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Benoit Durieux sur France Culture + MAJ

1/ Pour tous les passionnés d'Afghanistan, je vous conseille vivement d'écouter le témoignage de BenoitDurieux sur France Culture ce matin. Si quelqu'un était capable de me le mettre en fichier audio, je le posterai sur ce blog, car je ne suis pas sûr que ça va demeure éternellement.

Benoit Durieux, colonel de son état, commandant le 2° REI, vient de passer six mois à Surobi. Il vient d'être remplacé par Eric Bellot des Minières, patron du 2° REP. La légion se succède..... Deux vieux amis que je salue au passage.

2/ Accessoirement, on lira dans le Monde des Livres de ce soir l'entretien qu'il accorde à Nathalie Guibert à propos de Clausewitz : est-il besoin de signaler à chacun que Bruno est le spécialiste français de Clausewitz. En ligne, on se reportera à ma lecture modeste de Clausewitz.

3/ Puis-je d'ailleurs vous demander votre avis : certains me disent qu'ils ne lisent jamais ces billets, d'autres qu'ils les lisent et les conservent soigneusement ; et comme à part JP Gambotti, personne ne commente jamais, je ne sais si cela vous intéresse, surtout que je m'essouffle un peu. Me dire.

NB : merci à FM de m'avoir signalé ces informations..

PS (MAJ) :

  • merci à de nombreux correspondants (Zone d'intérêt, A. D., Etienne F) de m'avoir fait parvenir sous une forme ou une autre les enregistrements. J'en profite pour signaler le blog d'un jeune thésard en géographie, Arthur Devriendt, de l'avoir posté sur son blog : Arthur fait une thèse sur les dimensions territoriales des techniques de l'information. ON peut aussi le télécharger directement sur le site de France Cucu, voir le commentaire posté ci-dessous.
  • Enfin, je précise à l'attention de correspondants qui m'encouragent fort aimablement : Mon essoufflement ne tient pas au blog, mais au commentaire de Clausewitz : je vous demandais si vous appréciez cette série clausewitzienne ou non, et s'il fallait que je la poursuive. Pour le reste? J'ai encore du souffle et je prends encore bien du plaisir à tenir ce blog. Faut-il en rappeler les raisons :


# C'est un formidable accoucheur de pensée

  1. C'est un formidable moyen de tester ses idées avec des interlocuteurs : c'était fondamental quand j'étais en province, ça l'est toujours à Paris.
  2. Enfin, l'enrichissement est partagé puisque je reçois désormais des informations ou des billets que je n'ai qu'à poster, ce qui allège la tâche.

O. Kempf

Commentaires

1. Le jeudi 28 janvier 2010, 20:12 par

Cher Monsieur Kempf,

Après que vous avez posé sans détour une question sur Clausewitz je vous adresse ma réponse de même, en vous priant cependant de ne pas la considérer aussitôt comme un avis répandu parmi vos lecteurs : pas plus que vous, je ne sais ce qu’ils pensent de Clausewitz. Je vous donne seulement mon sentiment personnel qui suscitera peut-être des réactions : ces réactions, qui peuvent aller de la virulence à l’absence de réaction, répondront à votre question.

Mon paradoxe initial pour éveiller l’attention : je ne peux pas blairer Clausewitz mais il n’y est pour rien. La cause de mon manque d’intérêt pour ce grand théoricien (grand, du moins d’après le volume et la fréquence des analyses qu’il suscite), c’est qu’aucun des commentateurs que j’ai entendus ou lus sur le sujet ne m’a donné envie d’y aller voir de plus près : c’est une caractéristique rare compte tenu de la curiosité congénitale qui par ailleurs m’a fait apprécier des littératures plus ardues.

Toutefois quand j’étais d’active, il m’est arrivé de laisser comme tout le monde Clausewitz sur un coin de mon bureau, avec une ostentation faussement discrète à l’intention de mes visiteurs-notateurs. A cet égard, voici un truc pour les jeunes qui nous lisent : les livres empruntés au centre de documentation ou achetés d’occasion sont les meilleurs parce qu’ils sont usagés et cachent ainsi qu’on ne les a pas, ou très peu, ouverts soi-même.

Mais ce truc est connu et vous ne devez pas croire qu’on ne vous devine pas. Cet artifice (le livre qui semble attendre sur un coin du bureau les trop rares instants de pause où l’on pourra s’y consacrer avec une exaltation difficilement contenue) est trop usé et doit être manipulé avec modération. L’Ancien verra le livre et, si c’est un vieux singe, il vous dira peut-être « Clausewitz, qu’est-ce que c’est ? De quoi parle-t-il donc ? » Et à mesure que vous tenterez de répondre il multipliera les questions pertinentes jusqu’à obtenir votre aveu d’ignorance.

