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Israel et la flotille

Chacun évoque l'affaire de la flottille attaquée par les FDI.

1/ L'interprétation générale consiste à dire que les forces israéliennes ont échoué, et que l'opération est un fiasco. Bien sûr à cause des morts, mais aussi à cause de la défaite médiatique.

2/ Raisonnons pourtant d'un point de vue stratégique. Vous êtes la flottille, vous voulez à toute force que "ça se passe mal" puisque votre objectif consiste à prouver que les Israéliens sont des méchants. Ce qui s'est passé est pour vous un succès complet. But atteint. Les 9 morts sont le prix de cette bataille, et il y a des morts lors des batailles (y compris médiatiques.

3/ Mettez vous maintenant à la place d'Israël : laisser passer la flottille, c'est mettre à bas toute la construction théorique justifiant le blocus, donc la relation au Hamas, donc l'opération plomb durci, donc le retrait de Gaza. Impossible, dans les conditions actuelles intérieures israéliennes. Il faut donc l'arrêter à tout prix.

4/ A tout prix. C'est-à-dire réaffirmer la détermination d'Israël. Sachant que Tel-Aviv a de toute façon perdu la bataille médiatique ces derniers temps. Du coup, ce qui s'est passé n'est peut-être pas forcément un "échec" : le blocus tient, et il tiendra. Et Israël est vraiment "méchant" , rétablissant une réputation peut-être affadie depuis l'affaire du Liban sud en 2006 ou celle de Gaza, pas forcément concluantes.

5/ Perte de l'allié turc ? mais confirmation de l'allié égyptien. Gel des négociations avec l'autorité palestinienne ? Oui, mais seulement si vous voulez négocier, ce qui n'est pas le cas. Difficultés avec les États-Unis ? oui, certes. Mais rien qui ne soit gérable à court terme. Car la politique intérieure est une politique de court terme.

Ceci n'est bien sûr qu'une théorie. Mais qui cherche à sortir des explications usuellement avancées.

Autres analyses ici, ici, ici, ici et ici.

O. Kempf

Commentaires

1. Le mardi 1 juin 2010, 22:06 par

Olivier,

C'est en fait pousser très loin le complexe de la Massada. Israël est la "citadelle assiégée" face à différentes menaces. Il faut aller au bout (jusqu'au "suicide médiatique et international") pour préserver son existence.

Le terminal de Rafah a été réouvert sur ordre de Moubarak. Gaza respire... Je saisis pas tout quand tu dis "confirmation de l'allié égyptien"...

égéa : pour l'allié égyptien, oui, il semble y avoir une inflexion. Mais il faut voir dans la durée, et notamment la construction dela barrièe métalique. Pour le reste, il est évident que ce billet vise à stimuler les neurones et à sortir du discours émotif ambiant.

2. Le mardi 1 juin 2010, 22:06 par

Analyse intéressante qui s'extrait de la dramatisation médiatique ambiante.
Je me permets deux observations.

1/ Sur le plan tactique, l'assaut illustre bien la difficulté des forces spéciales/commandos à mener un assaut en déployant des moyens de maintien de l'ordre efficaces, tout en évitant le recours aux armes à feu. Les commandos israéliens avaient prévu des armes non-létales (pointeurs de paintball, gaz CS...) qui furent inadéquates pour assurer un contrôle de foule dans la phase initiale de l'assaut (fast rope), contre des opposants bien équipés (armes contondantes, masques à gaz) et agressifs. Un assaut depuis la mer n'aurait pas forcément été plus fructueux avec le risque de voir les grappins et échelles rejetés à la mer. Lors de l'assaut sur le Pascal Paoli (2005), les hommes du GIGN n'avaient pas eu recours à des matériels de MO, basant leur opération sur l'effet dissuasif des armes à feu, comme l'avaient probablement prévu les Israéliens. On peut penser que le concept "abordage de navire + contrôle de foule hostile" n'est pas encore intégré dans le logiciel des forces spéciales, qui ne manqueront pas d'étudier ce nouveau cas d'école. (http://www.cnas.org/blogs/abumuqawa...)

