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L'enjeu afghan

Je vous en avais parlé en publiant un entretien avec les deux auteurs, à l'occasion de la sortie de leur livre, il y a trois mois. Voici la fiche de lecture qui vient de paraître dans la RDN. D'ailleurs, celle-ci met en ligne les recensions de livre qu'elle fait paraître chaque mois, comme par exemple ce mois-ci : intéressant.

O. Kempf

L’Enjeu Afghan : la défaite interdite : Hubac Anquez L’enjeu Aghan, André Versaille éditeur, février 2010

Ce bref ouvrage permet de faire très heureusement le point sur la guerre en Afghanistan. Les deux auteurs, consultants dans un cabinet spécialisé en matière de défense, ont rencontré beaucoup de spécialistes, et consulté énormément de sources. Cette connaissance approfondie leur permet de livrer un livre complet, qui a deux avantages : d’une part, une clarté d’exposition qui rend simples des choses compliquées ; d’autre part, une réflexion stratégique de bon niveau, qui permet de nourrir la réflexion au-dessus de ce qu’aurait pu être un simple livre de journaliste.

L’enjeu afghan est articulé en six chapitres. Le premier décrit le cadre géopolitique (géographique, humain, historique, politique, régional) en échappant aux banalités que l’on rencontre trop souvent( l’éternel grand jeu, la sempiternelle « défaite anglaise » qui n’en est pas une, la débâcle soviétique enfin sont analysées et décryptées avec mesure, loin des idées toues faites) : l’équilibre est heureux entre le niveau de détails et la concision du texte. Un court chapitre évoque ensuite la complexité de l’ennemi (qaidiste, taliban, insurgé) et surtout la diversité des motivations et l’évolution des profils dans le temps.

Le troisième chapitre évoque à la fois les buts et les méthodes de guerre de l’insurrection, quand le chapitre suivant décrit le théâtre vu de l’autre côté, à la fois celui du gouvernement, des Américains (opération Liberté Immuable) ou de l’Otan (Force Internationale d’Assistance et de Sécurité) et leurs missions différentes, et bien explicitées, mais aussi des différents supplétifs (SMP, MANUA, ..).

Tout aussi intéressant est le cinquième chapitre, qui traite de la contre-insurrection, partant de ses fondements théoriques pour décrire son adaptation au théâtre afghan, mais aussi le déplacement du centre de gravité de la guerre, qui réside désormais dans les opinions publiques : aussi bien l’afghane, ce qui ne surprend pas, qu’occidentale, ce qui apparaît comme un nouvel enjeu. Le dernier chapitre sur les pistes de sortie de crise est logiquement plus court : mais il faut ici féliciter les auteurs de s’y être risqués, car trop souvent les ouvrages se limitent à une description des événements, et se contentent de présages filandreux sur l’avenir. Ici, au contraire, des scénarios sont examinés : aussi bien celui de la négociation (qui est aujourd’hui présentée comme la seule voie possible) que de la régionalisation (avec des considérations économiques intéressantes ; mais surtout, avec des développements pertinents sur la nécessité de repenser l’espace afghan, en posant des questions simples qu’on entend très rarement : faut-il favoriser une fédéralisation, ou une partition ?

On notera enfin un style simple et non jargonnant, la volonté d’éviter les anglicismes (même si on ne comprend pas pourquoi les auteurs s’escriment à orthographier « pashtoun » qui n’est correct ni en anglais ni en français), des cartes et encadrés nombreux, des références données dans une bonne mesure, une bibliographie commentée suffisante, … Ainsi, le travail est très pédagogique sans perdre en exigence : il satisfera aussi bien le grand public qui n’y connaît rien que l’analyste un peu plus averti qui cherche un tableau complet. A ce titre, il est chaudement recommandé.

O. Kempf

Commentaires

1. Le jeudi 6 mai 2010, 22:02 par Lefrançois

J'ai consulté internet de Wikipedia aux sites spécialisés sur l'histoire des populations de la région, l'orthographe est bien "pachtoun".

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