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Oural

Ce mot :

Les Soviétiques ne comprennent pas toujours la grande politique du général De Gaulle. Un jour où Pompidou reprenait l’expression gaullienne « l’Europe de l’Atlantique à l’Oural », Brejnev est parti d’un grand éclat de rire en disant : « Mais l’Oural, ça n’existe pas. Je vous emmènerai en auto là-bas du côté de l’Est et, au bout d’un certain temps, sans que vous vous soyez aperçu de rien, je vous dirai ‘on a passé l’Oural’ ».

In Maurice Vaïsse, "la puissance ou l'influence", Fayard, 2009, p. 250

O. Kempf

Commentaires

1. Le vendredi 9 juillet 2010, 18:20 par

L’Oural une limite, l’on peut s’expliquer qu’un Russe refuse : pour lui, la Russie va jusqu’au détroit de Béring depuis que l’Alaska a été vendu en 1867 : http://www.77international.fr/commu...

Mais pour nous Français hexagonaux habitués à des frontières plus ou moins « naturelles », la difficulté est de fixer à l’Europe une limite à l’est alors que l’on constate que le territoire russe est principalement asiatique.

La formule gaullienne « de l’Atlantique à l’Oural » est examinée ici http://www.regard-est.com/home/brev...

Pour ma part, je l’interprète comme la volonté gaullienne constante de donner de l’Europe une image distincte de celle des Etats-Unis (« Churchill et moi tombâmes d’accord : l’Angleterre est une île et l’Amérique un autre monde »), pour effacer avant qu’elle n’imprègne les esprits la notion d’ « Occident » qui fait de nous des vassaux. D’un côté l’on peut contester l’Oural que les uns et les autres voient aussi faussement, les uns comme une barrière, les autres comme inexistante. Mais de l’autre côté l’on peut difficilement contester que l’Atlantique est une limite : c’est probablement ce que voulait souligner dG.

Dans ce contexte la question de l’Oural devient accessoire. L’on doit cependant considérer que l’essentiel de la Russie (ce qu’on appelle la « Russie utile », 338 résultats sur google) se trouve de ce côté-ci de l’Oural et que de ce fait l’Oural existe même s’il était invisible pour Brejnev, en sa double qualité non seulement d’héritier des Tsars mais aussi de communiste habitué à nier les réalités économiques et humaines.

égéa : le débat se porte sur la notion de frontière "naturelle" (qui est d'ailleurs très biaisée en France). Il reste que s'il s'agit de délimiter une Russie d'Europe d'une Russie d'Asie, je suis très d'accord.

2. Le vendredi 9 juillet 2010, 18:20 par

Il me semble que ces considérations peuvent être éclairées par les écrits de Lev Goumilev et le néo-eurasisme d'Alexandre Douguine, qui ne sont pas sans influence sur la politique domestique/étrangère russe actuelle

3. Le vendredi 9 juillet 2010, 18:20 par Thibault Lamidel

Je ne comprends plus que l'on choisisse l'Oural comme une limite physique à l'Europe.

En France on est effectivement très imprégné par cette philosophie des frontières naturelles. Dès l'Antiquité, on disait que notre territoire était "béni des dieux". Mais Brejnev a raison, l'Oural n'est pas une frontière naturelle comme les Alpes ou les Pyrénées. Si vous prenez une carte des reliefs centrées sur la Russie, vous vous rendez compte que les limites physiques à l'expansion russe sont l'ensemble des chaînes de montagnes qui vont du Caucase jusqu'au nord de la Mongolie.

http://www.intercarto.com/produits_...

Si vous trouvez une meilleur carte des reliefs eurasiatiques, vous pouvez noter une autre chose. Avec une telle représentation, l'on comprend mieux pourquoi les invasions venues de l'Est arrivées en France. Les Mongols, une fois partie du Nord de la Chine, avaient un corridor tout tracé pour débouler sur l'Europe.

Pour en revenir à la citation, il me semble qu'il était dit que DG l'avait prononcé pour souligner que le communisme n'avait pas fait tomber les Nations qui existent de l'autre côté du rideau de fer. Ainsi, il affirmait que la France avait comme projet GP de faire tomber ce rideau pour réunir tout les européens.

En France, notre dernière frontière naturelle non-atteinte c'est le Rhin... Se dire qu'il y a une poussée francophone dans ce coin expliquerait bien des soucis d'actualités, voir futurs.

Ce qui me pousse à dire que le bout de l'Europe est peut être bien à Vladivostok, que l'Oural est peut être bien plus une création politique que physique. Mais cela reviendrait à transformer l'Europe d'un petit cap eurasiatique à un géant continental.

4. Le vendredi 9 juillet 2010, 18:20 par cadfannan

On peut tout autant contester le fait que l'Atlantique soit une frontière.
En fait, la notion de frontière résulte avant tout du besoin de simplification de l'esprit humain qui accepte bien plus facilement une notion binaire: ici c'est l'Europe, de l'autre côté de cette ligne c'est l'Asie.
Finalement, les frontières modernes sont une représentation mentale qui s'est imposée lors de la généralisation de la cartographie. Auparavant, les limites entre les Etats étaient pour le moins vagues, et c'est toujours le cas dans les Etats peu développés. Mais on préfère parler de "frontières disputées", notion plus facile à se représenter que de penser à une interpénétration des espaces.
Pour en revenir à l'Atlantique, il s'agit à la fois d'une barrière, mais aussi et surtout d'une immense autoroute aujourd'hui: n'oublions pas que les mers et les océans, et particulièrement l'Atlantique, sont des voies de communication primordiales. Rappelons-nous de la Ligue de Délos ou de Rome: la mer Egée et la Méditerranée étaient-elles considérées comme des frontières, ou bien comme un nœud au cœur de l'empire?
De même, à l'est, le passage de l'Europe à l'Asie se fait progressivement. Imaginons plutôt deux couleurs, "pures" au niveau de l'Atlantique et du Pacifique, et qui se mélangent progressivement au coeur du continent Eurasiatique.
Il est bien entendu que ces distinctions d'Europe et d'Asie sont des notions démographiques, culturelles, politiques, économiques et absolument pas physiques (au rapport de la tectonique des plaques, l'Italie serait africaine il me semble...)

égéa : vous avez raison dans vos commentaires. Oui, la frontière est une invention, tout comme l'identité ou la Nation ou tout un tas d'ustensiles des États modernes. Mais puisqu'il n'y a plus de monarchie de droit divin, qui combinait le lien personnel et la fonction religieuse, il faut bien des adjuvants pour organiser le lien social.

La frontière, telle que vous la décrivez, se résume à une frontière linéaire. On sait (Michel Foucher) qu'il y a d'autre acceptions de la frontière : front pionnier, confins, zone incertaine.

Enfin, l'Italie apparient bien à la plaque eurasique. Mais il faut se méfier de la conjonction entre les plaques tectoniques et les continents : se reporter à l'excellent Grataloup, "L'invention des continents".

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