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1940 : Et si la France avait continué la guerre....

égéa a reçu un ouvrage intéressant (à paraître le 20 mai : aucune photo ni lien à mettre en ligne, désolé) et qui vient contribuer à la prise de conscience actuelle que la défaite de 1940 était "illogique".

carte_camapgne_de_France_40.jpg

Qu'en dire de plus ? Enormément de choses, car cette résurgence montre une actualité finalement urgente.

Cet ouvrage vient poursuivre le travail de J. Philippe Immarigeon (voir l'entretien qu'il nous a donné pour son dernier ouvrage): il y a actuellement un vrai débat sur la campagne de France. La France semble se convertir à l'école anglo-saxonne qui n'a jamais cru à la supériorité allemande au printemps 40.... même si la témérité de Guderian a réussi ce qui n'était décidément pas envisageable. Or, à la guerre, celui qui gagne a raison.

il s'agit donc d'une uchronie, mais fondée par tout un tas de travaux de spécialistes internationaux qui testent leurs hypothèses dans des sortes de Kriegspiel avec leurs étudiants. Bref, il s'agit réellement d'histoire, et non de roman... même si, bien sûr, on pourra ne pas me suivre dans cette proposition...

Je n'ai pas lu le livre, juste la préface que Laurent Henninger m'a fait relire il y a quelques mois : c'est incontestablement stimulant.

Avec ce week-end de Pentecôte, je vais pouvoir me régaler.

Mais on sent bien qu'une nouvelle conscience émerge, qui vient gommer la discours à la fois pétainsite (c'est la faute au Front populaire) et gaulliste (on n'avait pas de chars et d'avions, doctrine bêtement défensive) qui a prévalu dans notre rerpésentation de cete défaite humiliante : la caricature de la 7ème Compagnie vient abonder dans ce portrait d'une armée idiote, ce que traduit également l'excellent "Etrange défaite" de Marc Bloch.

Dans l'état actuel des choses, voici mes réflexions : - il y a eu un important effort d'armement entre 36 et 40 et la France avait donc les moyens - au-delà de la rigidité des états-majors, Gamelin a péché probablement par totalisme, ce que nous explique Immarigeon - cette défaite est un tournant géopolitique majeure de la France, tout d'abord parce qu'elle explique la repprésentation qu'elle se fait d'elle même : aussi bien puissance amoindrie que puissance qui tient ensuite un discours de grandeur. Mais passé l'abaissement, puis la réaction d'orgueil, on arrive auourd'hui à une France qui n'a plus de projet géopolitique clair. En cela, la question de 1940 revêt une importance cruciale. Et il n'est donc pas anodin que ce débat émerge aujourdhui, car il contribue à un débat plus général : qu'est-ce aujourd'hui que le projet français ? - bref, tout ceci entre parfaitement dans ma préparation actuelle de "Géopolitique de la France".

réf : l'article de l'express le forum l'article du CBA Huiban : "il faut sauver le soldat de 40"

NB : Ce billet est le 600ème écrit (et donc environ le 590ème publié, car j'ai qq billets non mis enligne, pour tout un tas de raisons...)

O. Kempf

Commentaires

1. Le jeudi 13 mai 2010, 22:29 par DanielB

Bonjour ,
Vous citez avec raison comme référence le spécial GBM sur mai 1940 .
GBM a souvent dans ses colonnes envisagé des uchronies à divers stades de la Bataille des Flandres , la percée de Sedan et la Bataille de France ( sur la Somme ) .
Celle-ci sont uniquement des simulations qui ne prennent en compte que l'aspect militaire ce qui est une vision reductrice du problème .
Il faudrait y inclure des options diplomatiques comme par exemple un soutien ferme des Etats-Unis à la France soit à partir de Munich soit à partir du 3 sept 1939 ou à partir du 10 mai 1940 . Les options sont donc multiples .
J'ai eu récemment l'occasion de discuter avec Annie Lacroix-Riz qui , je me ralie à son opinion , considère que le débat sur mai 1940 est occulté à l'occasion de ce 70 eme anniversaire tout simplement par ce qu'il amenerait à se poser les questions sur les responsables de la défaite et je rajouterais sur les circonstances dans lesquelles cette guerre fut déclarée sur le simple plan constitutionnel puisque la declaration n'a pas respecté les dispositions légales [ Le vote s'est fait sur les crédits nécessaires à la guerre et non pas la guerre ] et sur le plan diplomatique avec l'acharnement Anglais à faire transmettre l'ultimatum Français à Berlin .
Elle vient de publier deux ouvrages sur la question qui sont dans la ligne d'une partie des thèses de " l'Etrange defaite " de Marc Bloch .