Alors faites comme je faisais, répondez dès le début « je ne sais pas, j’ai juste lu quelques pages mais ça me semble trop ringard, je vais vite le rendre au centre-doc ». Votre noteur sera content de constater que vous ne le prenez pas pour un imbécile.

Il existe dans différents domaines de la littérature d’autres auteurs qu’on ne lit que fictivement : Emmanuel Kant ou Karl Marx, par exemple. Je ne suis pas le seul lecteur fictif : je le sais parce qu’un jour j’ai demandé à un marxiste convaincu et prolixe, qui n’a pas su me répondre, dans quelle langue écrivait Marx, Allemand vivant à Londres. Ces trois auteurs, Clausewitz, Marx, Kant, présentent trois caractéristiques communes, sans compter qu’ils sont natifs d’Allemagne plus ou moins orientale : ils sont les témoins et les analystes d’une époque et d'un lieu spécifiques mais leurs adeptes prétendent en tirer des principes éternels et universels ; autour d’eux s’est créé un système scolastique où bien peu de commentateurs ont lu les textes originaux ; il est incorrect de les déclarer périmés ou inintéressants, sauf pour Marx désormais parce qu’on a vu les résultats. Je me livre aujourd’hui à cette incorrection parce que, cher Monsieur Kempf, vous avez posé la question à la cantonade.

Et pour terminer, voici une brève qui devrait susciter des réactions : «De la guerre » est à la guerre ce que « Mon frère Yves » (Pierre Loti) est à la navigation à voile sur les côtes bretonnes. Pour ceci, lisez plutôt le cours de navigation des Glénans.

Egéa :

Cher Yves Cadiou, j'adore vos remarques roboratives. Et je vous prouverai ce week-end que j'ai lu Kant, avec une petite fiche de lecture, histoire d'aider les ambitieux à frimer devant leurs supérieurs, et accessoirement de papoter avec les idéalistes européens. Mais visiblement, je déduis aussi que vous ne lisez pas mes billets sur CVC !

2. Le jeudi 28 janvier 2010, 20:12 par A.BADIN

Voici le lien:

http://sites.radiofrance.fr/chaines...

Cordialement,

A. BADIN

Egéa : merci

3. Le jeudi 28 janvier 2010, 20:12 par S. Jozan

Merci de toutes ces informations qui sont une veille sur tous les sujets actuels que devrait suivre un modeste préparant. J'avoue que je lis tous les soirs vos posts qui complètent utilement ma phase d'acquisition de connaissances. Je vous confirme que pour moi cela a pour moi une réelle utilité...
J'espère que ce petit témoignage vous insufflera un peu de certitude de l'utilité de votre action !

4. Le jeudi 28 janvier 2010, 20:12 par

A votre question directe, cher Monsieur Kempf, ma réponse sera directe encore une fois. Je lirai avec attention votre billet sur Kant, comme je lis avec attention vos billets sur Clausewitz et comme j’ai lu naguère les billets sur Clausewitz de notre ami François Duran sur son blog « théâtre des opérations » malheureusement fermé désormais.

Pour Kant comme pour CVC, qui me passent l’un et l’autre largement au-dessus (ou plutôt à côté, j’espère), c’est par principe que je fais depuis longtemps l’effort de lire les fiches qui les concernent : en constatant l’intérêt porté à ces auteurs par des analystes dont l’intellect est visiblement bien agencé, je suis obligé de supposer que Kant et CVC présentent un intérêt qui m’échappe et que je ferais bien de capter.

Un obstacle supplémentaire se présente pour approcher Kant : ses titres, même traduits dans notre langue si élégante, sont d’emblée des repoussoirs. Mais peut-être ces intitulés, « Esthétique transcendantale», « Critique de la raison pure », «Prolégomènes à toute métaphysique future qui aura le droit se présenter comme science », « Fondation de la métaphysique des mœurs », constituent-ils une épreuve de présélection.

