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Avatar

Vous le croirez si vous le voulez, je suis allé voir Avatar par hasard : je n'en avais quasiment pas entendu parlé, et c'est donc l'esprit candide (comme à mon habitude) que je suis entré dans la salle de cinéma, entraîné par mon critique préféré.

1/ Passons vite sur la critique de cinéma : c'est un film formidable. Comme souvent avec les films américains, il n'est pas ennuyeux. Il y a bien sûr énormément de poncifs, des gentils qui sont gentils, des diminués qui deviennent des héros, des méchants qui sont méchants, mais toujours avec une part d'humanité et de "belle âme" : on est loin, forcément, du côté "cynique revenu de tout" qu'on a dans les films "intelligents" de ce côté-ci de la rive gauche de la Seine. Le scénario tient le coup, les trucages sont époustouflants. On s'extasie beaucoup, ai-je compris, de la vraisemblance des "avatars", de leur démarche et expressivité humaine Et pourtant, ce qui m'a le plus impressionné, ce sont les paysages, tous composés et tous d'un réalisme absolument incroyable, tellement ils sont vrais. Les scènes de vols sur les coléoptères sont splendides. Un grand spcetcacle qui n'est pas que du tintamarre médiatique, et qu'on peut aller voir à tout âge sans déchoir.

2/ Le géopolitologue verra bien sûr énormément de clins d'œil. Le méchant qui annonce qu'il faut "faire la terreur à la terreur", et pour cela lancer une guerre préemptive. Les robots androïdes qui ne sont qu'en muscles mais qui n'ont pas de tête (quels symbole !). Enfin, le discours pangéiste (et au fond paganiste), selon lequel la terre est un être vivant, et que l'humanité (euh ! l'avatarité ?) a son sort indissolublement liée à elle, face aux grands méchants qui réunissent à la fois la puissance de la guerre et l'exploitation des ressources minières. De ce point de vue là, le film n'est absolument pas contre l'air du temps : c'est une machine commerciale, qui exploite tous les bons sentiments de l'époque.

3/ Au fond, c'est une "représentation", au sens de la géopolitique : un récit évoquant les valeurs communes de la société à laquelle il s'adresse (et accessoirement, un bel outil du soft power américain, qui a encore de beaux restes).

Une fois qu'on a dit ça, on y va avec plaisir, et l'air entendu de l'Européen à qui on ne la fait pas... mais qui est bien content, de temps à autres, de se payer une bonne séquence de bon spectacle : c'est tout ce que je vous souhaite.

O. Kempf

Commentaires

1. Le mardi 22 décembre 2009, 22:54 par

Entièrement d'accord avec ces commentaires sur le film. Également, sans vouloir prétendre à une critique de cinéma (aucune qualification en la matière), ce film m'a "percutée" par l'intérêt pour le géographe et pour le géopolitologue.

Pour le géographe : la dimension écologique paraît évidente, mais semble être moins importante que la dimension paysagère elle-même. James Cameron fait dire à son personnage principal une phrase dans laquelle il affirme volontiers ne pas se sentir "écolo" : le film surfe sur les centres d'intérêt de toute une génération. La dimension paysagère est d'ailleurs particulièrement prégnante lorsque l'on va voir le film en 3D : la profondeur n'est pas utilisée pour faire entrer le spectateur dans le film, mais pour mettre en exergue les paysages non seulement pour leur intérêt esthétique, mais également pour l'importance qu'ils prennent dans la prise de conscience (plus "humaine" - c'est-à-dire au prisme de la compréhension d'un "Autre", bien qu'il ne s'agisse pas là d'un humain à proprement parlé - qu'écologique, me semble-t-il). Notamment pour ses aspects techniques, ce film est déjà considéré comme le "Star Wars" pour une la nouvelle génération : on pourrait aller au-delà des seules avancées technologiques pour avancer un tel argument, ce film fera certainement couler beaucoup d'encre parmi les universitaires, notamment les politologues, mais également toutes les sciences sociales et les sciences juridiques concernées par la question de la souveraineté, de l'ingérence, de la prégnance des ressources...

