Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

Fragmentations turques

Ce qui se passe en ce moment en Turquie est inquiétant

1/ En effet, la cour constitutionnelle a interdit le parti kurde officiel, le PCK (parti des travailleurs du Kurdistan). En soi, ce n'est pas très problématique : cela fait déjà cinq fois qu'il a été dissous, un nouveau parti est déjà né qui prend la relève (le BDP, parti pour la paix et la démocratie) et les députés élus restent en place. Mais c'est le symbole qui est touché, à un moment important. C'est bien pour ça que les émeutes menacent déjà, avec de premiers heurts (voir ici).

2/ Pourquoi le moment est-il important ? parce que le gouvernement turc avait lancé depuis novembre quelques gestes en faveur d'une libéralisation de la question kurde. A l'intérieur du pays, mais aussi avec la guérilla du PKK qui trouve refuge en Irak, dans le Kurdistan irakien.

3/ Or, c'est toute une politique très enracinée qui serait ainsi compromise. Celle-ci était traditionnellement soutenue par le kémalisme. On niait le particularisme kurde (de ce point de vue, on affirme que la langue kurde n'existe pas, et on répète l'affirmation de Mustapha Kemal selon lequel il s'agit de "Turcs des montagnes").

4/ On voit ainsi les ressorts du jeu politique intérieur : le gouvernement est fait d'islamistes modérés. Ceux-ci (démocrates-musulmans, que je nommerai démosulmans) sont donc opposés aux tréfonds de laïcité prôné par le fondateur de la Turquie moderne, M. Kemal. Mais le kémalisme est aujourd'hui en piteux état, et l'opposition a du mal à s'opposer au gouvernement. Toutefois, elle est encore influente dans quelques institutions : l'armée, et la justice, (notamment la cour constitutionnelle).

5/ Ainsi donc, l'affrontement politique laïc contre musulmans se transpose en affrontement "ethnique" : les kémalistes voulant retrouver une certaine popularité en instrumentalisant la question kurde, les "démosulmans" voulant mettre à bas la rigueur laïcisante en cherchant à s'allier les Kurdes (et au-delà, à saper de nombreux symboles du kémalisme, comme par exemple la rupture avec les Arméniens, voir ici).

6/ On est donc loin d'une simple lutte religieuse ou ethnique. Mais les ingrédients y sont. C'est ce qui rend la chose dangereuse.

Le processus ressemble, à bien des égards, à ce qui pourrait arriver en Catalogne (voir ici).

Référence

  • Sur les Kurdes, ces données de l'université québécoise
  • Sur la Turquie et son néo-ottomanisme, ce billet

O. Kempf

Ajouter un commentaire

Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.

La discussion continue ailleurs

URL de rétrolien : http://www.egeablog.net/index.php?trackback/424

Fil des commentaires de ce billet