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L'inéluctable affaiblissement d’Israël

A bien y regarder, la tendance la plus stupéfiante au Proche-Orient tient à l’inéluctable affaiblissement d’Israël. En effet :

Carte_israel_.jpg (carte accessible ici)

1/ Militairement, l’échec de 2006 face au Hezbollah a démontré que dans certaines conditions, Tsahal était prenable, comme on dit au rugby : un jour de match, tout peut arriver et les hiérarchies peuvent être bousculées. Parier sur une répétition de l’aventure serait aventureux : à tout le moins a-t-on constaté que cette fois-là, Israël avait perdu.

2/ L’opération de Gaza, l’hiver dernier, n’a pas été des plus probantes : Israël n’a pas perdu, chacun en convient (voir ici) : a-t-il pour autant gagné ? je ne parle même pas du prestige écorné, mais juste des relations profondément dégradée avec l’Égypte, d’autant plus raidie qu’on assiste à la fin de règne d’Hosni Moubarak : la succession paraît lourde de risques d’abord intérieurs, mais aussi envers le voisin du nord.

3/ L’arrivée de B. Obama est une autre manifestation de cet affaiblissement. Certes, le nouveau président n’a pas réussi à obtenir le gel des colonisations. A tout le moins démontre-t-il peu d’enthousiasme pour la direction israélienne (voir mon billet où j'expliquais pourquoi Israël n'était plus le 52° Etat américain).

4/ On a évoqué, déjà, le rafraichissement des relations avec la Turquie, alors que ce pays constituait le principal point d’appui des dernières années.

5/ La Syrie, dans le même temps, se fabrique une nouvelle vertu et redevient fréquentable par les Occidentaux, tant vis-à-vis du Liban qu’à propos de l’Irak. On ne parle plus des négociations sur le Golan : est-ce parce que la Turquie ne joue plus les entremetteurs ? parce qu’au fond, Damas calcule que le fruit tombera plus tard, de façon plus avantageuse ?

6/ La Jordanie demeure constante dans son 'soutien' à Israël, obéissant en cela à sa ligne politique du profil bas qu’elle suit depuis cinquante ans. S’agit-il pour autant d’un appui solide ?

7/ Les pays arabes marquent leur défiance, de manière de plus en plus appuyée : ne viennent-ils pas d’inventer un moyen de levier économique, refusant tout armement occidental qui incorporerait des technologies militaires israéliennes ? il n’y a pas mieux pour saper la BITD israélienne, source de sa puissance régionale.

8/ Enfin, malgré toutes les menaces, roulements d’épaules, gros yeux, retenez-moi ou je fais un malheur, tu vas voir à la récré, Israël n’a pas réussi, si peu que ce fût, à ralentir la progression du programme nucléaire iranien.

9/ Certes, il y a une sorte de renforcement réciproque des extrêmes et une alliance objective entre Nétanyahou et Ahmadinedjad, que j’ai déjà évoquée. Mais évidemment, cette politique et à courte vue. Car elle renvoie au système politique israélien. En effet, constater l’épuisement stratégique israélien ne signifie pas pour autant que les ressorts de sa puissance ont disparu : Israël demeure inexpugnable, car il a l’arme nucléaire, et surtout une arme opérable en deuxième frappe. La question n’est pas existentielle : elle est seulement stratégique : quelle meilleure façon d’atteindre des objectifs politiques ? et puisque l’on pose cette question, quels sont ces objectifs politiques ?

10/ Or, le choix politique qui a été fait depuis les élections montre déjà ses limites malgré la popularité de Netanyahou : le radicalisme d’un Liebermann n’est plus tenable : la contradiction entre une politique extérieure impossible et une politique intérieure caricaturale apparaît de plus en plus patente. Mais la tension extérieure servait la tension intérieure. L’épuisement de la tension extérieure provoquera des changements intérieurs.

11/ Pourquoi un épuisement extérieur ? parce qu’il faut bien se rendre à l’évidence : Tel Aviv devra accepter, un jour ou l’autre, la possibilité d’un Iran nucléaire, ou au seuil. Le calcul stratégique va s’en trouver profondément modifié. Surtout si l’on admet que l’arme nucléaire n’est pas offensive, et que par conséquent l’Iran n’est pas une menace. Toutefois, l’Iran constitue un risque.

12/ Là est au fond le principal ressort de l’évolution en cours : l’affaiblissement d’Israël est un fait. Mais il est relatif. Israël doit donc admettre qu’il n’aura plus de sécurité absolue (même si l’arme nucléaire procure une sécurité essentielle) (voir également le discours de Martin Van Creveld, dont Alain rend compte ici). Israël doit aboutir au même constat stratégique que les Américains à l’issue du 11 septembre : il ne peut y avoir de sécurité absolue de l’un qu’aux dépens de l’insécurité stratégique absolue de tous les autres. Cet objectif est inatteignable. Il faut accepter une part de faiblesse. Et cette part de faiblesse suppose de transiger – donc d’admettre l’autre, à défaut de l’aimer.

Ce travail est en cours : l’article d’hier soir de Samy Cohen en est l’illustration évidente et la plus actuelle.

Référence : Il faut absolument lire « comment fut inventé le peuple juif » de Shlomo Sand (compte rendu ici) : un livre indispensable dont je tarde à écrire la fiche de lecture, alors qu’il m’a passionné cet été.

O. Kempf

Commentaires

1. Le mardi 20 octobre 2009, 20:04 par

La capacité de deuxième frappe que vous évoquez au §9 rencontre ici comme ailleurs une limite : l'on ne peut riposter que contre un agresseur identifié.

Un aspect que vous n'évoquez pas (peut-être parce que l'argument n'est pas valable), c'est qu'Israël n'a plus l'importance stratégique qu'il avait au moment de sa création, placé à proximité du canal de Suez par où passait une grande part de nos approvisionnements.

EGéA : vrai, et vrai

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