à la ligne droite. Il lui faut, comme à toutes les choses pratiques de la vie, une certaine marge de manœuvre. La beauté se passe d'abscisses et d'ordonnées, de même que le cercle et l'ellipse ne sont pas nés de leur formule algébrique. L'homme de guerre doit se fier au doigté subtil de son jugement. Fondé sur un discernement inné et formé par la réflexion, il tombe juste presque sans le vouloir. Tantôt il ramènera la loi à ses traits les plus essentiels pour s'en faire des règles de conduite, tantôt il conformera sa règle de conduite aux méthodes traditionnelles" (p. 219).

2/ Ce passage me semble particulièrement intéressant, dans la mesure où CVC exprime la valeur ajoutée du "génie" militaire : on a déjà rencontré cette figure. Mais ce qui me semble intéressant, ici, c'est la façon dont CVC essaye de décrire la pensée complexe du stratège. En quelque sorte, ce passage est l'annonce d'une pensée non-linéaire, qui sera théorisée bien plus tard (voir billet ici). Je devine que le général Gambotti doit se délecter de ces lignes, qui renforce à la fois le clausewitzien et l'amateur de pensée complexe.

3/ Mais venons-en à l'économie des forces. Pour CVC, elle constitue une stupidité, puisqu'il s'agit au contraire d'avoir toujours une supériorité numérique sur l'ennemi. Or, la compréhension habituelle du principe de Foch donne l'explication suivante : il faut engager juste la force nécessaire pour obtenir le succès. Ce à quoi répond le maître prussien : "S'assurer que toutes les forces sont toujours en action, et ne jamais laisser au repos les unités dont on dispose". "Quand l'ennemi attaque, c'est être mauvais ménager de ses forces que de laisser des troupes loin du contact de l'ennemi". "Quand sonne le moment de l'action, la première des priorités est que toutes les forces passent à l'action".

4/ Qu'en dire ? Que pour CVC, l'économie des forces est une bêtise. Et que d'une certaine façon, le parallèle que j'avais cru déceler entre Clausewitz et Foch est faux. Mais il faudrait que des Fochiens s'expriment à ce sujet, et viennent corroborer ou nuancer le constat ici posé.

O. Kempf

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