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RDN Mai 2010 : le sommaire

Voici le sommaire du prochain numéro de la RDN. Vous remarquerez un dossier sur les règles d'engagement : le sujet est en effet fort ambigu et mérite qu'on y réfléchisse. Saluons l'article de deux jeunes auteurs, G. BROUARD & A. TISSERON, car la RDN est une revue qui donne aussi sa chance à de jeunes auturs. Accessoirement, j'y signe un article et une fiche de lecture sur "L'enjeu afghan", dont vous avez déjà entendu parler sur égéa.

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Signalons deux autres signature d'alliés d'AGS...

Bonne lecture, O. Kempf

Edito de Jean Dufourcq

Plusieurs intervenants étrangers dans ce numéro de mai permettent d’ouvrir ou de prolonger avec autorité des débats stratégiques d’ampleur : la question de la sécurité alimentaire, cruciale pour un milliard d’affamés, celle de l’architecture européenne de sécurité vue de Moscou, ou celle de la vision stratégique commune de Londres et de Paris (voir le « Forum », www.defnat.com), l’équation stratégique du Proche-Orient et ses évolutions… Autant d’enjeux qui caractérisent la conflictualité latente de notre planète d’incertitude et d’ambiguïtés, comme la qualifiait Pierre Hassner dans le numéro précédent.

Le thème qui ouvre ce numéro est celui des règles d’engagement, des règles de comportement dans l’action, et chacun voit que les combats sont de plus en plus durs et meurtriers. Certains y décèlent le retour de la guerre dans le champ militaire. Gardons-nous de cette qualification imprudente importée de la réflexion sur la GWOT (Global War on Terrorism). En cherchant à traduire l’intensité et la radicalité des actions militaires actuelles, elle se réfère implicitement à un champ politique, juridique, psychologique et budgétaire de mobilisation générale du pays daté et bien différent des temps actuels. Cette assimilation hasardeuse n’aide pas nos concitoyens, nos élus et nos élites à comprendre la nature des combats qu’il faut désormais conduire dans des conflits armés dont la complexité est décrite dans ce numéro. Une autre remarque vient à l’esprit dans l’exposé de ces règles qui encadrent le combat ; ne sont-elles pas un « mol oreiller », un frein à l’initiative tactique, un chemin vers la moindre responsabilité, le prix excessif que doit payer l’efficacité militaire à la légitimité politique ? Et l’on se souviendra des réflexions de Foch à cet égard : « Être discipliné ne veut pas dire qu’on exécute les ordres reçus seulement dans la mesure qui paraît convenable, juste, rationnelle, ou possible, mais bien qu’on entre franchement dans la pensée, dans les vues du chef qui a ordonné, et qu’on prend tous les moyens humainement praticables pour lui donner satisfaction. Être discipliné ne veut pas dire encore se taire, s’abstenir, ou n e faire que ce que l’on croit pouvoir entreprendre sans se compromettre, l’art d’éviter les responsabilités, mais bien AGIR dans le sens des ordres reçus, et pour cela trouver dans son esprit, par la recherche, par la réflexion, la possibilité de réaliser ces ordres ; dans son caractère, l’énergie d’assurer les risques qu’en comporte l’exécution. En haut lieu, discipline égale donc activité de l’esprit, mise en œuvre du caractère. La paresse de l’esprit mène à l’indiscipline comme l’insubordination » (1). Des réflexions inspirées, occultées en mai 1940, période sombre dont on célèbre la mémoire avec un regard neuf qui met la technicité et la ténacité françaises à une plus juste place.

L’autre thème développé est celui de la Méditerranée et du Proche-Orient. Le tour d’horizon stratégique qui vous est proposé permet de regarder la situation actuelle avec des clés nouvelles ; et le forum de la RDN complète cette analyse en la raccordant à la question des confins orientaux de l’Europe traitée le mois dernier. Comme toujours opinions variées, repères et rapports divers, recensions circonstanciées ponctuent ce numéro et ouvrent l’angle du débat stratégique français. Merci à l’apport remarqué de la promotion Maréchal Lyautey du CID.