2/ Le rôle de la Turquie dans cet épisode ne doit pas être minimisé. La tension monte en coulisses entre Ankara et Tel-Aviv, renforcée par l'accord sur le nucléaire iranien. La flottille pourrait n'être qu'un proxy pour démontrer à Israël la capacité de nuisance turque.

égéa : oui pour les deux points. L'idée de proxy est ici tout à fait pertinente. La "guerre médiatique" dont tout le monde parle ne voit pas son instrumentalisation : on la croit autonome et éthérée (menée exclusivement dans le champ informationnel) alors que 1/ elle fait des morts 2/ elle est utilisée par les puissances classiques.

3. Le mardi 1 juin 2010, 22:06 par

C’est l’occasion de s’interroger sur cette notion de « défaite médiatique » parce qu’il y a comme un malentendu.

S’il y a, dans le cas présent, une « victoire médiatique », ce sera une victoire à la Pyrrhus.

Cette notion de défaite ou de victoire médiatique n’a pas de sens, je l’écris d’autant plus tranquillement que je ne suis pas un sympathisant d’Israël. Ni maintenant ni avant cette affaire.
Défaite ou victoire médiatique, qu’est-ce que c’est, d’où sort cette notion en géopolitique ?

Si on limite la question au domaine journalistique la victoire se mesure (selon le support) au tirage, à l’audimat, au flux, c’est-à-dire aux recettes en fin de compte.

égéa : Oui, voir ma réponse au commentaire précédent.

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Mais en géopolitique, le scandale fait dans la presse ne modifie en rien l’équilibre (ou le déséquilibre, comme on veut) des forces. Certes, dans les démocraties où les décideurs sont plus ou moins à la merci des sautes d’humeur de l’opinion publique, déstabiliser l’opinion publique de l’ennemi peut affaiblir la détermination de celui-ci.

Mais ici, rien de tel : cette affaire ne modifiera en rien la situation des belligérants. Peut-être y aura-t-il un appel au boycott des oranges Jafa, comme autrefois lorsque les Sud-Africains étaient classés « méchants » il y eut un appel au boycott des oranges Outspan. Mais on n’a pas boycotté le film sud-africain « les dieux sont tombés sur la tête », trop marrant. Boycotté par la critique mais non par le public, ce film fut en tête du box-office grâce au bouche-à-oreille. Et pourtant, on n’avait pas internet à l’époque.

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Cette notion de défaite ou de victoire « médiatique » nous a certainement été inculquée, sans que nous y réfléchissions suffisamment, par la corporation journalistique persuadée d’être « le quatrième pouvoir » en démocratie. Clemenceau, patron du journal « l’Aurore » et surnommé « le tombeur de ministères » continue de faire rêver dans les rédactions. Mais qu’en est-il vraiment ?

Dans quelques semaines, on verra quelles auront été les conséquences, sur le rapport de forces dans la région, de cette bataille médiatique.

4. Le mardi 1 juin 2010, 22:06 par boris friak

L'analyse de l'arraisonnement doit être faite en tenant compte de l'illégalité de l'action, réalisée en haute mer et contre des navires marchands (certes utilisés à des fins de propagande).
Pour une armée, obeir à des ordres illégaux, conduire des opérations contraire au droit intenational, accumuler les "CivCas" est une option qui ne peut que conduire à une perte de crédit, surtout si le résultat tactique n'est pas brillant.

Le seul crédit est la crainte que suscite l'intimidation. Je pense tout de même qu'Israël et la cause sioniste méritent des modes opératoires un peu moins primitifs.

5. Le mardi 1 juin 2010, 22:06 par

Depuis la nuit des temps le droit cède à la force.
Comme le dit la fine analyse d'Egea, Israël ne peut pas laisser briser son blocus. Il ne pourra que le lever lui-même un jour, au premier prétexte utile pour lui, mais certainement pas se le voir imposer par une coalition pacifiste noyautée par ses ennemis. Donc il arrête le convoi en avant de ses eaux territoriales pour des raisons probablement techniques d'arraisonnement.

En revanche, le mode opératoire a totalement foiré. Il est la conséquence d'une impréparation qui fait peur en Israël même. Et nul ne peut invoquer le manque de délai, l'affaire étant médiatisée depuis des jours et des jours.
Tsahal a bien baissé ! C'est ce que retiennent les gens en Israël.