Il est d'autre part clair qu' aprés 1945 la France n'est plus la France de 1939 et je pense que cette vision erronée qu'avaient les élites politiques et militaires de notre pays et de son état a grandement contribué aux guerres dites " coloniales " :Indochine et Algérie .
Car la Deuxième Guerre Mondiale s'est finalement terminée en 1962 pour la France avec l'indépendance de l'Algérie et il ne faut pas oublier que de 1939 à 1962 notre pays n' pas connu une seule année de paix sauf peut être quelques dizaines de jours en 1954 .
La " vision " de De Gaulle en 1962 a été , je pense , que la " grandeur " d'un pays ne se manifeste pas uniquement au travers du nombre de dizaines milliers de km2 de sable ou de jungle , d'indigènes admninistrés mais au travers d'autres facteurs de puissance comme l'industrie et la technologie .
Cordialement
Daniel BESSON

2. Le jeudi 13 mai 2010, 22:29 par

Merci pour cet article qui a mis l'eau à la bouche.
J'attends avec impatience la publication de cet ouvrage, car effectivement, on a du mal à distinguer la direction stratégique de l'outil de défense, puisque la réforme actuelle est essentiellement administrative et financière et non pas orientée vers le 'contre qui?'.

3. Le jeudi 13 mai 2010, 22:29 par VonMeisten

Voici un exemple de scénario alternatif intéressant :
http://www.1940lafrancecontinue.org...

4. Le jeudi 13 mai 2010, 22:29 par

Il faut néanmoins méthodologiquement se méfier de l'accumulations contra-factuelles. Non que la réflexion ne puisse pas être nourrie par des changements de paramètres, mais à tout modifier on transforme vite un moineau en chat. Et on ne fait plus d'histoire.

Sur 1940, il existe un ouvrage très intéressant publié en 1944 et intitulé "Bazaine contre Gambetta, ou le procès de Riom" écrit par Paul Soupiron (Lyon, ed. Lugdunum, 1944). Il commente presque sur le vif (et de manière très vivante) l'échec pour les Allemands et Vichy que fut le procès de Riom. On y voit apparaitre très clairement l'inaction du ministre Philippe Pétain dans le plan d'armement en 1938.

Toutes ces publications montrent que l'on ne fait de l'histoire que quand les témoins sont morts. Bien sûr, je sais que c'est actuellement faux, par expérience personnelle, mais pour ceux qui se souviennent de la polémique d'il y a 15 ans autour de Jean-Moulin (placé sur toutes les couleurs de l'arc en ciel politique, de l'extrême droite à l'extrême gauche), c'était autrement plus polémique. Tout comme le retour à la même période de la polémique sur Caluire. Les témoins, tous estimables qu'ils soient, ne sont pas forcément détenteurs de la vérité, même s'ils grimpent aux murs dès qu'une étude ne leur convient pas.

5. Le jeudi 13 mai 2010, 22:29 par Laurent

Deux petites remarques pour les commentaires de VonMeistein et de Spurinna :

1. Le livre en question est effectivement tiré des travaux de ce site Web. Mais les auteurs n'en font pas mystère, et même le revendiquent (puisque ce sont les mêmes).

2. Achetez le livre et lisez l'introduction méthodologique (et même, osons le mot, épistémologique) de Jacques Sapir ; il répond très exactement aux questions que vous soulevez quant à la pertinence des exercices "uchroniques".

