Comme chaque année, le président de la République a prononcé son discours aux ambassadeurs, moment essentiel de la politique étrangère de la France. (voir ici).

J'avais évoqué ici celui de l'an dernier, et il est intéressant de les suivre d'année en année.

1/ L’an dernier, le PR avait utilisé la notion pertinente de puissances relatives. S’il emploie une fois l’expression dans sa conclusion, la notion de « hiérarchie de puissance » est citée à plusieurs reprises : pour la France (« la cinquième puissance du monde, ce n’est pas suffisant ») et pour l’Europe (« la sortie de crise interpelle aussi l’Europe »). La crise actuelle est donc pour lui un moyen de réorganiser les puissances, dans une vision très classique de l’ordre international.

2/ Car la crise du « 15 septembre 2008 » (il faudra bien parler du 9/15, vous verrez) a marqué « la fin d’une mondialisation ». « Ce jour-là, les Etats se sont retrouvés seuls ». Ils ont « constaté qu’ils devaient travailler ensemble et qu’il n’y aurait de salut que collectif ». La crise remet donc l’Etat en selle. Elle favorise l’internationalisation plus que la « mondialisation » (selon la distinction opérée par Ch. Grataloup in « géohistoire de la mondialisation »). Les Etats ont encore du sens.

3/ Dès lors, le PR nous parle beaucoup du sommet de Pittsburgh, le mois prochain. G 20, paradis fiscaux, bonus financiers, adaptation des normes comptables, prix de l’énergie, nucléaire civil, questionnement du modèle chinois, et question climatique dans la perspective du sommet de Copenhague. Il rappelle la nécessité d’un autre indicateur de croissance, économique ET écologique, (commission Stiglitz/Sen, qui doit rendre son rapport le 14 septembre).

4/ L’an dernier, on avait retenu que le CSNU devait être responsable de la sécurité élargie, et que le G13/14 serait responsable de toutes les autres questions (économiques, et écologiques). Cette année, on assiste à un autre discours : au lieu d’une simplification des instances, le PR recommande leur élargissement : achèvement de la transformation du G14 (en fait, de son institutionnalisation), G 20 pour l’économie et la finance, réforme du CSNU, réforme du FMI, souhait (renouvelé) d’une organisation unique de l’alimentation, nécessité d’une organisation mondiale de l’environnement (OME), réforme de l’OIT, conjonction des travaux de l’OMC, de l’OME et de l’OIT, …. On le voit, les objectifs demeurent même si les modalités de leur mise en œuvre évoluent au gré des circonstances, des résistances : la démarche est pragmatique (et pas surprenante de la part du PR).

5/ L’an dernier, j’avais retenu que la notion d’Occident était assimilée à la relation transatlantique. Cette année, pas de développement : un petit développement sur l’Otan, une interpellation de l’Europe (« L’UE veut-elle être une puissance ? », et « L’Europe doit renforcer ses capacités militaires parce que l’Europe, ce n’est pas une immense Croix Rouge »).

6/ Les questions régionales sont assez courtes. Un sommet de l’UPM serait lié à des avancées du processus de paix : c’est accepter, en creux, que la Méditerranée ne peut avancer sans résoudre le conflit israélo-palestinien. D’ailleurs, le PR précise bien que ce n’est pas une crise régionale, car « ce conflit concerne le monde entier et il est temps de régler ce conflit ».

7/ Le développement sur l’Iran est sans surprise. Sur l’Afghanistan, je retiens un propos plus optimiste que ce qu’on lit habituellement dans la presse : « des millions de gens se rendent aux urnes ». C’est une bonne chose (voir mon billet ici).

8/ Enfin, on note que la priorité de l’année sera l’Afrique, avec le cinquantième anniversaire de l’indépendance d’anciennes colonies, un sommet Afrique France, le défilé du 14 juillet, la fin de la renégociation des accords de défense, l’Agence française de développement, la dialogue avec Afrique du sud, Angola, Nigéria, .. ;

9/ Ainsi, on sent bien les priorités : Pittsburgh, Copenhague, et l’Afrique. C’est après tout le but d’une conférence annuelle…..

O. Kempf