5. Le jeudi 28 janvier 2010, 20:12 par Jean-Pierre Gambotti

Chacun a son aventure avec Clausewitz. Pour ma part j’ai sacrifié quelques échappées belles à la lecture de De la guerre quand j’ai constaté que le corpus tactique disponible pour réfléchir à l’action de guerre ne proposait que des schémas, alors que, pour utiliser l’expression de Beaufre je cherchais « la grammaire sous-jacente» de l’action. Son essence, son mécanisme primordial en quelque sorte, dont la connaissance permet « de bien conduire la pensée » et de raisonner l’action. Que notre camarade Cadiou me pardonne, mais la lecture de Clausewitz a répondu à cette recherche, mais lentement, par une lente infusion oserai-je dire, car la stratégie, comme le rappelle G.Chaliand « s’apprend aussi par la peau », et qu’il faut que celle-ci soit paradoxalement tannée pour que Clausewitz s’y diffuse. Et sans chercher à l’irriter davantage, je dirai même que j’ai trouvé chez ce stratège-stratégiste à l’argumentation quelques fois spiralée, la confirmation de certaines intuitions fondamentales qui nous avons tous perçues dans la contingence ou la simulation de l’action, je ne citerai que la friction et le brouillard de la guerre pour ne pas évoquer le sublimissime concept de centre de gravité.
Je ne referai pas dans ce court commentaire l’apologie de Clausewitz qui a sans doute été trop excessive, pour certains, dans mes différentes interventions, je ne m’en tiendrai qu’à deux constats.
Le premier, c’est que la culture stratégique américaine, consubstantielle au clauswitzisme, est mondialisée et omnipotente, et qu’en conséquence toute tentative de raisonner les opérations en dehors de Clausewitz voue le dissident à faire la guerre dans sa caisse à sable.
Le deuxième constat, c’est l’intelligence de la guerre dont font preuve les officiers qui ont commandé en Afghanistan tandis qu’ils s’appuient sur une grille de lecture clausewitzienne. Citons les colonels Chanson et Le Nen, et présentement Durieux, auteur de deux ouvrages sur Clausewitz et dont les récentes prestations sur France Culture et dans Le Casoar sont lumineuses, tous marquent l’irréductible prégnance de Clausewitz dans notre école de pensée stratégique française.
Pour terminer je voudrais insister à nouveau sur l’idée que Clausewitz en traitant de l’action de guerre a aussi posé les principes de l’action universelle, c'est-à-dire les fondements de la praxéologie que Beaufre appelait de ses vœux. Et je voudrais dire combien nous sommes loin de l’intellectuo-pathie quand nous raisonnons sur l’action. Clausewitz était proche d’un professeur de mécanique de l’université de Berlin et l’influence de ce dernier sur la théorie du centre de gravité et de l’étonnante trinité en tant que forces en opposition, n’est pas à exclure. Je veux parler de la physique newtonienne, celle de la pomme qui choit, pas de la métaphysique kantienne et de l’esthétique qui transcende….
Je comprends le désir d’Olivier Kempf de se consacrer à son blog plutôt qu’à la difficile exégèse de De la guerre. Pour ma part je le remercie de m’avoir permis d’approfondir Clausewitz au travers de ses pertinents billets et de me conforter dans l’idée que Clausewitz est bien le maître indépassable de la stratégie. Et sans jouer l'haruspice je crois à l'apparition d'un courant néo-clausewitzien chez les stratèges français !
Très cordialement
Jean-Pierre Gambotti

6. Le jeudi 28 janvier 2010, 20:12 par

Clausewitz indépassable, voilà qui devrait clore le débat. Mais cet indépassable rappelle un autre débat que l’on a bien fait de poursuivre : « horizon philosophique indépassable de notre temps », tel était le marxisme selon un philosophe à la mode en 1957. Gardons-nous d’être définitif.

Que la culture stratégique américaine soit consubstantielle au clauswitzisme, mondialisée, omnipotente, l’on ne peut guère en douter au regard des nombreuses analyses que des gens de qualité consacrent à CVC. C’est une cohérence de plus pour supposer que le XXI° siècle ne sera ni américain ni clausewitzien.

Dans ma caisse à sable, l’on est d’autant plus porté à chercher « la grammaire sous-jacente» de l’action que le souvenir des cadavres ennemis enjambés avec précaution au cours d’un assaut dans un bled lointain aux ruelles étroites, ça donne à réfléchir.

Surtout ça incite à sortir des schémas parce que l’ennemi et le terrain ne sont pas ceux de la théorie apprise aux Ecoles. Mais c’est un Marsouin français qui réfléchit et il n’a pas bien saisi toutes les subtilités du carpet bombing à l’américaine. Je crains de souffrir de la même incapacité à bien saisir les finesses prussiennes du XIX° siècle en dépit de la conviction dont font preuve ceux qui y invitent le profane.

Le résultat de la pensée clausewitzienne, on peut le voir sur google-earth par 32°09N / 110°50W Tucson, Arizona : ce n’est probablement pas ce que voulait Lafayette et ce n’est sûrement pas l’avenir.

Clausewitz est déjà dépassé. Il présente désormais un intérêt pour analyser l’histoire de la pensée militaire au XX° siècle mais le XXI° siècle dépassera Clausewitz. Ce dépassement s’effectuera probablement par une voie beaucoup plus inattendue que celle qu’emprunta le dépassement du marxisme. La physique newtonienne, dépassée aussi, fonctionne cependant encore parce qu’elle n’a rien analysé mais seulement constaté et mesuré. Clausewitz analyse son époque et ne bénéficie pas de l’avantage newtonien.

