2/ Je risque de ne pas être très original, tant la décision était attendue, tant elle a fait l'objet d'articles quotidiens dans la presse d'outre-Atlantique, tant il est donc difficile d'être bien novateur.
3/ Sur le montant : il y a deux mois, on croyait que l'option haute était de 40.000 hommes. Chacun (moi le premier), pronostiquait une solution médiane, à 15 ou 20.000 h. On a appris depuis que la demande haute était de 80.000 h : la version médiane ressortait donc à 40.000. Deux hypothèses se font ici jour :
- soit il y avait effectivement une version haute à 80.000, et la décision à 40.000 était prise depuis assez longtemps
- soit il n'y avait qu'une version haute à 40.000 : et c'est celle-ci qui est finalement choisie (30 m US + 10 m alliés). Cela signifie alors qu'à partir du moment où on décide de rester, on est cohérent et on donne les moyens.
Je ne préjuge évidemment d'aucune des deux hypothèses. Je constate qu'il s'agit d'un vrai renforcement. Mais par lui-même, il ne suffit pas à dominer le pays (si on compare aux rations utilisés au Km² dans les Balkans, par exemple). Cela signifie donc qu'il faut, obligatoirement, des supplétifs locaux : l'afghanisation.
4/ Sur le délai de décision : les commentateurs se sont longuement interrogés sur la lenteur de la décision : pourquoi autant de temps ?
- D'abord, je trouve que c'est une bonne chose de ne pas céder à la pression. Le président Obama n'a pas l'air d'être un amateur de stratégie, mais au moins il prend conseil et mûrit ses décisions. Ce n'est pas forcément une qualité partagée par tous les décideurs politiques ... Cela étant, certains en France critiquent cette lenteur et cette indécision (voir O. Debouzy)
- ensuite, il y a certainement eu la volonté d'attendre la fin du processus électoral afghan, et d'avoir des assurances du côté pakistanais
- enfin, il y a forcément une dimension de politique intérieure. Je ne m'intéresserai pas aux calculs, mais attirerai juste l'attention sur un fait : M. Obama souhait apparaître comme celui qui décide, au final, et au milieu.
5/ Sur les conditions du combat :
- la première remarque tient à ce que pour le président, la guerre est gagnable. C'est devenu un tel lieu commun d'entendre que "pour tous les experts, etc..." (j'en veux pour preuve l'écho incroyable donné au récent Rapport de Michel Goya) qu'il est sain d'entendre quelqu'un dire : "on peut le faire". L'optimisme de la volonté contre la résignation du pseudo réalisme. Ce qui ne veut pas dire, en revanche que l'échec est garanti. Mais il est tentable.
- intéressant aussi : l'abandon quasi complet de la thématique "contre terroriste". Il ne s'agit plus de combattre Al Qaida, mais des insurgés principalement pachtounes. Pour le coup, le principe de réalité est une bonne chose. Avec la corruption et le trafic de drogue, on aura bientôt démonté le mécanisme nourrissant, à 85%, la rébellion.
- enfin, on a le sentiment d'une inversion du vecteur : autrefois l'Afghanistan seulement ; puis l'AfPak, le Pakistan servant à vaincre en Afgha. Aujourd'hui, on l'impression qu'il s'agit de rester en Afghanistan pour appuyer l'action au Pakistan. J'évoquai une ligne Morice, pensant à l'époque que c'était le Pakistan qui menait le combat pour tenir la frontière : on va bientôt voir que c'est quasiment l'inverse.
6/ Sur la durée : J'ai déjà évoqué la nécessaire inversion chronostratégique : en clair, annoncer que nous avions le temps, seul moyen d'affirmer notre volonté dans le duel actuel. De ce point de vue, le signal de B. Obama est mauvais : en annonçant un retrait (même s'il est imprécis dans le temps, quelque soit la date de 2011 évoquée pour des raisons électorales). C'est dans ce domaine que la comparaison avec le Vietnam me semble la plus pertinente.
Pour le reste, B. Obama n'est pas Lyndon Johnson, référence obligée de tous les commentateurs....
NB : Excellent 2S à tous les Cyrards, et d'une façon générale à tous les officiers...
O. Kempf