Moi ou le chaos : une variation de Mahmoud Abbas
Par Olivier Kempf le samedi 7 novembre 2009, 13:21 - Palestine - Lien permanent
D'habitude, la formule "moi ou le chaos" est le fait d'un prétendant au pouvoir qui se présente comme l'ultime solution pour garantir, voire rétablir l'ordre.
Hier, le président de l'autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a inventé une autre acception : puisque vous ne voulez-pas négocier, j'abandonne, et ce sera le chaos. Le "moi ou le chaos" devint un argument pour quitter le pouvoir, non pour y accéder.
Au-delà de cette curiosité politique, M. Abbas tire les conséquences de l'intransigeance d'Israël et de sa quête d'une sécurité absolue (voir billet). On voit bien en effet les autorités israéliennes fort marries devant cette annonce, qui n'était visiblement jamais entrée dans leurs calculs.
Et puisqu'on parle de calcul, je ne crois pas que celui de M. Abbas consiste à obtenir un revirement israélien. Il est au contraire possible -probable?- qu'il maintiendra son choix.
Alors, les solutions seront assez simples : le Hamas, ou M. Marwan Barghoutti.
- Celui-ci est populaire, dit-on, et paraît le seul capable d'unifier le Fatah, seul partenaire acceptable par Israël. Mais il est en prison : imaginez-vous Tel-Aviv le relâcher, afin qu'il "prenne la succession" de M. Abbas ? ce serait passer d'une dépendance (celle de la geôle) à une autre, plus politique. Peu praticable.
- Alors, ce sera le Hamas, seule force politique alternative crédible... Et si on ne s'entend pas avec le Hamas, il y aura des ultras radicaux, encore plus extrémistes que le Hamas, qui le déborderont dans l'intransigeance.....
Bref, le chaos. Mais il était prévisible.....
O. Kempf
Réf.
- Sur l'annonce de M. Abbas : dabs le figaro et le monde..
- Réactions bloguiques : P. Rousselin (le fig), Gilles Paris et le même (le monde). Enfin et surtout, (vrai blkog amateur), ce billet de the middle east en français.
Commentaires
Je ne suis pas aussi convaincu sur la possibilité de relâcher Barghouti. Ce n'est pas un extrémiste, il n'a pas trempé dans la déroute palestinienne des dernières années, il parle hébreu, il bénéficie d'une popularité unique auprès des partisans du Fatah, mais également (et c'est ce point qui est crucial) auprès des sympathisants du Hamas.
Israël est ici face à un choix difficile. Soit elle relâche Barghouti qui ne sera probablement pas aussi commode qu'Abbas, mais c'est le seul qui peut mettre fin à la domination du Hamas à Gaza pour unir le peuple palestinien. Soit elle le garde en prison et court à une précarité politique en Cisjordanie, une bande de Gaza plus que jamais aux mains du Hamas et des territoires palestiniens toujours plus divisés. Je ne pense pas que ce soit dans l'intérêt israélien.
Pour l'actuel gouvernement israélien peu enclin à faire des concessions aux Palestiniens, il faut choisir entre la peste et le choléra. Dans l'absolu, le choix est pourtant assez simple dans le cas présent, mais avec le Likud au pouvoir, rien n'est fait.
EGEA : je suis bien d'accord avec vous. Sur lapossibilité de relâcher Barghouti, je me plaçais uniquement du point de vue palestinien : s'il est relâché par Israêl aux seules fins de remplacer Abbas, conservera-t-il sa légitmité ? ne sera-t-il pas considéré comme redevable à Israël, et donc en permanence soupçonné d'honorer un contrat caché ? il faudra donc qu'il soit logiquement plus intransigeant qu'Abbas (ne serait-ce que pour tenter de rallier Gaza). QUant à Israël, je pense avoir déjà évoqué qu'il n'était pas aussi fort qu'il paraissait. Merci de vos encouragements.
Dommage qu'une carte de 2009 ne viennent compléter le tableau de l'évolution de cet Etat "archipélagique" de Cisjordanie, la colonisation n'ayant pas vraiment diminué à ma connaissance entre 1999 et 2009. Finalement, il semble qu'il suffise à Israël d'être patient et il n'y aura bientôt plus de vert. Dans cette optique, inutile de limiter la division au sein du camp palestinien.
EGéA: heureusement qu'il y a énormément de 2ème degré dans votre message.... même si l'ultra réalismeporterait à vous accroire. Cela étant, il faut se méfier des prolongations de tendances. Une autre est la démographie, et elle n'apparaît pas sur la carte : or, sa tendance est"radicalement" (si on me passe le mot) contraire.