Esprit de défense, es-tu là ?

Deux incidents récents posent la question de l'état actuel de l'esprit de défense.

1/ Il s'agit tout d'abord de la plainte d'un parent d'un des soldats tués à Uzbin (voir ici).

2/ Il s'agit ensuite de cette élue municipale de Vannes qui refuse de s'associer à une minute de silence (ici). L'émotion est vive : je signale notamment le billet de Pour convaincre ou celui-ci, mais on peut aussi se référer à des pétitions qui commencent de circuler (ici et ici)

3/ La conjugaison de ces deux événements amène à constater ceci : le sens de la mort pour la collectivité est devenu, pour beaucoup, une incongruité. Derrière la maladresse ou la vacuité des discours (tant du père que de cette professeur), on discerne plusieurs choses :

  • le scandale de la mort, quelles que soient les circonstances (cf. Philippe Ariès, par exemple ici). La mort n'est plus admise, elle fait peur.
  • la tentation de la négation : que ce soit dans le vocabulaire ou les pratiques (fin de vie pour euthanasie, pratique croissante de la crémation à la place de l'enterrement, ...), on cherche à interdire la mort, à la faire disparaitre.
  • l'incapacité à percevoir la dimension sacrée de ce moment, que ce sacré soit religieux ou laïc : dans le cas présent, on refuse le sacré collectif qui rassemble la communauté. Sans faire de l'anthropologie de bazar, je ne connais pas de sociétés qui ne soient fondées sur l'organisation du respect des morts.

4/ Cette tendance se conjugue, en l'espèce, avec une sorte de néo-pacifisme, à la fois européen et post-moderne. Par exemple, certains diront :

  • nous sommes en paix depuis soixante ans, donc la guerre est un scandale
  • toute action militaire est forcément une oppression. On ne distingue pas entre la maîtrise de la violence et la violence elle-même.

5/ S'y ajoute un rapport faussé à la défense, autour de questions qui portent un bon sens apparent, même si elles travestissent la réalité :

  • pourquoi se défende, puisqu'il n'y a plus de menaces, au mieux des risques ?
  • pourquoi se défendre, puisque la dissuasion empêche la guerre ?
  • pourquoi se défendre, puisque le problème, désormais, est la sécurité ?

6/ Tout cela se résout en un affaiblissement constant de l'esprit de défense. Pour preuve, le glissement sémantique qui s'opère imperceptiblement : on ne parle plus du lien Armée-Nation, mais défense-société. L'abandon des majuscules traduit bien la banalisation, mais aussi la confusion.

Allons au bout de la logique : c'est d'un affaiblissement tout court qu'il s'agit.

O. Kempf

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