Notez notre assemblée générale le 15 juin à l’École militaire ; nous vous y attendons pour débattre de notre ligne éditoriale et mettre l’avenir en perspective stratégique.

(1) Des principes de la guerre, Paris, Berger-Levrault et Cie, 1903 ; « Discipline intellectuelle... », p. 94/96 et 266.

Tribune - Quelle compétitivité stratégique pour la France au XXIe siècle ? CID-HEC-ENA (LIRE)

La vocation du colloque que vont conduire ensemble à l’École militaire le CID, l’ENA et HEC le 26 mai 2010, est de replacer les décideurs militaires et publics, aux côtés des entrepreneurs, tous riches d’une culture stratégique partagée et soucieux de développer des moyens d’action collective, au cœur d’une réflexion tournée vers l’action au service de la France. (Voir le programme)

Tribune - L'insécurité alimentaire peut déstabiliser le monde JACQUES DIOUF

Bien des tensions et des affrontements entre les États trouvent leurs racines dans la précarité, et notamment celle induite par l’insécurité alimentaire. En expliquant que celle-ci affecte une part croissante de l’humanité et en rappelant le rôle qu’elle a joué dans l’histoire, l’auteur expose la conflictualité alimentaire latente de notre époque et nous met en garde.

Préambule - L’Euro-Atlantique : une sécurité égale pour tous SERGUEÏ LAVROV

Cette réflexion du ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie porte sur le caractère indivisible de la sécurité dans la zone euro-atlantique. Sur la base et dans l’esprit de l’OSCE, il propose de créer un espace juridique unique englobant tous les cadres de sécurité existants. C’est l’objet principal de l’idée de Traité de Sécurité européenne.

Gestion de crise

La généralisation progressive des règles d’engagement dans l’Otan FERDINANDO SANFELICE DI MONTEFORTE

En renouant avec les racines, navales et comportementales, des règles d’engagement de l’Otan pendant la guerre froide, on comprend mieux qu’elles permettent aujourd’hui de définir des tactiques efficaces dans les engagements asymétriques pour assurer la supériorité militaire sans recourir à l’escalade de la violence.

Les règles d'engagement, un objet juridique ? GUILHEM BROUARD ET ANTONIN TISSERON

En rappelant que les règles d’engagement régissent et régulent les actions de coercition militaire, les auteurs montrent qu’elles ont permis l’intégration progressive des forces armées dans un environnement de plus en plus complexe et de plus en plus changeant. Mais aussi qu’elles restent l’instrument inévitable du contrôle politique sur l’action militaire et un vecteur irremplaçable de la cohérence opérationnelle.

De l’influence stratégique des particules élémentaires BENOIST BIHAN ET MICHEL GOYA

C’est l’expérience irakienne de l’évolution progressive et radicale du comportement des forces régulières américaines qui sert de fil directeur à cette réflexion sur le retournement de la situation tactique qui a permis de faire basculer des alliances locales et de conclure avec succès des combats au milieu des populations.

Règles d’engagement : des règles irrégulières OLIVIER KEMPF

Les conflits déréglés que conduisent les coalitions multinationales aujourd’hui exigent des règles précises pour conjuguer les exigences tactiques, politiques et médiatiques. Plus qu’un cadre contraignant, elles sont une préparation nécessaire à l’action militaire.

Moyen-Orient

Le Moyen-Orient dans tous ses États ANTOINE SFEIR

Dans cette vaste rétrospective, l’auteur explique l’éviction progressive des pays arabes de la gouvernance générale du Moyen-Orient. Sous l’impulsion américaine, un système organisé autour de nouveaux pôles s’est mis en place subrepticement. N’y manquaient que l’Irak, en voie de dislocation, et l’Iran, en voie de normalisation.

