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Les Chinois ne croient plus à l'Occident

L’interview de H. Kissinger, dans le Figaro de samedi, était passionnante, comme toujours. On y retient surtout la vraie faute des courtiers de Wall Street.

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En effet, en Europe, on voit leurs bonus de cette année sous l’angle de la morale : « ils n’ont rien compris, ils exagèrent, ils n’ont aucune honte ».

Cette perception est peut-être juste, mais elle est proprement inefficace. Car un économiste classique vous répondra : « comme le système repose sur une maximisation de l’utilité individuelle, que celle-ci passe en l’espèce par la rémunération, il est logique et cohérent que cela passe par des hauts bonus destinés à récompenser la vraie ressource rare sur le marché, le vrai facteur de production que constitue le trader de haut niveau : cela contribue en effet à la perfection des marchés ». On a donc là une vision qui apaise la conscience de ces hauts revenus (car il faut accepter l’hypothèse qu’ils ont une conscience, pourquoi leur dénier) : ils participent à la perfection des marchés, ils sont donc « justes ».

Or, sans aller jusqu’à remettre en cause la perfection des marchés (quoique, on y reviendra), on peut tout simplement constater que cette politique est à courte vue : non seulement parce qu’immanquablement, elle reconduira à l’échec où elle nous a déjà mené, sachant que par ailleurs, les États n’auront plus alors la capacité de gommer les défaillances des banques ;

Mais surtout, parce que cela agace prodigieusement les Chinois. Et c’est ici qu'on revient à l'article de Kissinger. Que dit-il ? Que les Chinois ont perdu confiance. Ils ne croyaient déjà plus à l'Amérique pour sa capacité à mener une politique (par là, probablement, s'explique la vraie réticence à s'associer aux sanctions onusiennes, au moins autant que par les intérêts économiques). Depuis Lehman Bros, puis la réaction des financiers américains, puis les nouvelles bulles en train de se créer (avez-vous remarqué que même les actions automobiles atteignent des niveaux incroyables?), ils ne croient plus à l'Amérique pour sa capacité à mener une politique économique.

C'est ici qu'intervient le débat entre "réalisme" (et Kissinger, qui ne prononce pas le mot, est un maître de la chose), son succédané le "pragmatisme", et enfin une dernière notion, souvent oubliée : la responsabilité.

En clair, les Chinois n'ont pas de leçons à recevoir : ni pour la sous-évaluation du Yuan, ni pour la croissance artificiellement gonflée depuis des années, ni... : ils faisaient "crédit" aux Occidentaux (comprendre : aux Américains) de leur succès économique. Ils s'aperçoivent aujourd'hui de leur insuccès, et surtout de leur "irresponsabilité". Ce n'est pas seulement une affaire de sous. C'est une affaire de "respectabilité". Ainsi s'explique la manœuvre persistante des Chinois pour trouver une alternative au dollar.

Toutefois, le pragmatisme (le fameux pragmatisme, si souvent présenté comme une qualité anglo-saxonne, qu'aucun autre pays n'aurait, ni la France ni la Chine), le pragmatisme serait chinois. Rien ne sert de casser la machine : il faut juste contribuer à la faire vaciller, elle s'écroulera d'elle-même. Faut-il donc sauver le soldat dollar ? Malgré les déclarations amourachées de PA Delhommais, je crains qu'il ne soit trop tard. Même si on ne sait ce qui émergera des décombres....

Et même s'il 'est pas sûr que la Chine en tire vraiment profit.

O. Kempf

Références:

  • Sur le renouveau chinois, on lira mon billet au sujet du G 20
  • Sur le lien entre crise financière et remise en cause occidentale, on lira celui-ci.

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