Intérêt également pour le géopolitologue : là où Star Wars posait la question de l'Etat, il semble que la question de la gestion et de la gouvernance des territoires soit désormais réappropriée par le cinéma pour mettre en scène la multitude d'acteurs, bien au-delà du seul Etat-nation, telles les firmes (un colloque sur le lien entre "Firmes, géopolitique et territoires" est d'ailleurs en préparation, et se déroulera à Nancy en septembre 2010 : http://calenda.revues.org/nouvelle1...) ou les groupes minoritaires.

Un film qui mérite le détour, comme vous le remarquez, non seulement pour le décor, mais pour des phrases qui poussent à prendre un carnet de notes en plein milieu du film, et à gribouiller quelques impressions, tant l'intérêt du géographe, du paysagiste et du géopolitologue sont "titillés".

EGEA : oui, j'ai eu également le besoin de prendre des notes en cours de film.... et évidemment, on n'ose pas...

2. Le mardi 22 décembre 2009, 22:54 par

Ce n’est pas par hasard que je suis allé voir «Avatar », mais parce que vous en parliez. J’ai cependant pris la précaution de ne pas me départir de mon « air entendu de l'Européen à qui on ne la fait pas ». Et puis j’avais apprécié, en leur temps, des films de fin du monde comme Terminator, de guerre des mondes comme Stars War, de réincarnation comme Matrix. L’imagination débridée mais rationalisée, soutenue par de gros moyens, est souvent significative.

Au contraire des films que je viens de citer, Avatar m’a déplu. Mais il m’a intéressé. Déplu parce que c’est une nouvelle mise en scène du massacre des Indiens, mais cette fois sur une exoplanète dont le paysage s’apparente à celui du VietNam.

Intéressant parce que c’est, comme vous le dites, une "représentation", au sens de la géopolitique.

Pour les lecteurs qui ne l’ont pas vu, je résume le plan : une civilisation (représentée par une espèce de world company), hautement technologique, veut s’emparer d’un territoire où vit un peuple primitif sur une planète lointaine. Le spectateur comprend assez rapidement qu’il verra un western mis à la sauce science-fiction. Il espère que des effets spéciaux spectaculaires compenseront la pauvreté de l’idée.

Mais finalement l’intérêt géopolitique du film apparaît quand on voit les forces en présence : la world company utilise des mercenaires qui sont une caricature de l’armée américaine ; en face les «indiens », qui sont incontestablement les victimes (il n’y a pas d’Al Qaïda à pourchasser ici) se montrent, à l’exception de leur infériorité technologique (des flèches contre des hélicoptères), humainement très supérieurs à leurs agresseurs.

Pour faire bon poids et pour que le spectateur sache clairement où sont le Bien et le Mal (parce que ce navet à grand spectacle doit aussi être compris par des spectateurs simplets), il y a parmi les agresseurs quelques personnages qui passent à l’ennemi. Ils sont d’ailleurs les personnages principaux : parmi eux, Sigourney Weaver, coutumière des rôles qui commencent antipathiques et finissent sympathiques.

Il est clair que passer à l’ennemi est une trahison, mais ici cette trahison est une noble action. Si ce film traduit l’inconscient collectif du moment aux Etats-Unis, alors il est la marque d’un doute profond quant au bien-fondé moral des combats actuels de l’Armée américaine.

Souvenons-nous que c’est en 1970, en pleine guerre du VietNam, qu’à Hollywood les Indiens sont devenus gentils : c’était dans le film « Little Big Man ». «Avatar » est sinon une apologie de la trahison, du moins une déculpabilisation de celle-ci. Du fait que c’est aussi un film commercial, l’on peut imaginer que ce sentiment est assez largement partagé aux Etats-Unis.

