Méthodes et références pour les préparants

Un lecteur me demande des conseils "en matière de manuels que vous évoquez" :

  • - Relations internationales
  • - Philo politique
  • - Droit constitutionnel
  • - ...

Fichtre ! cela fait une paye que je ne pratique plus ces bouquins : ce qui signifie qu'ils sont peut-être datés, et que les références peuvent avoir vieilli.

1/ D'abord, il faut savoir que là où vous entrez, il n'y a pas de secret : la quantité fait la qualité.

Autrement dit, jusqu'à bac + 5, on peut faire illusion avec un peu d'orthographe, de l'intelligence et du bagou. Mais vous entrez désormais dans des territoires où l'on vous demande désormais d'être 'seul'. Edouard Henriot disait "la culture c'est ce qui reste quand on a tout oublié". Phrase connue, mais citation incomplète, car il ajoutait, ce qu'on oublie trop souvent : "....et qu'on a beaucoup appris". Donc, mes capitaines et lieutenants de vaisseau, il faut d'abord en être conscient.

2/ D'autant plus qu'on vous sélectionne pour de hautes responsabilités : et qu'en fait, on se fiche un peu de ce que vous aurez appris : une des sélections consiste justement à savoir si vous pouvez vous organiser, à 30 ou 35 ans, pour travailler "en plus" et beaucoup alors que vous avez une vie de famille et des obligations. Car c'est ce qu'on attend des hauts responsables....

3/ Ouh! la ! la! je ne vais pas être du tout populaire. Alors une petite consolation : à bucher, on apprend et on s'améliore, d'autant qu'on le fait plus sérieusement et de manière plus régulière et organisée qu' 22 ans, lorsqu'on glandait un peu avant de stacker trois jours et trois nuits avant les exams. Mieux encore : on comprend le monde, et on s'élève. Car je crois que là est l'intérêt : sortir la tête de l'eau et s'apercevoir que le rythme professionnel doit s'accompagner de recul, de distance, de réflexion.

Entrons maintenant dans les conseils.

4/ en RI, ne pas hésiter à prendre plusieurs manuels. J'avais commencé par un petit Boniface de 200 pages, puis un Moreau-Desfarges (Fondamentaux, Hachette, 2 fois 250 pages au format livre de poche, mais ça a peut-être vieilli) puis les deux Collard (type manuel de 400 pages). A chaque fois, mis en fiche, bien sûr. Après, on peut commencer à réfléchir, et à creuser des trucs un peu plus particuliers (le JJ Roche sur la théorie des RI ou le David, ou alors des trucs pus illustratifs, genre le dernier Heisbourg, ou le dernier Moïsi : type le bouquin de RI dont on parle cette année là, par un auteur assez connu sans que ce soit plat comme du Alain Minc) . Au fur et à mesure, s'entraîner : plans détaillés, et surtout, colles orales type Siences Po : 10 mn de préparation, 10 mn de restitution, ce qui force au plan 2/2, 10 mn de débriefing. On se plante les dix ou quinze premiers, on a le moule au 30ème, on domine tous les sujets au 50° (toutes matières confondues). 50 colles, donc 50 fois des gars qui vous font passer des colles.

5/ En philo po, prendre un truc très généraliste, comme par exemple histoire des grands courants de la pensée politique. On complétera par des cours de culture gé, mais il faut ici être à l'aise avec les grands classiques, Hobbes, Macchiavel, Rousseau, Locke, B. Constant, et chez les modernes Annah Arendt, Habermas, éventuellement Carl Schmit (avec précaution), Aron...

6/ En droit constit, qq chose de très généraliste, type initiation universitaire, comme les institutions de la France de B. de Gunten et alii. Ou similaire dans d'autres collections de 1er cycle universitaire. Ensuite, approfondir avec une présentation des institutions européennes, et un bouquin sur l'Etat. Puis par exemple, les bouquins en LDP d'Olivier Duhamel, qui permettent d'approfondir (et il s'est amusé à ordonner tous ses chapitres en 2/2, preuve que toute pensée peut s'ordonner comme on veut). Enfin, ne pas oublier de lire la constitution elle même, et un recueil des déclarations des droits (les trois, celle de 1776, de 1789 et de 1948) ainsi que le préambule de 46. Savoir le rôle du Conseil constitutionnel et la notion de bloc de constitutionnalité.

7/ Culture générale : il faut prendre les deux Cobast (ici et ici), car ils traitent de tous les problèmes "de société" : multiculturalisme, identité, laïcité, ... A pratiquer a fond, à mettre en fiche : on découvre "le bon goût qu'on attend d'un haut fonctionnaire lecteur du Monde". Je précise une chose : la question n'est pas que vous le soyez (quoique, cela reste votre choix), mais surtout que vous acquériez le "code". Vous pouvez également aller voir ailleurs, comme ici ou ici. Est-il utile de préciser que je suis un indécrottable science-potard ? et qu'il y a bien évidement 101 autre s méthodes, dont notamment la meilleure : la vôtre, celle que vous vous êtes forgée.

8/ Economie: lire quelques manuels généraux, selon vos lacunes. Vous devez pouvoir parler de Keynes, d'Adam Smith, de M. Friedmann, de Schumpeter et de Marx . et un peu plus, que vous trouverez dans un manuel de 200 pages.

9/ Histoire : vous êtes tous normalement d'honnêtes historiens. Mais quelques scienteux ont peut-être besoin de s'y remettre. Une histoire du XX° siècle (1/ la France, 2 l'Europe) est un minimum à mettre en fiche, si on a beaucoup oublié. Ensuite, lire par exemple après-guerre, ou Braudel (Grammaire des civilisations).

Après, liberté de lecture. Allez une fois ou deux à une expo, au ciné et à une pièce de théâtre, (faites un petit compte-rendu sur votre cahier fétiche à l'issue) afin de ne pas être sec à la question à cent balles que n'importe quel jury vous posera pour se divertir. Si vous allez voir une expo sur Istamboul, travaillez un peu la page wikipédia sur Istamboul, l'empire Ottoman et M. Kémal : le jury vous testera forcément dessus, et il n'y a aucune raison de se faire piéger bêtement.

Conclusion : ben ça fait beaucoup, dites ! ben oui, 2h30 mini par jour plus au moins un jour (plus lecture d'un quotidien) par WE, les gars. Ne pas trop traîner sur Internet, désolé de vous le dire (à part EGEA, mais il n'y a que du bon, sur EGEA, c'est tout fait pour).

Mais on en sort grandit, croyez moi.

Bon courage,

O. Kempf

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