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Alsace-Lorraine

"Ils n'auront pas l'Alsace et la Lorraine".

Oui, bien sûr, ils l'avaient déjà !

L'Alsace - Lorraine a été un aspect fondamental de la géopolitique française : tout d'abord parce que ça a relancé, par compensation, la colonisation africaine ;

Surtout, la question a accompagné la construction politique de la III° République : son occupation en 1870 a fait que la France, d'une certaine façon, sort du 19° siècle : celui où elle ne cesse d'hésiter entre Royauté et République (vraie question géopolitique, en passant), celle aussi du Congrès de Vienne où l'Europe la contrôle pour éviter qu'un nouveau Napoléon ne surgisse, selon le check and balance anglais.

Pour la France, contrairement à ce qu'il est souvent affirmé, le 20° siècle commence en 1870, quand l'alliance avec l'Angleterre devient possible : une première depuis sept cents ans !

140 ans plus tard, cela demeure possible : nous le verrons peut-être au sommet de Londres du 2 novembre prochain.

O. Kempf

Commentaires

1. Le samedi 30 octobre 2010, 21:07 par

Bonjour,

Cette fracture de 1870 s'est aussi répercutée dans la sphère politique. Ainsi le colonialisme passera de droite à gauche (il reviendra à droite ensuite) au nom du devoir de la République d'éduquer les peuples soumis ou en retard. La droite, elle, n'aura de cesse de vouloir récupérer les provinces perdues, arguant que l'aventure outre-mer étant par trop dispendieuse de moyens financiers comme humains (ce que feu l'économiste Jacques Marseille démontrera dans un de ses ouvrages de référence).

Ce sera aussi une fracture géopolitique pour ces provinces : peu de Français comprennent ce qu'un Alsacien par exemple veut dire en parlant des <i>Français de l'intérieur</i>. Pourtant cette signification est grosse de sens et remonte à 1870 et accentuera le différentiel entre les provinces germanophones et le reste du pays. Sans compter que les progrès sociaux favorisés par Bismarck seront ignorés par les Français en 1919, souhaitant effacer toute trace de germanisme, y compris sur le plan juridique. Grossière erreur qui conduira à une violente réaction en retour! Ce sera la naissance du droit local...

Quant à un rapprochement anglo-français, ce ne serait pas le premier et il pourrait être fructueux (même si à titre personnel je suis plus germanophile)

Cordialement

2. Le samedi 30 octobre 2010, 21:07 par DanielB

Bonjour ,
Petite precision geographique : Les départements cédés en 1871 , Bismarck etait hesitant c'etait surtout Von Moltke qui voulait l'annexion , doivent être regroupés sous le terme d' " Alsace - Moselle " et non pas " Alsace Lorraine " .
http://fr.wikipedia.org/wiki/Alsace...
Sur le retour cahotique de l' AM dans la communauté nationale en 1919 évoquée par Yannick , lire " Les Illusions de la Gloire" de Raymond Tournoux . Cela a failli tourner à l'émeute , surtout qu'entre temps avait été votée en France la loi de separation entre l'Eglise et l'Etat .
La veritable orientation vers l'Angleterre date amha de la crise de Fachoda cad 1889 .
La periode correspondant au ministere Hanotaux n'est pas particulièrement Anglophile .
http://fr.wikipedia.org/wiki/Gabrie...
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On peut cependant en voir les debuts aussi sous Napoleon III avec la Guerre de Crimée .
@ Yannick : Superbe remarque sur les " Français de l'interieur "
Cordialement
Daniel BESSON

égéa : Oui pour l'Alsace Moselle : ayant vécu à Metz (et à Nancy et en Alsace) je vois très bien ce que vous voulez dire...

