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Géopolitique et jeu : jeupolitique

Le thème du mois d'AGS évoque les fantaisies stratégiques. Nous nous intéresserons donc à la jeupolitique.

1/ Il y a des classiques : le poker ("il a bluffé" : on lira ici l'Iran et le poker géopolitique), les dominos ("la théorie des dominos" : on lira ici une contre théorie des dominos à propos de l'Afghanistan) voire les dés ("il joua tout sur un coup de dés": on lira ici le coup de dés, la Turquie et l'UE). Ainsi, on joue beaucoup dans les relations internationales. Pourtant, la jeupolitique s'appuie sur deux jeux primordiaux.

pieces_echecs.gif

2/ Le plus familier aux Occidentaux est le jeu d'échecs. Le jeu d'échec est d'abord un territoire, le damier, qu'il faut maîtriser afin d'imposer sa volonté à l'autre. Il y a des règles, des pièces, des valeurs, des combinaisons, une attaque, une défense. Il s'agit réellement d'une lutte de puissance sur un territoire. La seule différence de la géopolitique tient à ce que le territoire, tout normé soit-il, ne sert que de support à l'affrontement, et n'en est pas l'objet. Mais les échecs constituent indubitablement un jeu géopolitique.

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3/ Beaucoup plus proprement géopolitique est le jeu de go. Ce jeu oriental, surnommé le jeu d'échecs chinois, est également constitué d'un damier et de pièces. Mais à la différence des échecs, les pièces sont toutes égales, elles n'ont pas de valeur propre, elles s'équivalent. C'est qu'il ne s'agit pas, dans l'affrontement de puissance, de défaire une pièce particulière de l'autre (le roi) mais de le dominer en prenant contrôle d'un maximum de territoire, d'enserrer l'adversaire de façon qu'il ne se meuve plus et qu'il perde sa liberté de mouvement. Au go, l'objet du jeu est bien l'espace. C'est réellement un jeupolitique.

plateau_risk.jpg

4/ Tout ceci est parfait, mais il manque des alliances. On s'intéressera pour cela à un jeu comme le Risk, jeu de stratégie qui n'est pas un jeu de rôle (wargame ou Kriegspiel), où l'on cherche à reproduire les détails d'un affrontement : il s'agit là de stratégie militaire, quand le Risk vise plus de contrôler des buts assignés au départ ("vous devez conquérir dix-huit pays", "vous devez conquérir l'Europe et l'Asie") avec une combinaison de pièces, d'alliances, de coup de dés, le tout étant destiné à contrôler des territoires.

Mais je suis sûr que vous connaissez d'autres jeupolitiques.... Dites les moi.

O. Kempf

Commentaires

1. Le mercredi 12 août 2009, 17:35 par

Il y a bien sûr le fameux Richesses du monde, versé sur l'économie, où il s'agit d'acheter et de vendre des ressources naturelles, des produits agricoles et manufacturés reflétant plus ou moins la situation du monde réel.

2. Le mercredi 12 août 2009, 17:35 par Corentin

Le jeu géopolitique par excellence reste Diplomatie, à la fois très simple dans son fonctionnement et extrêmement fin: http://www.trictrac.net/index.php3?...
Niveau jeu d'alliance, difficile de faire mieux. J'avais lu un article d'un enseignant en théorie des relations internationales l'utilisant en cours afin d'illustrer le paradigme "réaliste", et notamment l'équilibre des puissances.

3. Le mercredi 12 août 2009, 17:35 par

Ces réflexions sont très justes, mais il faut se garder de trop développer l’aspect ludique de la stratégie, voire de la tactique. Parce que ceci conduit, si l’on n’y prend pas garde, à une vision trop abstraite de la guerre et l’on oublie que le soldat, avec la légitimité que lui donne sa mission, met en œuvre les armes. Ce sont des outils faits pour tuer.

Il n’y a pas que les jeux de société qui développent des analogies avec la guerre : des jeux physiques comme le rugby et le football ont aussi leurs « attaquants » et leurs « défenseurs ». Le vocabulaire guerrier est galvaudé et c’est un tort : lorsque dans un cocktail deux people se regardent en chiens de faïence, la presse spécialisée nous annonce que « c’est la guerre » entre eux.
L’usage exagéré d’analogies guerrières conduit à des excès dangereux. C’est ainsi qu’une ancienne ministre de la Défense, devenue ministre de l’Intérieur, révèle maladroitement qu’elle n’avait aucune notion de sa précédente fonction : elle parle de « stratégie de guérilla urbaine » au sujet d’émeutes dont les vidéo, pleines de cris, de mouvement, de fumée, de silhouettes floues, l’impressionnent : http://geographie-ville-en-guerre.b... Il ne faut pas tout mélanger car cette prétendue « guérilla » risque de nous conduire à faire de la contre-guérilla, ce qui serait un malentendu meurtrier. Ceci est à rapprocher d’un précédent billet d’Olivier Kempf qui nous rappelait à bon escient que « les mots ne sont pas anodins » : http://www.egeablog.net/dotclear/in...

