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Obama : tout ça pour ça ?

1/ Le président Obama a donc rendu publique sa décision :

  • acceptation de la stratégie Mc Chrystal
  • un renfort de 30.000 hommes, plus l'ajout de 10.000 de la part des alliés (la France augmenterait de 1.500 h son contingent).
  • l'annonce du retrait, avec un premier début dès 2011 (avant donc les élections de 2012).

2/ Je risque de ne pas être très original, tant la décision était attendue, tant elle a fait l'objet d'articles quotidiens dans la presse d'outre-Atlantique, tant il est donc difficile d'être bien novateur.

3/ Sur le montant : il y a deux mois, on croyait que l'option haute était de 40.000 hommes. Chacun (moi le premier), pronostiquait une solution médiane, à 15 ou 20.000 h. On a appris depuis que la demande haute était de 80.000 h : la version médiane ressortait donc à 40.000. Deux hypothèses se font ici jour :

  • soit il y avait effectivement une version haute à 80.000, et la décision à 40.000 était prise depuis assez longtemps
  • soit il n'y avait qu'une version haute à 40.000 : et c'est celle-ci qui est finalement choisie (30 m US + 10 m alliés). Cela signifie alors qu'à partir du moment où on décide de rester, on est cohérent et on donne les moyens.

Je ne préjuge évidemment d'aucune des deux hypothèses. Je constate qu'il s'agit d'un vrai renforcement. Mais par lui-même, il ne suffit pas à dominer le pays (si on compare aux rations utilisés au Km² dans les Balkans, par exemple). Cela signifie donc qu'il faut, obligatoirement, des supplétifs locaux : l'afghanisation.

4/ Sur le délai de décision : les commentateurs se sont longuement interrogés sur la lenteur de la décision : pourquoi autant de temps ?

  • D'abord, je trouve que c'est une bonne chose de ne pas céder à la pression. Le président Obama n'a pas l'air d'être un amateur de stratégie, mais au moins il prend conseil et mûrit ses décisions. Ce n'est pas forcément une qualité partagée par tous les décideurs politiques ... Cela étant, certains en France critiquent cette lenteur et cette indécision (voir O. Debouzy)
  • ensuite, il y a certainement eu la volonté d'attendre la fin du processus électoral afghan, et d'avoir des assurances du côté pakistanais
  • enfin, il y a forcément une dimension de politique intérieure. Je ne m'intéresserai pas aux calculs, mais attirerai juste l'attention sur un fait : M. Obama souhait apparaître comme celui qui décide, au final, et au milieu.

5/ Sur les conditions du combat :

  • la première remarque tient à ce que pour le président, la guerre est gagnable. C'est devenu un tel lieu commun d'entendre que "pour tous les experts, etc..." (j'en veux pour preuve l'écho incroyable donné au récent Rapport de Michel Goya) qu'il est sain d'entendre quelqu'un dire : "on peut le faire". L'optimisme de la volonté contre la résignation du pseudo réalisme. Ce qui ne veut pas dire, en revanche que l'échec est garanti. Mais il est tentable.
  • intéressant aussi : l'abandon quasi complet de la thématique "contre terroriste". Il ne s'agit plus de combattre Al Qaida, mais des insurgés principalement pachtounes. Pour le coup, le principe de réalité est une bonne chose. Avec la corruption et le trafic de drogue, on aura bientôt démonté le mécanisme nourrissant, à 85%, la rébellion.
  • enfin, on a le sentiment d'une inversion du vecteur : autrefois l'Afghanistan seulement ; puis l'AfPak, le Pakistan servant à vaincre en Afgha. Aujourd'hui, on l'impression qu'il s'agit de rester en Afghanistan pour appuyer l'action au Pakistan. J'évoquai une ligne Morice, pensant à l'époque que c'était le Pakistan qui menait le combat pour tenir la frontière : on va bientôt voir que c'est quasiment l'inverse.

6/ Sur la durée : J'ai déjà évoqué la nécessaire inversion chronostratégique : en clair, annoncer que nous avions le temps, seul moyen d'affirmer notre volonté dans le duel actuel. De ce point de vue, le signal de B. Obama est mauvais : en annonçant un retrait (même s'il est imprécis dans le temps, quelque soit la date de 2011 évoquée pour des raisons électorales). C'est dans ce domaine que la comparaison avec le Vietnam me semble la plus pertinente.

Pour le reste, B. Obama n'est pas Lyndon Johnson, référence obligée de tous les commentateurs....

