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La Russie un an après la guerre de Géorgie

IL y a un an, la guerre de Géorgie détonait au cours de l'été. Je l'avais abondamment commentée sur le vieil EGEA (références précises ci-dessous). Il me semble utile de dresser un bilan géopolitique un an après.

carte_Georgie.jpg (Carte chargée sur http://www.populationdata.net)

1/ Rappelons tout d'abord que la guerre de Géorgie s'inscrit dans un raidissement russe commencé en février 2007, à l'occasion du discours de V. Poutine à la Wehrkunde. Le facteur déclenchant avait été les négociations bilatérales entre Américains, Tchèques et Polonais, pour l'installation d'un Bouclier Antimissile sur le territoire de ces derniers. Les Russes avaient évoqué d'autres thèmes, dont le plus important était la dénonciation des élargissements de l'Otan, mais aussi l'affaire du Kossovo, le traité FCE et, de façon subliminale, la question nucléaire. D'une façon générale, la Russie souhaitait être reprise au sérieux.

2/ Un an après, le bilan russe est largement positif. L'élargissement de l'Alliance à l'Ukraine et à la Géorgie a été reporté sine die. L'Ukraine est désormais politiquement divisée, en attente des élections de la fin de l'année où il y a de bonnes chances qu'un pouvoir qui soit au moins poli avec Moscou soit désigné.

3/ Le Kossovo est passé par pertes et profits, même si la lutte s'est désormais déplacée sur le plan juridique, à la cour de La Haye, selon la procédure ouverte par la Serbie. Une minorité d'Etats reconnaissent le Kossovo indépendant. Surtout, l'exemple de Pristina avantage, d'une certaine façon, la position russe. Moscou en effet s'appuyait (juridiquement avec raison, faut-il le rappeler) sur les accords d'Helsinki pour dénoncer la procédure adoptée par l'Occident (respect de la souveraineté, intangibilité des frontières, etc...). En s'assoyant dessus, les Occidentaux ouvrent la porte pour d'autres dessins (et d'autres desseins) : Moscou a ainsi orchestré l'indépendance (!) de l'Abkhazie et de l'Ossétie du sud. Son accès à la mer Noire s'en trouve élargi d'autant, avec une pression indiscutable sur les tuyaux qui traversent la Géorgie en provenance de la Caspienne. Dans le même temps, Moscou poursuit son avantage en distribuant généreusement des passeports russes à l'extérieur (Crimée, Moldavie, pays Baltes) afin d'entretenir des minorités, favorables à d'autres pressions futures.

4/ Sur le nucléaire, la victoire est là aussi quasi totale. L'arrivée de l'administration Obama a provoqué un quasi abandon du Bouclier antimissile (voir les déclaration de J. Biden ici et ici), au grand désarroi de Varsovie et de Prague. Mieux, la rencontre Medvedev-Obama d'avril a été l'occasion d'une déclaration retentissante, suivie du discours de Prague où le nouveau président appelle à un désarmement. Le document signé début juillet (voir ici) n'engage quasiment à rien par rapport à SORT, mais permet à Moscou d'afficher une grande victoire.

5/ Autant dire que le reste peut attendre : les relations avec l'Alliance ont repris comme avant, après avoir fait suspendre pendant six mois la base de Manas qui approvisionnait la FIAS par le nord. Car la Russie a intérêt à contrôler les routes vers l'Afghanistan (voir mon billet)

6/ Alors, que des réussites ? Non, quelques points d'achoppement se révèlent, et fragilisent la position russe.

7/ Tout d'abord, la défiance générale de l'étranger proche. La Biélorussie prend ses distances, l'Ukraine n'est pas convaincue, les -stan d'Asie centrale n'accrochent pas, et même les communistes de Moldavie n'arrivent pas à rester au pouvoir. En d'autres mots, la Russie utilise une vision XX° siècle du manuel de géopolitique, sans s'apercevoir que dans la version XXI° siècle, il faut y incorporer de la puissance douce, de l'attrait, de la comm. En ne récitant que des recettes de puissance dure, la Russie s'isole. Vous me direz, d'autres ne font qu'utiliser des recettes de puissance douce, sans être vraiment probants non plus. Il faut des deux.

8/ Les conditions générales demeurent mauvaises. La démographie continue d'être catastrophique, et posera à terme des questions en Sibérie, face à l'entreprise chinoise. Quant à l'économie, elle est durement atteinte par la crise : le modèle de rente supporte mal l'écroulement du pétrole, surtout quand la pétromonarchie compte 140 M d'habitants et qu'elle est corrompue jusqu'à la moelle.

9/ Enfin, la question énergétique devient plus complexe. L'Europe, sans le faire vraiment exprès, développe une politique de voisinage qui vient empiéter sur les sphères russes. D'une certaine façon, l'action russe attire l'Europe, dans une géopolitique involontaire. L'Europe s'est même décidée à soutenir Nabucco (même si récemment, la Russie a signé un accord avec la Turquie au sujet de Southstream).

IL reste qu'au final, la position russe s'est très bien améliorée au cours des trente derniers mois.

Références :

  • Sur la perception russe de la guerre de Géorgie : ici, ici et ici.
  • Sur la guerre d e Géorgie : ici, ici ici, et à propos du port de Poti ici.
  • Sur les autres et l'affaire géorgienne : Etats-unis, l'Otan, l'Europe.

O. Kempf

Commentaires

1. Le mardi 11 août 2009, 09:24 par

Concernant le point 8 : très juste, j'ai beaucoup de mal à comprendre la stratégie Russe en cours et cette réduction inévitable de la population (qui me semble mal cadrée avec une certaine politique de puissance).

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