EGEA : eh! eh!   Au moins, il prête à interprrétation... Mais il est très "occidentalo-politoquement conforme". J'espère que vous ne regrettez pas d'y être allé....

3. Le mardi 22 décembre 2009, 22:54 par

Je ne regrette pas du tout de vous y avoir suivi, Monsieur Kempf : il faut s'intéresser à des visions du monde qui sont différentes, même si elles sont déplaisantes. Voir ce que produit la culture américaine fondée sur l'idéologie du choc des civilisations (ce n'est pas toujours le cas du cinéma américain) c'est très intéressant pour nous descendants de Gallo-Romains, de Francs, de Vikings et de tant d'autres dont les heurts furent somme toute mineurs et le mélange fécond.

Je voudrais ajouter, pour faire suite au commentaire de Bénédicte Tratnjek que je n'avais pas vu quand j'ai écrit mon premier commentaire, qu'effectivement le côté "écolo" est fort exploité. Au point que la religion des "Gentils" est une sorte d'animisme monothéiste (quand le film sortira en vidéo, je regarderai ça de plus près).

Ecolo très superficiel, pas très rigoureux scientifiquement, parce qu'en dépit de la végétation luxuriante et visiblement riche en chlorophylle l'air est irrespirable pour les humains. Mais il est respirable pour les autochtones et il permet au feu de se consumer. Cette chimie incompréhensible confirme que "le film surfe sur les centres d'intérêt de toute une génération" et qu'il surfe surtout sur des centres d'intérêt plus émotionnels que scientifiques. "Une machine commerciale, qui exploite tous les bons sentiments de l'époque", vous le disiez.

Quant à être "un bel outil du soft power américain", je ne suis pas sûr que l'outil soit encore aussi efficace qu'il le fut parfois. Au contraire, ce film traduit un doute profond comparable à celui des années soixante-dix.

EGEA : certes, le message est ambigu. Mais il est net cependant qu'il rencontre le succès, et transmet donc l'idéologie du moment.... Pour l'air aléatoirement respirable, c'est effectivement bien vu.

4. Le mardi 22 décembre 2009, 22:54 par

Pur continuer sur cet aspect du cinéma titillant la conscience "écologique" tant à la mode ces derniers temps par le biais des émotions plus que des réalités (et c'est bien sur ça que reposent de nombreux discours politiques qui pourtant abordent un sujet - l'environnement - qui mérite un grand sérieux !), j'ai trouvé plus que bien vue la remarque proposée par Bertrand Pleven (qui prépare une thèse sur les liens entre géographie et cinéma) sur le fait que James Cameron utilise TANT la technologie (l'un des arguments de vente du film est bien son apport en terme d'avancées dans l'utilisation de techniques nouvelles dans l'art cinématographique) pour nous jouer un discours écolo... Je cite son article sur le site des Cafés géo paru aujourd'hui : "Vendu comme une révolution, Avatar cherche à franchir un seuil : [...] plus encore, nous faire ressentir des émotions face à des lieux et des personnages sortis tout droit de machines"... En effet !

Source : http://www.cafe-geo.net/article.php...

EGEA : oui, cf. ma critique d'Agora ce jour, où justement il n'y a pas d'abus e la technologie...

5. Le mardi 22 décembre 2009, 22:54 par

Un film révolutionnaire qui fera certainement date dans l'histoire du cinéma. Tout comme l'odysée de l'espace l'a fait, Avatar révolutionne la science-fiction mais marque également un nouveau départ pour la cinématographie. Sur ce, avatar est un petit bijou qu'il faut savoir apprécier tel un voyageur qui découvre de nouveau paysage. Je conçois que ceux qui ne savent ( malheureusement ) pas se transporter, puissent trouver le film décevant, le scénario est certes classique. La morale est également un peu trop poussée. Seulement on ne peut qu'oublier ces 2 lacunes devant tant de beauté visuelle. Un moment féérique.

égéa : il y a incontestablement des beautés formelles, je vous suis là dessus

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