Iran : quel sanctuaire nucléaire ? PIERRE VIAUD

L’auteur prolonge sa réflexion sur l’Iran et sa stratégie nucléaire implicite, en nous faisant percevoir les trois cercles de la sanctuarisation qu’elle annonce. Ce faisant, il montre à quel point ce pays à la forte et ancienne densité géopolitique est parvenu à restaurer sa place au cœur de l’échiquier géostratégique et géoéconomique de la région.

Le Yémen, un nouvel enjeu stratégique ? PIERRE BERTHELOT

L’étude de la situation stratégique du Yémen révèle au-delà des complexités internes de l’émirat, l’évolution de l’équation stratégique du Proche-Orient. Les clivages arabo-perses et sunnites-chiites conduisent à de surprenantes régulations.

Méditerranée : état des lieux MUSTAPHA BENCHENANE

En revenant de façon détaillée sur les différentes étapes d’une introuvable intégration stratégique méditerranéenne, l’auteur nous invite à dépasser les racines de la conflictualité intrinsèque de cette zone clé, à la fois forum de peuples et passerelle de continents, par une recherche résolue de solutions mutuellement favorables.

Repères - Opinions - Débats

Enjeux d’une implantation militaire française dans le Golfe MOURAD CHABBI

L’implantation d’une base militaire française dans le Golfe, positionne la France dans une région d’importance stratégique. Cette zone est, avec le détroit d’Ormuz, le point de passage obligé de plus de la moitié des hydrocarbures du monde. Malgré la modestie des moyens déployés sur le sol émirati, la France entend montrer son engagement dans cette région sensible.

Quelle réforme pour l’armée libanaise ? HUGUES LATOURNERIE

Certains hommes politiques ou chercheurs libanais suggèrent de réorienter le modèle classique de l’armée libanaise vers une structure antiguérilla. Pour attirant qu’il paraisse, ce projet ne tient néanmoins pas compte de diverses réalités locales et même internationales.

Une stratégie contre Al-Qaïda HUGO HANNE

En récapitulant l’histoire d’Al-Qaïda, sa dimension régionale, ses entreprises criminelles, ses émeutes, on peut amplifier et renforcer la lutte contre le terrorisme islamiste. Le chemin de la lutte antiterroriste passe aussi par une résolution intellectuelle et morale.

Les trois leviers de l’action selon Gallieni JEAN-MARC GIRAUD

Connaître le milieu, respecter sa structure ethnique, politique et sociale, attirer à soi la population, telles sont les règles apprises dans les temps coloniaux dont l’emploi peut changer la donne du conflit afghan.

Renseignement et opérations de maintien de la paix ? GUILLAUME DUJON

La question du Renseignement a toujours été une des plus difficiles à traiter dans les opérations de maintien de la paix, notamment à l’ONU. L’expérience réussie de l’établissement d’une cellule militaire stratégique en accompagnement de la Finul 2 permet d’envisager un réel progrès dans ce domaine sensible et décisif.

Le Centre de crise du Quai d’Orsay LAURENT KUNTZMANN

Les crises actuelles exigent des réponses complexes : militaires, politiques, humanitaires, économiques. La réorganisation des armées offre une belle occasion de créer une structure de gestion globale des conflits, inspirée du Centre de crise du Quai d’Orsay.

« France-Russie 2010 » : coopération et défense ANDREY PERMINOV

L’année 2010 est propice à un rapprochement franco-russe y compris en matière de sécurité et de défense. La coopération politico-militaire a fait des progrès importants et récents dont l’auteur, stagiaire au CID, fait l’inventaire en imaginant des développements à venir, notamment dans le secteur technico-militaire.

L’art de la guerre chez les moins de quinze ans BERNARD VAUDOUR-FAGUET

Transposition de l’art de la guerre dans l’univers des banlieues, cette approche stimulante est un exercice de style qui vaut mise en garde. Les ingrédients de la violence guerrière sont aujourd’hui présents dans nos cités, sur nos territoires. Peut-on les ignorer ?

