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Poiltico-militaire

Avez-vous remarqué ? les pros parlent dorénavant de "politico-militaire" et non de stratégique. Autrefois, la stratégie était soit générale, soit militaire.

On s'interrogeait sur le fond.

En évoquant le politico-militaire, on s'intéresse à la frontière, à la coordination de deux domaines organiques : il ne s'agits plus du quoi, mais du comment. Comme si le "politique" était un, le "militaire" aussi, et que la difficulté consistait à les faire se rencontrer.

Signe de la déreliction du politique? du militaire ? de la complexité des affaires du monde ?

O. Kempf

Commentaires

1. Le jeudi 7 octobre 2010, 18:35 par Christophe Richard

Bonsoir,
Juste une idée comme ça en passant...
Ce faisant, on identifie ces sphères militaires et politiques aux hommes qui les incarnent et qui précisément discutent entre eux des sujets de ce "niveau"...
Il s'agit des hommes, pas du fond de leurs discussions...
Une sorte de peoplisation de la stratégie
Mais ce n'est qu'une idée comme ça en passant.

Bien cordialement

2. Le jeudi 7 octobre 2010, 18:35 par

Intéressant, pour ma part, je prendrais le problème dans l'autre sens. Le politico-militaire est justement une espèce de fusion de deux domaines, alors qu'avant chacun avait son périmètre fonctionnel et ses prérogatives et se consultaient quand il fallait. Aujourd'hui, le "politique" grignote sur le "militaire", car le concept du "politico-militaire" est une invention civile. De la sorte, le militaire est absolument subordonné au point que son visage et son expertise est complètement obstrué par le politique - qui se positionne sans état d'âme sur des questions militaires - et il n'a que très marginalement voix au chapitre.

3. Le jeudi 7 octobre 2010, 18:35 par yves cadiou

Vous avez dit déréliction ? Comme c’est bizarre.
On observe la propension d’Olivier Kempf à utiliser des mots rares ou sortis de leur domaine habituel : oxymore, sagace, isolat, géopolitologue (on guette l’arrivée de la géopolitologie en attendant le jour où les garagistes seront mécanologues, dispensés de mettre les mains dans le cambouis), matrice, délétère, et maintenant voici cette déréliction que je ne parviens à écrire d’un coup qu’en copier-coller. Peut-être Olivier veut-il mettre à l’épreuve les traducteurs d’E-blog.

Peut-être aussi veut-il scinder son lectorat : ceux qui comprennent, ceux qui croient comprendre et ceux qui ont conscience de ne pas comprendre. On peut scinder en trois, j’ai vérifié, et même en quatre : parmi ceux qui ont conscience de ne pas comprendre, il y a ensuite ceux qui cherchent et ceux qui ne cherchent pas. En cette époque où « résilience » est à la mode, les mots constituent un parcours d’obstacles utile pour tester la ténacité des participants.

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Mais revenons au sujet : le Politique et le Soldat. En France actuellement, nous sommes à cet égard dans une situation comparable à celle de la Quatrième République : le Politique, incapable de prendre une décision quant à une guerre lointaine, espère que le Soldat lui fournira la solution.

Situation comparable en partie seulement, parce qu’à l’époque le Politique disposait d’un prétexte pour ne rien décider : la préservation de l’Empire justifiait l’immobilisme. Aujourd’hui c’est comparable mais pire parce que notre gouvernement se montre à la fois incapable de retirer les troupes françaises d’Afghanistan et incapable d’expliquer pourquoi il les maintient.

A ce sujet j’ai écrit il y a un mois un petit article sur le forum de La Saint-Cyrienne, article qui reste valable aujourd’hui et qui semble destiné à rester valable encore un moment :

« … Toutefois (le Soldat doit rester) prudent sur la justification de notre présence militaire en Afghanistan du fait que le débat maintenant en France évolue insidieusement, et évoluera de plus en plus, vers l'histoire du "chapeau qui cherche une tête". Depuis le début notre personnel politique, opposition comme gouvernement, n’a pas été brillant (c’est une litote, un understatement comme on dit de nos jours) et se préoccupe surtout désormais d'esquiver sa responsabilité passée ou présente.

L’on voit sur divers blogs un glissement qui amène les militaires à expliquer les motifs politiques de notre présence en Afghanistan. Mais les explications politiques incombent au personnel politique et non aux militaires. Ceux-ci, habitués à analyser l’environnement dans lequel se situe leur action et surtout les risques personnels qu’ils prennent, semblent maintenant céder à la tentation d’expliquer à leur tour les motifs politiques de leur action (lutte contre le terrorisme, l’obscurantisme, etc, je n’y reviens pas).