7. Le jeudi 28 janvier 2010, 20:12 par Jean-Pierre Gambotti

Que répondre à Yves Cadiou ? Que j’ai infiniment de respect pour le soldat de Tacaud, que j’ai moins d’admiration pour le contempteur de Clausewitz ? Que la polémique est l’antithèse du débat d’idées et que le discours argumenté doit toujours prévaloir sur la logomachie ? Mais je craindrais d’être désagréable et je me refuse à squatter l’espace d’expression de qualité qu’est ce blog avec un insignifiant duel d’ego. Donc je romprai là.

Mais je ne peux m’empêcher de suggérer à Yves Cadiou de lire l’article de Christophe Wasinski, « Clausewitz et le discours stratégique américain, de 1945 à nos jours », www.stratisc.org . Non pour tenter de faire de Clausewitz son maître à penser ( !), mais pour insister sur l’imprégnation de Clausewitz dans la culture stratégique américaine. A présent c’est au niveau de l’ADN de la puissance militaire mondiale que se niche Clausewitz, on peut le regretter mais c’est une vérité démontrée et ceux qui veulent contraindre à la mutation – lente, forcément lente- l’école de pensée américaine doivent se résoudre, quelle que soit leur appétence, à ne pas mépriser Clausewitz. Oserai-je rappeler qu’au de là de la culture stratégie américaine c’est aussi l’OTAN qui est atteinte et conséquemment la France ? Notre méthode nationale de raisonnement des opérations interarmées est fille du « Guidelines for operationnal planning » otanien et nous raisonnons nos engagements en clausewitzien depuis plus de quinze années !
La déclausewitzation est à mon sens de l’ordre de la vaticination, l’avenir de la stratégie est dans « l’achèvement » de Clausewitz plutôt que dans sa négation,… mais je me suis engagé à ne pas lancer de polémique….
Très cordialement.
Jean-Pierre Gambotti

Egéa : achèvement... au sens de René Girard ?

8. Le jeudi 28 janvier 2010, 20:12 par

Je suis confus d’avoir froissé Jean-Pierre Gambotti et je précise aussitôt que je suis totalement d’accord avec lui sur au moins deux points : « l’espace d’expression de qualité qu’est ce blog » et « l’imprégnation de Clausewitz dans la culture stratégique américaine ». C’est ce deuxième point qui m’incite à regretter l’importance que donnent à Clausewitz nos penseurs stratégiques français. Ils s’imprègnent ainsi des prémisses d’une pensée, unique et transatlantique confortable, qu’il serait pourtant préférable d’éviter pour ne pas se laisser entraîner dans des schémas stratégiques, et par conséquent dans des conflits, qui ne sont pas les nôtres.

Autour de Clausewitz, il s’est créé chez nos stratèges un environnement intellectuel qui me rappelle celui qui existait dans les milieux philosophiques et politiques des années soixante / soixante-dix autour de Marx : l’on ne pouvait que difficilement y échapper, au point que beaucoup d'antimarxistes sincères s’y référaient sans même en avoir conscience. Aujourd’hui je crains qu’il se produise un phénomène comparable dans la pensée stratégique française qui perdrait ainsi son originalité.

C’est en partie par souci de non-alignement que j’invite à se démarquer des références clausewitziennes comme j’invite par ailleurs à ne pas employer le mot « occident » sans bien y réfléchir. Il y a quarante ans, je me démarquais de Clausewitz par une sorte de snobisme qui répondait au snobisme de mes condisciples clausewitziens déclarés. Dix ans plus tard, je relisais Clausewitz au format poche pour garder contact avec mes souvenirs : le soir sans autre éclairage que la lune dans le ciel clair du désert où des guerres tribales nous avaient amenés. Cette ambiance de caisse à sable grandeur nature ôtait à Clausewitz tout caractère éternel et universel. Aujourd’hui, les temps ont changé et les motifs de s’abriter de l’imprégnation clausewitzienne sont tout autres mais il s’agit encore d’indépendance intellectuelle, préalable indispensable à l’indépendance politique.

9. Le jeudi 28 janvier 2010, 20:12 par caen

J'ai entendu Benoit Durieux à France Culture. Moi qui n'ai aucun intérêt pour la chose militaire (désolé) j'ai été fasciné par tant de calme, d'intelligence, de clarté. Je suis même retourné écouter une deuxième fois l'émission que je n'ai pas poscastée (re-désolé). Si son livre est aussi brillant que ses propos, ça doit-être passionnant.

égéa : s'intéresser à la stratégie ne revient pas à s'intéresser à la chose militaire. Je suis heureux de votre découverte.

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