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Mers de Chine non calines

La douceur de l'été ne doit pas cacher à l'observateur un certain nombre d'évolutions sensibles, à l'Est, toujours plus à l'Est. Il s'agit en fait du nouveau tour de la relation sino-américaine.

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En effet, alors que chacun commente l'affaire wikileaks ou les embarras de politique intérieure américaine, on assiste à un durcissement américain dans cette région du monde qui n'est peut-être pas seulement symbolique.

Plusiseurs signes, en effet, marquent la volonté américaine de poser des barrières à la Chine et de freiner son expansion "géopolitique" qui passe, d'abord, par la domination de ses confins maritimes.

1/ Notons tout d'abord ce qui intéresse au premier chef la communauté stratégique : les manoeuvres navales américano coréennes, en mer jaune, sur les lieux où une corvette sud-coréenne a récemment coulé. Un rapport international suggère que la faute en revient à un sous-marin nord-coréen, même si un rapport russe récent met en doute cette version. Il reste qu'on peut voir là un effet du raidissement entre les deux Corée. Pourtant, il y a plus, car ces manoeuvres sont un défi à Pékin qui n'aime pas voir les navires américains dans cette région du monde.

2/ Autre chiffon rouge : la livraison, plus précoce que prévu, de matériel militaire à Tai Wan (deux frégates) est une remise en cause de la doctrine traditionnelle de Pékin sur l'île rebelle.

3/ Le passage du porte-avions "Georges Washngton" à Hanoï (accompagné de l'annonce d'un transfert de technologie nucléaire) manifeste que le Viet Nâm est devenu un quasi allié des Etats-Unis dans la région. Comme quoi, faire la guerre permet de se connaître....

4/ Tout ceci vient couronner l'annonce effectuée le 23 juillet lors d'un sommet ce l'ASEAN par Hillary Clinton, lorsqu'elle a dit que les Etats-Unis avaient des intérêts nationaux (core interest) dans la zone et qu'elle déniait le droit de toute nation de s'attribuer une compétence exlusive. Est ici visée la revendication chinosie sur les Spratleys et les Paracels.

5/ Est-il enfin anodin de voir le premier ministre japonais regretter officiellement la colonisation japonaise en Corée ? les esprits chagrins diront que c'est insuffisant et que ça n'ouvre pas la question des réparations, que cela ne mentionne pas la Corée du nord, que ce n'est pas forcément nouveau... Peut-être, mais le timing n'est pas anodin, surtout après la dispute nippo-américaine autour d'Okinawa. Autrement dit, le Japon soutiendrait indirectement l'offensive diplomatique en cours.

Car il semble bien qu'un certain nombre de voisins se satisfont de l'initiative américaine face à un voisin chinois qui devient très puissant et a l'inconvénient d'être très proche. Cela sanctionnerait l'activisme chinois sur ses marges orientales, c'est-à-dire ses confins maritimes : vers le nord (Corée et mer jaune), vers l'Est (ile Senkaku japonaise et Tai Wan), vers le sud (Paracels et Spratleys).

Dans le même temps, on voit bien la priorité de la diplomatie obamienne, tournée vers son Occident, au-delà du Pacifique. Bien loin de l'Asie centrale, en fait.

Réf

O. Kempf

Commentaires

1. Le mercredi 11 août 2010, 18:10 par Thibault Lamidel

Bonsoir,

Dans l'endiguement américain, il faut peut être aussi y inclure la Mongolie. Ce pays dans l'Océan terrestre qu'est le nord de l'Eurasie va considérablement inquiéter les dirigeants chinois. Et montrer que la Chine est bien encercler.