6. Le mardi 1 juin 2010, 22:06 par cadfannan

Je lis souvent qu'Israël a enfreint le droit international en ne respectant pas la Convention de Montego Bay, interceptant la flottille en dehors des eaux territoriales.
Mais Israël se considère en guerre. En conséquence, les règles qu'il applique sont du domaine du droit des conflits armés.
En ce qui concerne la guerre sur mer, je ne connais pas de traité applicable; cependant, le Manuel de San Remo sur le droit international applicable aux conflits armés en mer, conçu par l'Institut international de droit humanitaire de San Remo avec entre autres la participation du comité international de la Croix Rouge, me semble un document intéressant pour étudier la question de la légalité de l'action israélienne.
Dans le cadre de ce document,l'interception, la perquisition, la visite des navires de commerce par les bâtiments militaires d'un belligérant sont autorisés s'il existe une suspicion qu'il s'agisse de bâtiments ennemis. Ce caractère ennemi peut être basé sur l'immatriculation, le propriétaire, l'affrètement (pas seulement sur le pavillon).
Je ne suis pas juriste, mais il s'agit d'un document produit par une association humanitaire internationale reconnue par les Nations-Unies et que j'ai trouvé en quelques minutes sur Internet; je pense que les organisateurs de cette flottille humanitaire ne pouvaient ignorer ni le fait qu'Israël se considère en guerre, ni les interprétations juridiques possibles.
Quoi qu'il en soit, il me semble humblement qu'Israël pouvait légitimement vouloir exercer un droit de visite sur ces navires, fussent-ils neutres.

7. Le mardi 1 juin 2010, 22:06 par Og

Bonsoir,

Je souhaiterais poser, à vous-même ainsi qu’aux autres lecteurs, quelques questions relatives aux relations israélo-américaines et israélo-turques :

- Sachant que l’intervention israélienne a eu lieu juste avant que Netanyahu ne rencontre Obama aux EU, est-il envisageable que le PM israélien ait cherché à « piéger » le président américain en l’empêchant de critiquer l’action des commandos de Tsahal ? Ou bien jamais Israël ne s’autoriserait un tel « affront » à l’encontre des EU et, qu’au contraire, le gouvernement US a été tenu au courant de l’imminence de l’intervention israélienne qu’il aurait publiquement approuvé en l’absence de morts ? Plus généralement, ne trouvez-vous pas que les EU n’ont nullement besoin d’Israël pour « tenir » le Golfe et y défendre leurs intérêts stratégiques, et que, par conséquent, le soutient absolu de Washington envers Israël est en grande partie « irrationnel » ?

- Compte tenu des multiples avantages qu’elle tire de son alliance avec Israël (achats d’armes modernes, modernisation de ses équipements, exercices militaires communs, échanges d’informations, afflux de touristes israéliens, échanges économiques, soutien du lobby pro-israélien à Washington, …), la Turquie peut-elle se permettre de rompre avec Tel-Aviv ? Est-il envisageable qu’une telle rupture ainsi que le rapprochement concomitant avec Damas et Téhéran puissent se faire sans l’accord des autorités militaires turques ?

Je vous remercie.
égéa : fichtre : de bonnes questions. J'essaye d'y répondre, mais attention à l'oracle, il ne représente que lui-même....
1/ Possibilité de piéger : oui, bien sûr, ce n'est pas la première fois qu'I essaye des coups tordus pour forcer une sorte d'approbation tacite. Il reste que ces derniers temps, la position s'érode et que j'avais plutôt l'impression que les Israéliens cherchent à resolidifier leur relation avec Washongton.
2/ Oui, le soutien Etats-Unien est en partie irationnel. Mais en partie seulement : il y a des intérêts politiques et économiques en jeu.
3/ Rompre avec Israël : non, mais redurcir les relations incopnstestablement. En fait, la Turquie mène une stratégie en toris axes (UE, musulman, Asie centrale) qui n'est pas forcément lisible. QUant aux autorités militaires turques, elles perdent de leur influence à l'intérieur du pays....

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