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Carl Schmitt et la théorie du partisan

Je lis en ce moment les petits ouvrages de Carl Schmitt qui méritent le détour, et j’y reviendrais de façon plus ample ultérieurement. J’en extrais dès à présent ce passage qui me semble tout à fait contribuer au thème du mois d’AGS sur le peuple en armes.

S’il m’arrive de parler des théories modernes relatives au partisan, il convient de souligner pour la clarté de l’exposé qu’il n’existe à vrai dire pas de théories anciennes sur le partisan à opposer aux théories modernes. Le droit classique de la guerre inclus dans le droit des gens européen de naguère ne laisse pas de place au partisan au sens moderne. Ou bien celui-ci est, comme dans la guerre du XVIII° siècle, qui est une affaire entre cabinets, une espèce de troupe légère, particulièrement mobile mais régulière, ou bien il est un criminel particulièrement méprisable et il est alors tout simplement un hors la loi. Aussi longtemps que la guerre impliquait encore quelques notions d’un duel chevaleresque à armes découvertes, il ne pouvait d’ailleurs en être autrement.

Toutefois, l’introduction du service militaire obligatoire fait que toutes les guerres sont désormais, par définition, des guerres du peuple, et ceci entraîne bien vite des situations difficiles et même insolubles pour le droit classique de la guerre.

In « Théorie du partisan », 1962, édition Champs Flammarion de 1992, pp. 212 et 213

O. Kempf

Commentaires

1. Le jeudi 22 avril 2010, 21:35 par

Nous avons eu chez nous, très à la mode dans les années 70, une théorie officielle du Partisan avec un semblant d’organisation nommée D.O.T., la défense opérationnelle du territoire. Tous les organismes militaires non directement combattants face à l’est (unités de soutien, écoles, centres de sélection, etc.), disposant d’armes, étaient supposés être renforcés par la mobilisation et se former en R.I.F.T., régiment d’infanterie des forces du territoire, aussitôt que les forces du Pacte de Varsovie parviendraient à nous envahir.

C’était un peu incohérent avec la dissuasion mais je ne suis pas sûr que la cohérence ait toujours été le point fort de notre politique militaire qui cherche à concilier des intérêts divergents et des théories contradictoires.

Dans les années 70 cette théorie de la DOT, outre qu’elle avait l’avantage de ne pas coûter cher, permettait de satisfaire les théoriciens de Gauche qui n'acceptaient pas la dissuasion nucléaire mais tenaient pour la théorie du peuple en arme. Les théoriciens citaient volontiers l’exemple facile de la Suisse, les plus informés citaient la Suède et les plus orientés citaient la Yougoslavie, exemple de socialisme autogestionnaire et de défense populaire.

L’on a discrètement changé d’opinion après la mort du Maréchal Tito lorsqu’on a constaté que le peuple en armes risquait de basculer dans la guerre civile, ce qu’il fit effectivement à partir de 1991. L’on s’est souvenu, sans trop insister, d’une réalité jusque là occultée : la fameuse « Résistance française » des années 40 avait surtout été une guerre franco-française, la Milice contre les Partisans. « Une affaire entre Français qui ne nous concerne pas » disaient les forces d’occupation allemandes. L’on s’est rappelé qu’en 1944 / 45 l’un des gros problèmes du GPRF avait été de désarmer les bandes politisées qui couvraient le territoire national et qu’une partie de la solution avait été d’intégrer les FFI dans les FFL qui progressaient vers l’est.

Mais dans les années 70, la fiction du peuple en armes avait la cote : le bon journal « Le Monde » ennoblissait, en les qualifiant de Maquisards, les bandes criminelles que nous combattions dans le désert tchadien.

En France les opinions ont bien vite changé à la fois parce que la Gauche, arrivée au pouvoir, s’est trouvée confrontée aux réalités et parce que la désunion yougoslave prouvait que la théorie devait rester théorique.

Par conséquent il y a déjà deux périodes, du moins en France, dans la courte histoire du Partisan. Le livre de Carl Schmitt datant de 1963, il ne pouvait pas percevoir cette évolution qui a commencé vers 1980.

2. Le jeudi 22 avril 2010, 21:35 par

La DOT fait à ma connaissance toujours partie du Code de la défense. Elle n'est pas morte :
Article R*1421-1 modifié par Décret n°2009-1657 du 24 décembre 2009 - art. 5 (VD)
http://tinyurl.com/2fhhu78

missions :

1° En tout temps, de participer à la protection des installations militaires et, en priorité, de celles de la force nucléaire stratégique ;

2° En présence d'une menace extérieure reconnue par le conseil de défense ou d'une agression, et dans les conditions prévues à l'article R. * 1422-2, d'assurer au sol la couverture générale du territoire national et de s'opposer aux actions ennemies à l'intérieur de ce territoire ;

3° En cas d'invasion, de mener les opérations de résistance militaire qui, avec les autres formes de lutte, marquent la volonté nationale de refuser la loi de l'ennemi et de l'éliminer.

3. Le jeudi 22 avril 2010, 21:35 par

Merci pour ce lien vers la mise à jour de la DOT. Le principe n’est donc pas abandonné, mais avec la suspension du Service Militaire Obligatoire, on s’est fort éloigné de la notion de « peuple en armes » qui dominait la doctrine de DOT dans les années 70.
Il continue d’être délicat d'exprimer l’hypothèse d’une invasion car elle contredit la dissuasion.

Par ailleurs, pour revenir à la question soulevée par Carl Schmitt, la situation juridique des opérations de résistance militaire et celle du partisan seront ambiguës lorsque l’envahisseur aura trouvé quelqu’un disposant d’un semblant de légitimité pour signer un armistice.

4. Le jeudi 22 avril 2010, 21:35 par Christophe Richard

Et oui... Terroriste ou résistant ?
...Ou combattant d'une époque "post-westphalienne" où les allégeances politiques sortent du cadre...
En somme, crise du nomos ou réalité du chaos?
Très cordialement

égéa : Nomos der Erde ? Monsieur est schmittien, je vois.

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