J'inclurais dans le même ordre d'idée l'Indochine renaissante. Pour rééquilibrer leurs rapports avec la Chine et faire autant que possible un contrepoids stratégique, les anciennes colonies françaises se rapprochent, notamment par l'économie. La France aurait-elle créer à nouveau, sans vraiment le penser, une identité ? A l'image de l'Algérie, qui, rappelons le, est un nom de pure création française à partir du nom de la ville d'Alger (le territoire aurait pu logiquement s'appeler la Numidie).
J'ai perdu l'article de presse qui mettait le renouveau indochinois en avant. Mais une petite recherche sur internet permet d'apprécier le renouveau de l'expression.

Enfin, étant un grand adepte des "actions réciproques" tel que définies par l'Amiral Raeder, je note une chose : le basculement du centre de gravité géostratégique et géopolitique de l'Europe et Moyen-Orient, vers l'Asie (du sud-est) a pour conséquence naval de voir peut être le départ de tout porte-avions américains de l'Atlantique pour le Pacifique. En son temps, une telle manoeuvre avait nécessité des accords entre les anglais et les japonnais, et les anglais et les français pour respectivement protéger les axes impériaux anglais dans le Pacifique Nord et la Méditerranée Occidentale. Le basculement américain explique peut être le retour de la France dans l'OTAN, et plus globalement, d'une gouvernance plus ouverte pour gérer les problèmes européens. Ce qui favorisera l'émergence de l'Europe de la Défense pour protéger ce dernier continent. Et peut être alors, nous assisterons à un départ quasi complet de le Marine Américaine de l'Atlantique Nord pour le Pacifique. Je pense notamment au 40% de la sous-marinade américaine qui se trouve encore en Atlantique.

2. Le mercredi 11 août 2010, 18:10 par

Je suis complètement d'accord. Les risques de conflits inter-étatiques (armés ou non) à grande échelle sont loin d'être nuls en Asie.
Les commentateurs regardent beaucoup trop vers l'Afghanistan/Pakistan pour extrapoler un éventuel avenir stratégique occidental. Les enjeux stratégiques sont au moins autant autour de la Chine (géopolitiques et économiques), en Afrique (approvisionnements), et surtout au Moyen-Orient (notamment pour les Européens).

3. Le mercredi 11 août 2010, 18:10 par starshiy

Bonjour
Mon professeur "maritime" en DEA de Défense et relations internationales à Nantes... hier dans les années 80 nous parlait déjà d'un basculement du centre économique du monde vers le Pacifique
Géostratégie des Océans d'Andre VIGARIE, ISBN 286878-051-2 Paradigme 1990
Le chapitre 10 avec en première ligne la citation de John M. HAY de 1898 (oui, 1898!) est révélatrice:
" la mer Méditerranée est l'océan d'hier, l'Atlantique celui d'aujourd'hui, et le Pacifique celui de demain"
Cordialement

4. Le mercredi 11 août 2010, 18:10 par Thibault Lamidel

Relire aussi "The Problem of Asia" d'Alfred Mahan de 1898 si je ne m'abuse. Texte compact, aride et rigoureux, mais qui explicite très bien les relations stratégique de l'Asie. Et le déplacement futur du centre de gravité du monde...

5. Le mercredi 11 août 2010, 18:10 par yves cadiou

Les géopoliticiens de ce blog sauront certainement nous donner des avis pertinents concernant le risque que peut représenter la relation sino-américaine.

Celle-ci semble, d’après ce que vous écrivez, un peu tendue. Pour atténuer cette impression de tension l’on peut se reporter, cher Monsieur Kempf, à ce que vous écriviez le 5 mai dernier : « le dispositif géopolitique chinois est aujourd'hui plus préoccupé de questions de proximité (aux quatre coins de la Chine) que d'une grande géopolitique mondiale. » http://www.egeablog.net/dotclear/in...

Avant même les questions de proximité, la Chine est préoccupée par son développement économique et sa stabilité intérieurs. Notamment elle tente de se construire un marché domestique fondé sur une demande soutenue par une classe moyenne en progression.

