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France, acteur central en Europe

Le seul partenaire stratégique des Etats-Unis en Europe demeure donc la France.......

Faut-il redire "madame la France" ?

C'est un moment unique qui mérite qu'on s'y attarde. En effet, il y avait toujours jusqu'à présent un "meilleur élève de la classe" qui se mettait devant. Il y avait également la concurrence traditionnelle des deux universalismes (le français et l'américain), qui a été suffisamment décrite pour qu'il ne soit pas besoin d'y revenir.

Or, ces deux facteurs se sont affaiblis pour arriver au résultat actuel.

1/ L'affaiblissement des autres "meilleurs élèves"

  • traditionnellement, en Europe, les grands acteurs du XX° siècle (hors donc l'empire espagnol ou l'empire austro-hongrois, hors enfin la Russie qu'on admettra en marge de l'Europe même si elle lui est fortement associée) sont l'Allemagne, la Grande-Bretagne et la France. Ce trépied a souvent été en rivalité, avec un binôme anglo-allemand au long du XIX°, un binôme franco-anglais au début du XX°, un binôme franco-allemand depuis la 2GM. Toutefois, ce dernier binôme était compensé par un double facteur :
  • d'une part, la Grande Bretagne perdurait sa puissance passée en devenant "l'allié loyal" des Etats-Unis, le "brillant second"; d'autre part, le moteur franco-allemand existait dans l'ordre économique voire politique, mais pas dans l'ordre militaire : la souveraineté militaire allemande n'existait que dans le cadre otanien, et la RFA a toujours voulu jouer dans ce cadre le rôle de meilleur élève.

2/ Que se passe-t-il aujourd'hui ?

  • une Grande Bretagne qui désarme radicalement, et une Allemagne qui est déjà à des niveaux fort bas, qui souhaite poursuivre et qui refuse des interventions actives (cf. le débat sur leur intervention en Afghanistan). (voir billet)
  • La France au contraire maintient vaille que vaille son effort de défense, participe activement à l'Afghanistan, a un porte-avion et une arme nucléaire..... Indépendamment de tout atlantisme, il faut bien remarquer que la ligne actuelle place la France en tête en Europe
  • enfin, cette situation est compensée par une politique active en direction de la Russie (cf. le sommet récent à Deauville) qui vise à une intégration de Moscou dans le système européen élargi. Bref, il s'agit plus du résultat des circonstances que d'une politique très active : je me méfierais donc à la nommer "atlantisme", même si beaucoup de commentateurs la décriront ainsi,pas forcément par esprit polémique.

3/ L'autre grand facteur tient à l'affaiblissement des grands universalismes

  • car si l'universalisme français est en crise (francophonie, françafrique, ...), l'américain l'est également, à la suite du bushisme et malgré le regain obamien : les Tea parties marquent le raidissement d'une société qui a perdu confiance en elle, et donc son soft power, sans même parler du défi chinois.
  • ce déclin collectif (américain, européen, français) est révélé par la crise économique qui démontre la tendance déflationniste des hyper-consommateurs occidentaux. La domination occidentale est contestée

4/ C'est donc un borgne au milieu d'un champ d'aveugles européens qui se retrouve finalement debout : la France, seul Mars européen au milieu de nombreuses Vénus vieillies.

  • Car il ne faut pas gâcher son plaisir : elle a de vrais atouts qui contrebattent la thèse du déclin, complaisamment ritournellée par les prophètes qui prennent peu de risques et annoncer le malheur :
  • une démographie encore vaillante (ce qui fait la richesse de la France, ce sont les Français, leur nombre mais aussi leurs qualités - formation, productivité et même un certain style de vie), des amortisseurs sociaux qui ont permis d'absorber la crise, quelques points forts (agro-alimentaire même si la fin de la PAC en 2013 est un saut dans l'inconnu, tourisme et patrimoine, infrastructures, technologies de pointe, industrie du luxe, ...), un variantement des approvisionnements énergétiques, et une cohésion nationale qui demeure encore un point fort.