Au regard de la place du Soldat dans la Nation, prendre ainsi à son compte l’incohérence politique dont je parlais plus haut, c’est s’exposer à "porter le chapeau" d’une faute qui est politique, uniquement politique, et dont seul le personnel politique doit rendre compte : celle du maintien sans justification valable de la présence militaire française en Afghanistan. »

Ce qui précède, je l’écrivais il y a un mois sur le site de La Saint-Cyrienne http://www.saint-cyr.org/forum/view... et aussi ailleurs, en des termes un peu différents mais identiques pour le fond.

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Par conséquent la réponse à la question finale de votre présent billet, cher Olivier Kempf, c’est qu’il s’agit dans notre Pays de la vieille habitude politicienne qui consiste à esquiver ses responsabilités, vieille habitude qui a fait tant de dégâts sous la Quatrième République et qui revient périodiquement, nonobstant des institutions plus solides qu’autrefois.

La difficulté de coordination de deux domaines organiques résulte de ce que l’un de des deux acteurs ne joue pas le jeu. Pour compenser cette défection du Politique il incombe maintenant au Soldat, et surtout à ses sympathisants car le Soldat est occupé ailleurs, d’exiger que les décideurs politiques assument le mandat qu’ils ont sollicité du Peuple.

Que les décideurs politiques prennent une décision concernant notre présence en Afghanistan. Qu’ils le fassent sans espérer que quelqu’un endossera pour eux la responsabilité qui leur incombe et qu’ils tentent d’esquiver.

égéa : et volà qu'on me traite de fétide.... comme on disait dans mon jargon d'étudiant pour évoquer ces beaux parleurs qui utilisent des mots compliqués et prétnetieux... j'adore les rappels à l'ordre, surtout quand ils sont amicaux.
Donc, plus de déréliction (même si j'aiappris ça en classe de seconde, de mémoire, lorsuqe ma prof de franaçis nous enseignait Baudelaire....).
Oxymore, je m'en suis moqué, convenez en... De même, je déteste paradigme, impacter, implication, .....
Sagace... c'est un mot traditionnel, même s'il est un peu oublié (j'en admets une certaine pédanterie).
Géopolitologue : je m'en suis expliqué mille fois, pas assez visiblement : l'analyste appartient forcément à l'ordre du logos, quand le praticien est dans l'action. On distingue bien politicien de politologue... donc "mutatis mutandis" (ouarffff....) on applique la même règle pour la géopolitique.

4. Le jeudi 7 octobre 2010, 18:35 par

A Yves Cadiou :

Certains garagistes se labélisent (s'autolabélisent ?) déjà autologistes, le saviez-vous ? :)

5. Le jeudi 7 octobre 2010, 18:35 par

Maintenant que vous en parlez, cher Olivier Kempf, je me souviens en effet de l’expression « baratin fétide » pour dire « verbiage » ou « phraséologie ». Mais l’emploi de mots rares n’est pas nécessairement « fétide », le rédacteur peut en attendre un effet positif : par exemple dans les concours à l’écrit, ça permet de réveiller le correcteur qui vient de lire cinquante copies, c’est-à-dire subir cinquante fois les mêmes banalités sur le même sujet. A l’oral, bien utilisé, ça équivaut à l’effet de manches de l’avocat : ça fait du volume et ça n’engage à rien.

Il n’y avait dans ma précédente intervention aucune idée de « rappel à l’ordre » (je ne me serais pas permis) ni aucune contestation des mots employés. Juste un écho au « nonobstant » sur lequel vous aviez attiré l’attention quelques semaines plus tôt.

« Paradigme » commence à passer de mode. Le phénomène est cyclique et vient de loin : c’est vers 1650 que l’on ironisait aux dépens de ceux qui « voituraient les commodités de la conversation ».
Vous notez « impacter », il est cité comme un exemple de « buzzword » par wikipedia (j’en profite pour placer opportunément que l’effet de l’impact dépend de la « résilience » n'est-ce pas). L’emploi de nouveaux verbes du premier groupe, probablement autant pour simplifier la conjugaison que pour faire du volume, est un effet de style qui mérite, lui, le qualificatif de « fétide » : solutionner au lieu de résoudre, finaliser au lieu de finir. L’on disait « baratin fétide » à une époque où l’on suscitait des sourires narquois en utilisant des mots qui par la suite sont pourtant devenus obligatoires : méthodologie au lieu de méthode, problématique au lieu de question.