Sans être du tout un spécialiste de l'Asie, je perçois que la Chine vit actuellement une "révolution industrielle" dont les conséquences sociales sont comparables à ce que fut notre propre révolution industrielle en Europe au XIXème siècle : exode rural, création d'un prolétariat banlieusard coupé de ses repères traditionnels, prolétariat déçu qui sera désespéré à la première récession, devenant par conséquent sensible à n'importe quelle idéologie organisée et vindicative : risque de violent déséquilibre interne. L’on a beaucoup dit que nos expéditions coloniales du XIX° siècle servaient d’exutoire à nos propres tensions internes. Si ce point de vue est exact et si la situation est comparable, alors on peut craindre des heurts dans la relation sino-américaine.

La différence est que cette fois, les révolutions et désordres qui se sont succédé chez nous au XIXème siècle ne concernent plus seulement la petite péninsule européenne mais "l'Empire du Milieu" qui est le quart de la population d'un monde globalisé.

Par conséquent, pour revenir à ces mers non câlines, la Chine n'est probablement pas une menace au sens où on l'entendait au siècle dernier, c’est-à-dire un Etat qui voudrait dominer le monde par une surpuissance militaire massive.

Mais elle constitue pour nous indirectement un danger potentiel de deux façons : parce que ses futurs (et éventuels) remous internes pourront créer des déséquilibres extérieurs qui nous secoueront et parce qu’aussi, comme on le voit sur votre billet, il faut compter avec la Superpuissance du siècle passé, les Etats-Unis.

L'on peut aisément imaginer que la Chine devra se défendre contre cette ex-superpuissance devenue agressive par des crispations post-hégémoniques habillées de n'importe quel prétexte nommé par exemple "Axe du Mal" ou "Arc de Crise" ou "Choc des Civilisations". Pour les Etats-Unis un conflit extérieur, de type « guerre froide » contre un ennemi clairement identifié, avec de temps en temps une crise de type « Cuba 1961 » ou « Corée 1950 / 53 » serait un moyen d’offrir un dérivatif à leurs problèmes de cohésion interne créés notamment par la montée en puissance économique et démographique des hispano.

A la question que l’on se pose tous plus ou moins ouvertement "faut-il craindre la Chine ?" la réponse est sans doute "non" en tant qu’Etat. Mais il faut craindre d’une part une déstabilisation interne de la Chine et d’autre part il faut craindre que la Chine soit perçue comme une menace par la Superpuissance qui a pris l'habitude de dominer le monde. D’autant que les Etats-Unis trouveraient dans un conflit extérieur un moyen d’atténuer les tensions centrifuges qui menacent leur cohésion. C’est une explication possible du durcissement américain dans cette région du monde.

Dans cet environnement international, la France et l'Europe, à condition qu'elles soient non-alignées, peuvent et doivent jouer un rôle stabilisateur.

égéa : Je ne vois pas de contradiction entre les questions de proximité, qui orientent selon moi la GP chinoise (fors bien sûr la question de l'approvisionnement enr essources), et ce billet : les mers de Chine (que je mets au pluriel, l'aurez-vous remarqué?) constituent la bande de mille kilomètres d'eaux au large des côtes chinoises (allant plus loin au sud, vers la méditerranée entre Viet Nam, Philippines et Malaisie) : il s'agit encorte de proximité, rendue d'autant plus sensible que la majorité de la population chinoise vit sur les côtes, voir cette carte).
Pour le reste, je ne peux que vous suivre : la vraie question vient des déséquilibres internes, en premier lieu à la Chine (moins solide qu'on ne le dit et dont il faut relativiser la puissance), mais aussi des Etats-Unis en déclin relatif (même si là encore, il ne faut pas trop minorer leur influence : ils partent de bien haut).
Cela risque-t-il de dégénérer ? à court terme, je ne le crois pas car le décalage de puissance militaire est encore à l'avantage net de Washington. Mais une crispation pourrait fort bien se cristalliser en quelque chose de violent et non maîtrisé. N'oublions pas enfin les achats d'armement de la région, en hausse continue et marquée depuis une dizaine d'année.

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