6. Le jeudi 13 mai 2010, 22:29 par Loïc Mahé

> VonMeisten : Voici un exemple de scénario alternatif intéressant http://www.1940lafrancecontinue.org...

Bonjour, le livre est l'émanation du site que vous indiquez.

7. Le jeudi 13 mai 2010, 22:29 par vincent

Bonjour
Je viens de passer une partie de ma courte nuit sur le site indiqué plus haut. C'est passionnant, bien documenté et assez plausible. La lecture de ces pages amène à s'enthousiasmer (l'offensive mécanisée de Noguès en Cyrénaïque en août 40) et d'une certaine façon à rêver (quel auraient été l'avenir la France et son empire après guerre?). Les argumentaires techniques de ce site (en particulier les capacités industrielles de l'AFN) sont bien venues. J'émettrais néanmoins une certaine réserve quant au rôle de certains hommes politiquess en ces jours de juin 40 (certains lecteurs pourront-ils éventuellement me renseigner). J'aimerais en effet savoir si il y a eu un conflit début juin 40 entre les "défaitistes" (Pétain-Chautemps-Weygand) et les jusque-boutistes (Reynaud-DeGaulle-Huntziger), la thèse du site reposant sur la victoire de ces derniers lors d'un conseil des ministres.
En attendant, j'ai hate de lire le livre.

8. Le jeudi 13 mai 2010, 22:29 par

@vincent
Je suis loin d'être un spécialiste de l'histoire de la 2ème GM, mais il me semble bien que si Charles de Gaulle a bien refusé l'armistice, Reynaud était à peu près le seul politique ayant accordé quelque crédit à La France et son armée... et qu'il a avancé l'idée d'un réduit breton, et voulait continuer la guerre, comme de Gaulle (vraisemblablement le moins défaitiste des membres du gouvernement, ce qu'a vu Churchill), éventuellement depuis l'Afrique du Nord.
Tandis que Weygand (qui avait pourtant de grandes idées de contre-offensive au Moyen-Orient) et Pétain étaient sans doute encore enfermés dans la vision d'une guerre franco-allemande "à la 1870", souhaitant un armistice vite fait pour éviter l'anéantissement ?

9. Le jeudi 13 mai 2010, 22:29 par Thibault Lamidel

Bonjour,

Je tiens à signaler un ouvrage, "Les Combats et l'Honneur des Forces Navales Françaises Libres 1940-1944" de Etienne et Alain Schlumberger. Le premier est un des Compagnons de la Libération.

Quel intérêt de présenter cet ouvrage ? Il répond à une question fondamentale, et à d'autres auteurs par la même occasion. Dans la première partie, l'auteur présente rapidement "sa" deuxième guerre mondiale. Comment un ingénieur du Génie maritime est devenu Officier de Marine, Commandant de sous-marin et Compagnon de la Libération.

Mais il répond donc dans la deuxième partie a une grande énigme de la défaite de 40. Sur son volet maritime donc. Pourquoi la Marine Nationale a-t-elle abandonné la France ? Je dis crument les choses, la Marine Nationale de la République Française a refusé de combattre, c'est ma conviction. Et cette conviction, je l'ai forgé en "avalant" tout ce que j'ai pu trouver comme récit sur cette période charnière. Qu'est-ce qui fait que la Marine Nationale était autant un rempart qu'un danger pour la sécurité nationale ? A-t-elle fait son "mea culpa" pour éviter de trahir une nouvelle fois ? Je confirme, la légende du Pavillon sans tâche, ce n'est pas ma religion.
René Loire ("Le Frappeur") en pense de même. Il indique que ses connaissances américaines n'ont pas compris officieusement l'attitude française. Lui non plus d'ailleurs.
J'ai essayé de comprendre en lisant "La Marine dans l'Histoire de France" de l'Amiral Auphan (membre du Gouvernement de Vichy). Sa thèse est construite de façon élégante pour ne pas mettre en doute l'Honneur de la Marine. "Elle n'avait pas le choix, elle était coincé (entre un Etat de Vichy et une Angleterre ennemi de toujours), et au nom de l'honneur, elle ne s'est pas donné à l'ennemi (donc a respecté ses obligations)" (je résume de ce que je me souviens).