Pour revenir au politico-militaire qui est l’objet de ce billet, voici une formule que j’ai entendue moi-même à l’amphi Foch dans les années 80, sur le vieillissement des Mirage IV : « la composante-air de notre dissuasion intègre un vecteur en voie d’obsolescence ». On a attendu d’être sortis pour éclater de rire. De nos jours, on écrirait lol, ou mdr, texto.

égéa : si obsolescence exhale son anglais à plein nez, convenons qu'obsolète est plus précis que "dépassé". 

Problématique : vous avez raison. Je sabre mes étudiants ou les jeunes officiers qui viennent passer des colles quand ils me balancent : "deuxième problématique, ..." comme s'il pouvait y avoir plusieurs problématiques dans un même sujet...!

Lacunaire a eu son heure de gloire, "espace lacunaire" renvoyant, dans l'imaginaire, aux paysages vénitiens.... (lol). Manœuvre vectorielle, non, car personne n'a jamais compris ce que ça signifiait (trop brillant).

6. Le jeudi 7 octobre 2010, 18:35 par Jean-Pierre Gambotti

Pour ma part je trouve cette formulation appropriée et plutôt subtile.
Appropriée, parce qu’elle est en ligne avec les Instructions 1000 et 4000 : en amont est le politique, second est le militaire, deux sphères sécantes dont le champ commun est le lieu du « pol-mil » qui produit la Directive initiale de planification (DIP). Et pour faire bref, disons que l’évocation du politico –militaire permet de rappeler la filiation de la stratégie opérationnelle à la stratégie générale militaire, elle-même fille de la stratégie globale.
Mais subtile, car en martelant la nature politico-militaire prépondérante de la stratégie qu’il mène, le soldat rappelle, en maniant finement l’antiphrase, que ces guerres-là ne sont pas seulement de nature militaire. Que la stratégie globale se décline en stratégies générales et que tous les domaines de la politique des Etats sont concernés : économie, diplomatie, reconstruction…Que sur ces théâtres, systèmes de systèmes, le politico-militaire seul est voué à l’échec et qu’il faut enfin investir sur le politico-économique, le politico-diplomatique, le politico-politique (…) pour que la stratégie résultante soit pertinente et victorieuse.
Vox clamantis in deserto....
Très cordialement.
Jean-Pierre Gambotti

7. Le jeudi 7 octobre 2010, 18:35 par oodbae

Bonjour,
pour ceux de la troisième caste des lecteurs selon Yves Cadiou, voici la définition de "déréliction" par le CNTRL:

"solitude morale, en particulier par rapport à Dieu".

Voilà, comme ca, on se couchera moins en déréliction et un peu plus savant ce soir. Et pour prolonger le débat, pensez vous que : "plus de déréliction éteint, tandis que, plus d'érection est un délit" :-) passerait dans un San Antonio?
Cordialement

égéa          OUARFFFFFF !!!!! (désolé, je ne pratique pas les texto, et ma seule culture illustrative reste la bande dessinée)

8. Le jeudi 7 octobre 2010, 18:35 par yves cadiou

Nous avons tous remarqué, bien sûr, qu’Olivier Kempf a inséré dans son titre un test insidieux mais en parfaite adéquation avec le sujet.
Lorsque l’on est amené à fréquenter le personnel politique, l’on doit observer et interpréter chaque détail tout en semblant parfaitement détendu : telle est certainement la signification subliminale de ce POILtico-militaire.

égéa : Yves, vous coupez les cheveux en quatre !

9. Le jeudi 7 octobre 2010, 18:35 par Cadfannan

Ne serait-ce pas une façon aussi d'éviter de trancher que de mélanger ainsi les mots? Comme le dit Yves Cadiou, lorsque les décideurs n'assument pas leurs responsabilités, les limites de celles-ci deviennent floues. Ainsi, l'emploi du terme politico-militaire est-il peut-être aussi la conséquence d'une confusion entre les domaines lorsque l'on ne sait pas très bien qui a la responsabilité de quoi.
D'autre part, parler de domaine stratégique suppose qu'on ait une stratégie... Le terme politique est davantage tourné vers l'intérieur, vers soi, tandis que la stratégie est une dialectique, l'autre y a toute sa place. Parler de domaine politico-militaire évacue le rapport à l'Autre, ce qui est assez symptomatique de la réflexion technocentrée de ces dernières années, et pas seulement en ce qui concerne la géopolitique. La fascination pour la technologie et l'individualisme narcissique grandissant de notre société rendent l'Autre de plus en plus étranger, et il devient donc de plus en plus inconfortable intellectuellement de le prendre en compte dans la réflexion.

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