3. Le samedi 30 octobre 2010, 21:07 par yves cadiou

On note la faute de français : correctement, on devrait dire « vous n’aurez pas l’Alsace NI la Lorraine ». Petite faute grammaticale probablement volontaire pour signaler que les deux sont indissociables.
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Au-delà de l’incorrection grammaticale, la situation internationale de l’époque est pleine d’enseignements. L’alliance anglaise, qui était comme vous le signalez une nouveauté (des velléités existaient périodiquement depuis Louis-Philippe), n’était pas inéluctable : l’affaire de Fachoda (1898) aurait pu être l’occasion d’une rupture. J’imagine (on peut rêver) que la Troisième République aurait gagné la crise de Fachoda si elle avait compris à quel point les Anglais craignaient une entente franco-allemande sur le continent européen.
Napoléon III, peut-être parce qu’il était anglophile, n’avait pas vu que notre intérêt consistait à nous montrer bienveillants avec l’Allemagne en voie d’unification plutôt que montrer aux Allemands que la France était un adversaire. Un adversaire dangereux parce qu’instable à l’intérieur comme à l’extérieur : la politique étrangère de Napoléon III était particulièrement incohérente. La seule ligne directrice que l’on peut vaguement déceler dans la politique étrangère de Napoléon III est son souci de ne pas déplaire à ses amis anglais (sur ce point comme sur tous les autres l’on peut me contredire, c’est la règle du blog).
Voici un point de départ possible pour une uchronie : Napoléon III déteste les Anglais et de ce fait sa politique étrangère trouve une cohérence qui consiste à rabaisser l’Angleterre. Imaginez les conséquences, grandes et petites : la France parraine volontiers l’Allemagne naissante, il n’y a pas de guerre franco-allemande, c’est à l’invitation de Napoléon III que l’unité allemande est signée non à Versailles mais à Strasbourg ou à Compiègne (Jeanne d’Arc) ou à Boulogne, on n’a pas besoin de rapatrier les troupes coloniales pour la guerre de 1870, l’hymne de la Légion ne dit pas « pour les Belges, y en a plus », l’Alsace-Lorraine n’est pas un motif de conflit, et ainsi de suite.
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La Troisième République, revancharde par sentiment ou par calcul, n’a pas mieux vu : certes comme vous le dites, on a cessé d’hésiter entre Royauté et République. Mais le marxisme inquiétait : les manifs de l’époque, violentes, proclamant l’insurrection et la lutte finale, étaient autrement plus menaçantes que les gentils défilés d’aujourd’hui. L’irrédentisme français caractérisé par le slogan que vous citez « vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine » était rassembleur, utile pour neutraliser les idées et mots d’ordre de Marx et ses adeptes.
C’est dans la logique de ce slogan que la Troisième République a préféré l’alliance anglaise : Entente Cordiale en 1904, par la suite nettement tournée contre l’Allemagne avec la création d’une route, la RN43, reliant directement Calais à la frontière lorraine (à Sainte-Ruffine). Route significative parce qu’à l’époque peu de Nationales ne desservaient pas Paris.
La Troisième République n’a pas vu ou pas cru qu’une bonne entente avec l’Allemagne, en délaissant l’Angleterre qui était notre concurrent colonial, aurait été notre intérêt. De son côté l’Allemagne, pas très à l’aise sur sa frontière de l’est, aurait pu apprécier d’être tranquille à l’ouest. L’Entente Cordiale était rendue possible par la volonté gouvernementale de démoder « la lutte des classes » en fixant l’attention des Français sur la Ligne Bleue des Vosges. Mais en même temps revendiquer l’Alsace-Lorraine, même si ce n’était en fait qu’un calcul de politique intérieure, conduisait à atténuer notre dynamisme colonial. Ce qui arrangeait l’Angleterre.
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Tous les pouvoirs d’Europe ressentaient à l’époque la pression marxiste créée par une industrialisation massive dont nous captons assez bien l’ambiance grâce à Zola ou Aragon (les voyageurs de l’impériale). Chacun trouvait le dérivatif qu’il pouvait : pour nous ce fut l’Alsace-Lorraine.
Je fais volontiers comme vous commencer le XX° siècle français en 1870. J’ajoute qu’il en est de même pour tous les pays d’Europe avec la naissance de l’Allemagne. Et pour terminer mon commentaire en ouvrant sur un autre sujet, je demande à la cantonade : en quelle année le XX° siècle s’est-il terminé ?

égéa : entre 1989 et 1991, bien sûr. Certainement pas en 2001 ni en 2008.

4. Le samedi 30 octobre 2010, 21:07 par

Bonjour,

Il est instructif de constater qu'administrativement (en sus de juridiquement quant au droit local précité) le découpage des départements Lorrains n'a pas été modifié après le retour du "Reichsland" au sein de la République. Ce qui explique la forme particulièrement torturée du département de Meurthe et Moselle. J'avais même lu voici un temps que des élus avaient il y a peu demandé le retour de parcelles de forêt domaniale attribuées à l'Alsace et appartenant en réalité à la Lorraine (soit 1 700 hectares tout de même).

Récemment c'est la fusion des deux régions avec le comité Balladur qui a fait jaser et qui a été diversement appréciée des deux côtés de la ligne bleue des Vosges. Cette fracture a laissé des traces encore perceptible aujourd'hui sur les cartes... et dans les esprits.

Cordialement

5. Le samedi 30 octobre 2010, 21:07 par yves cadiou

« Pour la France, contrairement à ce qu'il est souvent affirmé, le 20° siècle commence en 1870. »
Voilà une affirmation qu’on aurait tort de laisser passer sans l’examiner d’un peu plus près : en réalité le XX° siècle commence en 1889. La question en elle-même est plutôt intellectualiste et le passage du XIX° siècle au XX° siècle ne revêt pas une importance particulière, j’en conviens. Mais actuellement nous vivons un changement d’époque qui n’est pas seulement un changement de millénaire : c’est surtout une redistribution des pouvoirs comparable à d’autres qui l’ont précédée. En se demandant pourquoi et comment la France a changé en 1889 (la France donc le monde, j’assume mon francocentrisme qui est une forme d’égocentrisme cartésien) on se demande quels sont les changements qui se produisent actuellement devant nos yeux éblouis et peut-être aveuglés.

