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LPM et ordonnance de 1959

Je m'étonnais, il y a plus d'un an, de la nature du LIvre Blanc et de son insertion dans la hiérarchie des normes. Je notais au passage les difficultés de cohérence avec l'ordonnance de 1959.

L'affaire est désormais levée, puisque la Loi de Programmation Militaire (LPM), votée le 16 juillet dernier, lève du même coup les deux objections.

1/ En effet, il faut constater que juridiquement, le LB n'est rien. Sauf à accepter une valeur "coutumière", ce que j'admets d'ailleurs volontiers : il a force de "loi" parce que les gens croient à sa valeur impérative : et somme toute, cela suffit. Surtout s'il s'agit d'inspirer une politique générale. Là où le bât blesse, c'est dans la fixation des objectifs : au sens propre, le LB ne peut fixer des contrats. C'est pourquoi la LPM vient suppléer à ce vide juridique, puisqu'elle a, au sens propre, force de loi.

2/ Allons donc lire cette LPM : elle est constituée de deux parties : un certain nombre d'articles, puis un rapport annexé qui expose 1 La politique de défense dans la stratégie de sécurité nationale de la France dont 1.4 Objectifs et contrats opérationnels, puis 2 La programmation militaire 2009-2014 avec la déclinaison des cinq fonctions, suivi de 3 La transformation de la défense (qui parle de format, de RH, de restructurations)), de 4 L’industrie et la recherche, de 5 L’adhésion de la Nation, condition de l’efficacité de la stratégie de sécurité nationale, de 6 Les ressources, enfin de 7 Les suites du Livre blanc et le suivi de la loi avec notamment un 7.1 Le conseil de défense et de sécurité nationale et la réforme de l’ordonnance de 1959.

3/ Restons dans la première partie, qui modifie l'ordonnance de 59 telle qu'elle apparaît dans le code de la défense.

  • Ainsi, l'article 1111.1 : "La défense a pour objet d'assurer en tout temps, en toutes circonstances et contre toutes les formes d'agression, la sécurité et l'intégrité du territoire, ainsi que la vie de la population." devient :
  • "La stratégie de sécurité nationale a pour objet d’identifier l’ensemble des menaces et des risques susceptibles d’affecter la vie de la Nation, notamment en ce qui concerne la protection de la population, l’intégrité du territoire et la permanence des institutions de la République et de déterminer les réponses que les pouvoirs publics doivent y apporter. « L’ensemble des politiques publiques concourt à la sécurité nationale.« La politique de défense a pour objet d’assurer l’intégrité du territoire et la protection de la population contre les agressions armées. Elle contribue à la lutte contre les autres menaces susceptibles de mettre en cause la sécurité nationale."

4/ Surprenant ? Et,comment dire, un peu verbeux ? Toutefois, l'essentiel est bien là, et derrière l'effort de précision qui justifie ces développements, on constate :

  • que la "défense" devient la "politique de défense"
  • que le terme d' "intégrité nationale" demeure
  • que la "vie de la population " devient la "protection de la population"
  • qu'enfin, ou plus exactement in principio, disparaît la notion de "en tout temps, en toutes circonstances et contre toutes les formes d'agression".

5/ C'est au fond ce dernier point que je trouve le plus significatif. Un interlocuteur me répondait que la notion se maintenait dans le statut général des militaires : certes, mais on conviendra que ce statut a un rang moindre que cette LPM, elle-même moins solennelle que l'ordonnance ; que la valeur un peu sacrée du texte que tout militaire savait presque inconsciemment disparaît ; que c'est donc une particularité "militaire" qui s'estompe, sans y prendre forcément garde. Ce qui était dit en peu de mots, lapidaires et donc essentiels, se boursouffle de mots pas forcément utiles. Au-delà, les notions de permanence (tout temps) et de tous azimuts (toute circonstances) s'affaissent. C'est un coup de canif à la dissuasion, et à l'article 16. Pas grave, l'essentiel y est, me rétorquera-t-on... Sans doute ! mais pas très convaincant....

6/ le ministre de la défense : désormais, il est responsable "de la préparation et de la mise en œuvre de la politique de défense." quand, dans l'O59, il n'était chargé que de "l'exécution de la politique militaire". A noter qu'il est aussi responsable de "la mise en condition d’emploi", expression que l'on retrouvait déjà dans l'O 59 et qui ne me paraît pas précisément définie : or, cette imprécision pouvait être de peu d'importance en 1962, voire en 1982 : avec cette LPM, mais aussi les décrets de 2005 réformés par les décrets de 2009, ces mots prennent une subite importance : nul doute que les juristes vont s'atteler à nous expliquer ce que signifie la mise en condition...

7/ Le ministre de l'intérieur voit ses attributions évoluer : "responsable de la préparation et de l’exécution des politiques de sécurité intérieure et de sécurité civile qui concourent à la défense et à la sécurité nationale" quand il n'était que de "préparer en permanence et mettre en œuvre la défense civile" : le changement est notable, et n'étonnera personne.

8/ Dernière modification significative : l'O59 évoquait les autres ministres. La LPM désigne celui de la justice, de la santé et de l'environnement : leur apparition dans les affaires de défense n'est pas anodine, et apparaît heureuse.

Nous examinerons, dans un prochain billet, le rapport annexé.

O. Kempf

Commentaires

1. Le mardi 22 septembre 2009, 21:08 par

Bonjour,
C'est vraiment très bien vu pour ces changements importants qui étaient passés un peu inaperçu, éclipsés par la LPM et les vacances estivales.
Certains changements dans l'article 5 de la LPM 2009-2014( http://www.legifrance.gouv.fr/affic... ) amènent un peu de flou par rapport au décret n° 2009-869 du 15 juillet 2009 relatif aux attributions du ministre de la défense, du chef d'état-major des armées et des chefs d'état-major d'armées ( http://www.defense.gouv.fr/ema/comm... ), paru 14 jours plus tôt.
Par exemple, dans le premier, le ministre de la défense me semble responsable du renseignement d'intérêt militaire alors que c'est le CEMA dans le second, sous l'autorité du ministre. Je fais peut-être une interprétation hasardeuse mais ce n'est pas forcément très clair.
Ceci étant, dans la hiérarchie (une science exacte?) des normes, la loi est au-dessus du décret...

EGEA : eh ! oui : il faut aussi comparer avec les deux décrets du 15 juillet 2009. On attend également tous les textes complémentaires d'organisation de l'EMA, ...

2. Le mardi 22 septembre 2009, 21:08 par

Il manquait un complément. Il est tout neuf : décret n° 2009-1177 du 5 octobre 2009 relatif aux attributions du chef d'état-major des armées et des chefs d'état-major d'armée http://www.legifrance.gouv.fr/affic...

EGEA : merci de l'info, plus que pertinente !

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