La « bataille » est le nom d’un jeu mais sur le terrain c’est une réalité aussi concrète qu’un cataclysme. Ceci est un fait, même si l’on parvient à éviter que la bataille se déroule en présence des populations qui ont été évacuées ou qui, averties, ont préféré fuir. La bataille détruit des infrastructures où les populations éloignées espèrent revenir vivre dès que possible. Pour les populations, la bataille est l’équivalent d’un tremblement de terre même si c’est parfois un tremblement de terre que l’on peut prévoir.

Il y a un siècle, nous avons abordé la Grande Guerre avec une génération d’officiers qui, à l’exception de quelques coloniaux, n’avaient « jamais entendu un coup de feu ailleurs que sur un champ de tir» (Charles de Gaulle in La France et son armée) et qui croyaient connaître leur métier dont ils n’avaient pourtant qu’une idée abstraite.
Nos opex ont ceci de bon qu’elles nous éviteront de produire une génération d’officiers dont la pensée ne serait faite que d’abstractions. C’est pourquoi, si l’on me demandait mon avis (mais je sais que d’autres, dont on demande l’avis, pensent comme moi) je préconiserais qu’un maximum d’unités tournent en opex. Non pas pour ensuite éliminer bêtement du tableau d’avancement ceux qui n’auraient pas au moins une opex à leur curriculum, mais pour que la réalité du terrain reste toujours présente dans l’inconscient collectif de notre armée et surtout de ses états-majors toujours enclins à l’abstraction.
Par conséquent, Monsieur Kempf, votre billet est fort utile. L’on se souvient d’ailleurs que notre tendance à l’abstraction fut fort habilement utilisée par les Américains en 1991 quand ils nous ont présenté la guerre d’Irak (en fait, la destruction de l’Irak renvoyé à l’époque préindustrielle) comme un jeu électronique. On ne sait pas exactement si ce jeu a fait deux cents ou trois cents mille morts.

EGEA : cher monsieur, attention, j'évoque des jeux géopolitiques, non des jeux de guerre. Mon blog est un blog de géopolitique, même s'il évoque,incidemment, des questions stratégiques. Vos commentaires, pour pertinents qu'ils soient dans l'absolu, me paraissent donc légèrement déphasés avec l'objet du billet : la jeupolitique

4. Le mercredi 12 août 2009, 17:35 par

C'est un peu hors-sujet, mais je me permet de répondre à Yves Cadiou (j'implore le pardon de notre hôte ...).
J'ai pas mal d'expérience question wargames, mais aucune concernant la guerre (et c'est heureux). Le peu que je connais sur cette dernière n'est issu que la lecture ou de dialogues avec des professionnels.
Effectivement, il faut bien faire la part des choses, entre des jeux, qui n'impliquent rien, et une activité humaine qui met en jeu la vie d'hommes, de familles, de pays entiers.
Le joueur n'est (et ne peut être) qu'un pousseur de pions/figurines. J'évoque souvent l'image d'adultes régressifs, un peu comme des enfants qui jouent dans le jardin familial après avoir vu un film de guerre...

EGEA : que mille débats fleurissent !

5. Le mercredi 12 août 2009, 17:35 par

Bonjour,

Le jeupolitique comme vous le nommez a trouvé un support idéal me semble-t-il avec l'informatique. Pour deux raisons : d'une part il est désormais possible d'affronter de multiples joueurs de par le monde, et d'autre part l'on peut se rabattre désormais sur des intelligences artificielles qui tout en restant artificielles (c'est toujours un jeu dans le jeu que de deviner le fonctionnement de l'algorithme ^^) n'en demeurent pas moins de sérieux adversaires ayant souvent l'avantage du traitement en parallèle des actions menées (alors que l'humain, le pauvre, doit se contenter d'un traitement en série).

Un de mes préférés demeure "Crusader Kings : Deus Vult" où l'on ressent bien toute la complexité du monde médiéval qui loin de se résumer à Godefroy le Hardi et son fidèle écuyer Jacquouille se dévoile notamment à travers les mariages dynastiques et les liens de vassalité comme moyens d'accroître richesse, territoire et prestige. Et pour ne rien gâcher, l'ordinateur est sacrément hargneux et planifie généralement avec à propos ses visées territoriales, notamment par la voie indirecte. Ou comment reproduire aussi fidèlement que possible les méandres de la géopolitique au Moyen-Âge.

Pour terminer sur Risk vis à vis des jeupolitiques actuels, je lui reproche une tare majeure : la trop grande importance laissée à la contingence (le lancer de dés en d'autres termes).

Cordialement

6. Le mercredi 12 août 2009, 17:35 par Nicolaev

Il y a deux autres jeux dans la même veine que "Risk" :
Tout d'abord, il y a "Stratego", avec un design qui rappelle les guerres de l'époque Napoléonienne et du XIXème siècle. (cf. Wikipédia)

Il y a ensuite "Power", qui fonctionne sur le même principe, mais avec une dimension plus type Guerre Froide, années 1990 et au-delà.
(cf.http://jeuxstrategie.free.fr/Power_...)

7. Le mercredi 12 août 2009, 17:35 par Nicolaev

Je rajoute la série des jeux "Axe et Alliés" - Axis & Allies, en version originale - distribué en France par le même éditeur, Tric Trac, mentionné par Corentin (voir message n°2)

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