En 1889, le changement technologique est illustré par la construction de la Tour Eiffel : le triomphe de l’acier a été noté par tous les commentateurs de l’époque et leurs successeurs. Mais l’acier était connu depuis longtemps même si sa production a été améliorée au XIX° siècle en quantité et en qualité.
Les plus importantes nouveautés que montre la Tour Eiffel sont paradoxalement plus discrètes et passées sous silence : à la construction empirique qui était la règle jusqu’à cette époque succède la construction sur plans. La Tour Eiffel, de même que de nombreux ponts métalliques de l’époque, ainsi que les navires en acier qui succèdent aux navires en bois, ne pouvaient plus être construits sans plans comme c’était la coutume.
De ce fait, c’est aussi le moment où les mathématiques cessent de se cantonner à des réflexions abstraites pour devenir concrètement utiles : le profil de la Tour Eiffel est une parabole, il est tracé selon une équation du second degré (vous savez : AXdeuxplusBXplusCgalzéro). Même si ça nous rappelle les souvenirs ennuyeux des cours de math au lycée, le moment de l’Histoire où ça devient visiblement utile (il était temps !) marque le passage du XIX° au XX° siècle.

Mais je m’en aperçois soudain : tout ça n’a aucun sens parce qu’un siècle, au fond, ça ne veut rien dire. Si nous avions six doigts à chaque main au lieu de cinq, nous compterions en système duodécimal et non décimal. Nos siècles, au lieu de durer 100 ans (10x10) dureraient 144 ans (12x12).
Je laisse les matheux faire le calcul : quel serait le millésime du siècle actuel si nous avions six doigts à chaque main ?

6. Le samedi 30 octobre 2010, 21:07 par oodbae

@cadiou,

je peux me tromper mais je crois que le millésime actuel, 2012, s'écrirait 1104 dans le système en base 12 que vous évoquez. Et ainsi, aucune personne n'aurait dépassé un siècle d'existence.
Et de plus, le reich millénaire aurait du être programmé pour durer 12³ ans, soit beaucoup d'années. Mais comme il n'a duré qu'à peine 10 ans de toute facon, ca ne change pas grand chose aux bouquins d'histoire. Cependant, ce qui me laisse bouche bée dans ce changement de base, c'est que le millénaire en base 12, soit 12³ années, s'écrirait quand même 1 0 0 0 an base 12, mais vaudrait 12³ années en base 10.
Par rapport aux histoires de siècles, elles sont typiques de la politique et du blabla pour remplir les journaux. On est entré deux fois dans le 3ième millénaire et tous les jours, tel ou tel politique exhorte le peuple à rentrer dans le 3éme millénaire en adoptant sa loi.
Plus précisément en ce qui concerne le 20ième siècle, j'ai souvent lu que la France et l'Europe sont entrées dans le 20ème siècle en 1914, lors de la "moisson" sanglante de la Meuse puis avec les dernières charges de cavalerie sabre au clair anéanties par les mitrailleuses et enfin avec la guerre totale où le soldat est broyé sous la machine des canons ( ca ressemble à une citation de Ernst Jung).

Bref, chacun voit midi à sa porte.

7. Le samedi 30 octobre 2010, 21:07 par Colin L&#39;hermet

@oodbae,
Bonjour !
N'y voyez aucune malice, mais je n'ai pas su m'empêcher de commenter :
"ce qui me laisse bouche bée (...), c'est que le millénaire (...) s'écrirait quand même 1 0 0 0 an".
Eeeuuuh.
C'est le fondement du changement de base(B): le "millénaire" c'est (10)puiss.3 justement parce que (B10).
Bref le (B)puiss.3 s'écrira toujours 1000, quel que soit B.
Ce qui vous épate avec 1000 c'est finalement qu'il continue de s'écrire 1000 ! Votre ébahissement semble surtout provenir de ce qu'on perd de vue ce que cache les mots.
Et si au lieu d'évoquer des "siècles" ou des "millénaires", on parlait plutôt d'"unité de temps de 2e et 3e ordre" ?
:(
La couverture de la legende des siècles de Hugo perdrait de sa lisibilité.
:)
Bien à vous,
Cl'H

8. Le samedi 30 octobre 2010, 21:07 par oodbae

@ colin

Ben oui, c'est le fondement, peut-être mais c'est ce qui me laisse bouche bée! On change de base mais ca s'écrit pareillement. En cela réside la beauté des mathématiques, à savoir qu'elles proposent des résultats invariants, quelque soit la base, la langue, la culture. En cela, les mathématiques sont un art, comme la peinture ou la musique instrumentale.
On ne peut pas en dire autant des concepts "politiques", tels que "control" ou "global" (http://www.egeablog.net/dotclear/in...), ni même des lois d'un pays qui changent dès qu'on passe la frontière ou que le gouvernement tombe.

Ne vous inquiétez pas, je ne vois aucune malice dans votre réponse. La malice est dans notre hypothèse que le millénaire ne s'entend pas comme neuf cent quatre dix neuf + un, mais comme le dépassement du nombre maximal écrit avec trois chiffres, quelque soit la base.

cordialement,

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