Revues - Rapports - Recensions

  • Méditerranée - La guerre 1939-1945 en Méditerranée - VICTOR FÈVRE
  • Asie - Stabilité et tensions - DANIEL SCHAEFFER
  • Nucléaire - Agenda 2010 - Robert CARMONA (LIRE)
  • CESAT - L’action non-cinétique, les opérations par d’autres moyens ? - FRANCK FAUBLADIER
  • CESA - L’espace : un nouveau théâtre d’opérations ? - MARIE-MADELEINE MARÇAIS
  • Amérique - Espace, puissance et liberté - Robert LELONG
  • Général Éric Bonnemaison : Toi, ce futur officier
  • Jean-Claude Barreau, amiral Jean Dufourcq, Frédéric Teulon : Paroles d’officiers
  • Bruno Mignot : Il était une fois des militaires
  • Olivier Hubac et Matthieu Anquez : L’Enjeu afghan : la défaite interdite
  • Olivier Védrine : Ideas for a United Europe
  • Emmanuel Lehmann et Franck Decloquement : Petit traité d’attaques subversives

Commentaires

1. Le dimanche 25 avril 2010, 21:26 par Jean-Pierre Gambotti

Que l'acheteur soit vigilant!
L’excellent dossier sur la Gestion de crise, nous rappelle que les règles d’engagement sont exécutoires, les caveats dérogatoires. Aussi l’unicité de la manœuvre est-elle toujours confortée par les ROE, souvent obérée par les caveats, notamment dans le cas de coalitions fortement multinationales engagées sur des théâtres zonalement et nationalement répartis.

Il faut donc "que l’acheteur soit vigilant" - caveat emptor ! Chacun a connu ces affligeantes aspérités décisionnelles entre alliés quand il s’agissait d’engager une unité multinationale dans une opération en limite de spectre, opération qui soudainement nécessitait pour les chefs sur le terrain l’aval de leur capitale. Mais c’est une des faiblesses structurelles des engagements en coalition, rappelons- nous la formule de Foch "J’ai moins d’admiration pour Napoléon depuis que je connais les coalitions !" II sera, je le crains, toujours politiquement difficile aux nations contributrices de se départir du commandement opérationnel de leurs nationaux dans des conflits qui n’engagent pas leurs intérêts vitaux, notamment quand la nation cadre refuse obstinément le moindre opcon ou autre tacon de ses propres troupes...

Mais je voudrais, même si ce n’est pas l’objet central de votre article, revenir sur cette appréciation sur l’approche fondée sur les effets que l’on attribue à "une évolution de l’art de la guerre" (page51). A mon sens, il est curieux pour des purs produits de l’école de la pensée militaire française, laquelle depuis des décennies a mis au centre de sa méthode "l’effet majeur", de considérer que le rapport de forces de notre MRT conduirait au mode opératoire mécaniquement simpliste du "plus je détruis l’ennemi, mieux je prends l’ascendant". L’algorithme de la méthode française est au contraire fondée strictement sur une chaine des effets, du stratégique au tactique en ce qui concerne sa conception, du tactique au stratégique en ce qui concerne l’exécution. Chaque échelon subordonné raisonne et produit un effet déduit de l’effet que l’échelon supérieur a décidé de produire. C’est ce qui permet d’assurer l’unicité de la manœuvre et ce faisant de produire l’efficacité optimale par l’atteinte de l’effet majeur de niveau stratégique. Ainsi paradoxalement les EBO sont peut-être d’une théorisation américaine récente, mais sont d’origine… française. Peut-être pourrait-on ajouter que ce n’est pas leur pertinence qui a été vouée aux gémonies par le général Mattis, mais l’excès d’intellectualisme des officiers américains qui en on fait des constructions complexes, inopérantes, appuyées sur un tropisme technologique dévoyé.
A la guerre il s’agira toujours de produire des effets sur l’ennemi, et pour atteindre le centre de gravité il faudra toujours les produire selon de lignes de forces pour obtenir coordination et synergie. A mon sens il y a de l’avenir pour un concept EBO à la française.
Pardon pour cette digression.
Très cordialement.
Jean-Pierre Gambotti

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