Malheureusement pour lui, et heureusement pour nous, le livre dont je vous fait part présente une version de l'Histoire qui a le mérite d'expliquer, et presque, de convaincre (je le suis). L'auteur dans sa deuxième partie, analyse ce qu'est l'Honneur d'un Officier de Marine et le met en relation avec l'image qu'il se fait de la Discipline. En caricaturant un peu le propos, il explique que la Marine de 40, c'est une pyramide. Le sous-chef tient l'ordre du chef qui tient l'ordre... Que cette pyramide, et d'autres facteurs, tiennent le marin très près de ce qu'est l'Honneur et la Discipline de "son étage" de pyramide. Mais que cette construction mentale le tient éloigné de la défense de la Patrie. Et in Fine, le sommet de la Marine, c'est le chef qui défend l'Honneur du Pavillon. Avant cette ultime étage, ce sont les amiraux qui, à part défendre ce pavillon, sont incapable d'initiative. Complètement éduqué et moulé dans cet amour de l'Honneur, ils étaient incapable de faire autrement. Ce qui est gênant, puisque ce sont les amiraux de flotte qui avait la garde de la Marine dans les ports hors métropole.

Etienne Schlumberger présente mieux que moi pour les courageux, le livre se lit vite.

A JGP, je confirme, Charles de Gaulle a refusé l'armistice. Mais il a eu un rôle méconnu avant son appel. Avant l'Armistice, Churchill fait une proposition sans équivalent dans l'Histoire, à ma connaissance. Il propose de fusionner les nations françaises et britanniques dans un même combat : même ressources, même Flottes de Guerre, même Gouvernement. Le citoyen français sera sujet de la Reine, le sujet anglais sera citoyen français. Malheureusement, alors que la signature était prévu par Paul Reynaud, ce dernier démissionne. Et c'est le Maréchal Pétain qui lui succède.
C'est Le Point ou l'Express qui avait fait un gros dossier ces derniers mois sur ces journées. Paul Reynaud pensait joué un coup politique en nommant le Maréchal. On pensait que le bougre ne ferait pas grand chose. Sauf que, le jour de sa nomination, le Maréchal avait déjà un Gouvernement à présenter...

Dans le livre "Churchill contre Hitler" de François Kersaudy, cet épisode est aussi abordé. Ainsi que celui des projets du Moyen-Orient. Ce qui est très intéressant, c'est que l'auteur construit son livre en donnant les points de vue étatique des Gouvernements français et anglais sur la conduite de ces affaires. Les anglais hallucinent (de manière anglaise, donc poli) devant ce projet de Moyen-Orient. Le livre présente des militaires français qui font de la projection de puissance sans tenir compte des réalités. Et le coeur de l'ouvrage, l'expédition de Narvik, donne raison à l'auteur.
Cette guerre limité devait couper l'Allemagne du minerai de fer du nord de la Norvège. Et avec force de détails, l'auteur présente la logistique des opérations : un destroyer amène le matériel dans un port, un autre les soldats beaucoup plus loin.. Les skis sont perdu (il neige en Norvège).
Le pire, c'est quand l'auteur raconte comment se construisent les plans allemands et alliés pour cette guerre limité : avec un dépliant touristique ! Alors, le projet du Moyen-Orient, il aurait fallut souhaité un enlisement, pour que la logistique se corrige à l'habitude (je n'ai même pas parlé du mépris digne du racisme qu'on eu les alliés contre les norvégiens sur le terrain).
egea : votre première partie soulève un point d'importance, qui fera donc l'object d'un billet particulier.
Pour la seconde, il faut se reporter à la biographie de Churchill par le même Kersaudy (voir ma fiche de lecture). Je n'ai pas le souvenir d'un Churchill aussi perspicace que ça : disons qu'il avait une telle puissance dimaginative qu'il était capable de prévoir tout et son contraire. De mémoire, ce fut vrai pour Narvik aussi.

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