NB : Excellent 2S à tous les Cyrards, et d'une façon générale à tous les officiers...

photo_cyrard.jpg

O. Kempf

Commentaires

1. Le mercredi 2 décembre 2009, 21:53 par Romain Lalanne

Une petite nuance sur Al Qaida. Même s'il est vrai qu'Obama ne reprend pas le discours sur la "guerre contre le terrorisme" - au sens d'un discours qui sécurise un enjeu de politique internationale, que cet enjeu soit objectif ou non -, le rejet de la menace Al Qaida n'est pas total. Obama y fait quelques références, reprenant même la thèse d'une nébuleuse passant aussi par la Somalie et le Yémen.

Dans le même temps, le discours du 1er décembre était un discours à la nation, ce qui nécessite de jongler entre plusieurs éléments rhétoriques pour créer des effets de mobilisation. Là où je suis d'accord, c'est que le maintien d'Al Qaida dans le discours américain ne se traduira pas par les pratiques d'avant 2006-2007.

Romain Lalanne

EGéA : tu as raison, j'ai été un peu rapide car il y a effectivement des mentions régulières d'AQ dans son discours . MAis c'est allégrement mélangé aux taliban, le mot terrorisme apparaît très peu.... Pour le reste, plein accord

2. Le mercredi 2 décembre 2009, 21:53 par MB

Magnifique lapsus : "Ce qui ne veut pas dire, en revanche que l'échec est garanti. Mais il est tentable" ;o)

EGéA: oui, c'est excellent. Les conditions de fatigue, la rapidité d'écriture, la volonté de publier coûte que coûte pour satisfaire l'attente des lecteurs font parfois commettre des énormités.... Celle-ci est délicieuse. Ai-je besoin de corriger ?

3. Le mercredi 2 décembre 2009, 21:53 par MB

Je m'en veux un peu pour mon premier commentaire sur votre blog, qui se trouve être critique alors que ce que vous écrivez est bien intéressant.

EGEA : mais un blog est fait pour le débat, et d'une ecrtaine façon la polémique. Du moment qu'ell est argumentée et de bon niveau... je ne me formalise pas. Et en plus, vous avez eu raison de m'épingler, car en plus le lapsus est délicieux et pas méchant.

4. Le mercredi 2 décembre 2009, 21:53 par Jean-Pierre Gambotti

« Quand le sage montre la lune …. » Beaucoup n’ont vu dans ce discours du président Obama à West Point que le surge, une stratégie de renforcement de la guerre, alors qu’il s’agit, à mon sens, des prolégomènes de sa stratégie de sortie.
Deux courts extraits :
- « Les forces additionnelles vont nous permettre d'accélérer le transfert de responsabilité aux forces afghanes et de commencer le départ de nos troupes hors d'Afghanistan en juillet 2011 »
- « Tels sont les trois éléments centraux de notre stratégie : un effort militaire destiné à mettre en place les conditions nécessaires à une transition ; des renforts civils qui viendront appuyer une action positive ; enfin, un partenariat efficace avec le Pakistan. »
La phase de transition est lancée, l’effort militaire consenti doit être considéré comme destiné à mettre en place les conditions nécessaires au transfert de responsabilités politique et militaire dans dix-huit mois. Certains qualifient les décisions du Commandant en chef comme un grand écart conceptuel, elles sont stratégiquement, selon moi, d’une absolue cohérence.
Et si j’osais j’interprèterais l’étrange atmosphère qui semblait régner dans l’amphi de West Point et je répondrais à la question posée par Reuters « Has Obama lost his oratical touch ? » Je pense que Barack Obama a toujours intact son sens de l’éloquence, mais il était le Commandant en chef qui constatait que les guerres asymétriques ne se gagnaient pas sans l’adhésion de la population, le Prix Nobel de la Paix qui devait relancer la guerre et son cortège de souffrances chez toutes les parties et le Président qui se résignait à fixer une deadline à une guerre sans vainqueurs. Mais avec beaucoup de perdants. Je n’en nommerai qu’un, le peuple afghan revenu à sa situation ante.
Peut-on faire dans l’éloquence flamboyante et l’assemblée peut-elle se réjouir quand les perspectives sont aussi douloureuses ?
Très cordialement
Jean-Pierre Gambotti

5. Le mercredi 2 décembre 2009, 21:53 par

Merci pour vos bonnes analyses en général et pour celle-ci en particulier. Sans angélisme, vous allez à l'encontre de la majorité de la presse "bien pensante" et de l'opinion formatée qui s'offusque de que le prix Nobel de la Paix envoie des troupes supplémentaires...C'est très rafraîchissant et je vous en remercie.
Maintenant, j'appelle de tous mes vœux une implication plus grande de l'Europe (oui je sais c'est utopique), qu'on n'en finisse avec cette guerre mais surtout qu'on la gagne car une défaite face au fondamentalisme les renforcerait de manière catastrophique...

Bien à vous,
Amicalement,
Morgan.

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