5/ Dès lors, sans l'avoir vraiment voulu, presque malgré elle, la France se trouve dans une position géopolitique finalement favorable : c'est d'ailleurs probablement parce qu'elle ne l'a pas voulue qu'elle y est arrivée. IL reste donc à exploiter la possibilité d'un lien privilégié avec les États-Unis, maintenir l'axe Paris Berlin Moscou, s'ouvrir enfin à sa façade maritime et conserver le dispositif militaire pour, par contournement, réussir à rebâtir une Europe sans l'avoir vraiment voulu, quarante ans après l'avoir trop voulu.

Ce serait le miracle d'une manœuvre indirecte trouvée par hasard : une stratégie qui aurait réussi à contourner les autres car elle a contourné les Français eux-mêmes.....

Bine évidemment, ce pronostic fort optimiste est gagé sur le pari qu'il n'y aura aucun accident :pour le coup, voici une anticipation bien aventureuse, qui relativise immédiatement tout ce que je viens d'écrire : mais n'est-ce pas, la chose est si rare qu'elle valait la peine d'être notée....

O. Kempf

NB : vous pouvez maintenant twiter les billets d'égéa directement... miraculeux, non?

Commentaires

1. Le jeudi 21 octobre 2010, 22:01 par yves cadiou

Le ton positif de votre « point de situation » nous change agréablement du sempiternel thème du « mal français », de la « mélancolie française », du « c’était mieux avant », etc. L’on voit cependant que vous mettez deux bémols qui méritent d’être pointés dans votre partition.

D’abord, ce n’est pas nécessairement une position flatteuse ni conforme à notre vocation que d’être « meilleur élève de la classe » quand le maître en est l’Uncle SAm. Mais chacun en pense ce qu’il veut, on prend acte de la situation.
.

Ensuite, ces quelques petits mots discrets et incidents méritent d’être développés : c’est « sans l'avoir vraiment voulu, presque malgré elle » que la France se trouve dans une position géopolitique finalement favorable.

Il est vrai que depuis quarante ans, nous n’avons guère eu de projet politique porté par une large majorité des Français. Depuis quarante ans, aucune des grandes décisions qui font notre force aujourd’hui ne furent démocratiquement décidées sur la base d’un programme politique approuvé par les urnes mais au contraire les citoyens ont pu seulement constater le fait accompli. Ce qui n’empêche pas qu’ils ont souvent été contents du résultat des décisions prises sans eux. Les décisions furent soit technocratiques (l’électricité nucléaire, le TGV, le réseau routier), soit européennes (l’agriculture), soit privées (prises par les conseils d’administration de Sociétés qui ont développé par exemple la puissance de notre industrie pharmaceutique et celle de nos banques), soit tout ça à la fois (le spatial, airbus). Concernant l’armée, outil important de la géopolitique, l’on constate que sa professionnalisation, commencée en 1970 puis continuée jusqu’à une « suspension du service national » en 1997, n’a jamais résulté d’un projet politique présenté aux Français mais d’une série de calculs politiciens à court terme et de petites décisions successives prises « dans la foulée » les unes des autres.

L’on croit deviner de votre part une certaine dérision envers les décideurs politiques français lorsqu’on lit que selon vous cette « position géopolitique finalement favorable (de la France), c'est d'ailleurs probablement parce qu’elle ne l'a pas voulue qu'elle y est arrivée. »

Le raisonnement que j’ai formulé ci-dessus m’amène à une conclusion audacieuse voire impertinente : on peut se féliciter sincèrement de voir que notre Pays ne fonctionne pas trop mal mais on ne peut pas se cacher que la Démocratie y est une façade, un thème de discours, une convention incontournable, sans y être réellement au pouvoir.
égéa : il va de soi que je vous laisse penser ce que vous voulez....

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