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Armée de mer

Juste de retour après deux trois jours d'absence, et un léger pb sur le blog, enfin réparé.

Dans un de ses commentaires, Th. Lamidel parle de l'armée de mer : je ne lui reprocherai pas, puisque j'utilise, moi-aussi, de temps à autres, cette expression.

Elle était de coutume (relisez l'appel du 18 juin), jusque dans les années 1960. Depuis les années 1980, les marins sont très susceptibles et ne parlent que de Marine Nationale : effet de la diplomatie navale ? effet de l'action de l'Etat en mer et volonté de se dégager d'une tutelle militaire trop stricte, par rapport à d'éventuelles marges de manœuvres que donnerait l'interministériel ? prescience de la dimension de "sécurité" nationale de la défense, qui ne peut se cantonner à de seuls aspects militaires ? habitude des espaces lisses, forcément commerciaux, et expérience précoce de la complexité de l'espace maritime ?

Un peu de tout cela à la fois, sans doute. Mais dites à un marin "armée de mer", pas de doute, il tiquera.

O. Kempf

Commentaires

1. Le samedi 15 janvier 2011, 15:17 par SD

"Mais dites à un marin "armée de mer", pas de doute, il tiquera." Pour les joueurs, il y a "mon général" à un amiral...

2. Le samedi 15 janvier 2011, 15:17 par vincent

Bonsoir...

Non je ne tiquerai pas car le terme existe toujours officiellement mais il est certes peu usité.
Vous avez cité toutes les raisons dans votre post: je ne vois pas d'autres arguments à rajouter aux votre si ce n'est que dans l'histoire elle s'est appelée également royale et impériale. Aujourd'hui c'est pleinement justifié par son rôle en temps de paix. En revanche la notion d'armée de mer ne s'emploie normalement qu'en temps de guerre (il y déjà fort longtemps quand on mobilisait pour l'armée de mer via l'inscription maritime). Cependant, aujourd'hui pour les réserves de la MN il y a dans chaque port un CIRAM (avec RAM pour réserves de l'armée de mer)...avec votre timbre en illustration, votre post contenait toutes les réponses.
Pour continuer sur ce sujet on peut noter qu'autrefois les citations étaient attribuées à l'ordre de l'armée de mer (unité pour régiment, escadre pour division et force maritime pour corps d'armée)...aujourd'hui c'est à l'ordre de l'armée - Marine nationale (je crois que c'est armée aérienne de mémoire pour nos camarades de l'air).
Cordialement

3. Le samedi 15 janvier 2011, 15:17 par Midship

De même qu'un cavalier ou un artilleur tiquera lorsqu'un marin l'appellera "biffin". Pour le terrien, seul le fantassin métro est biffin. Pour le marin, tout ce qui est "peint en vert" est biffin, à l'exception des autres marins (les fusiliers sont plutôt des "plantes vertes" et les commandos des coyes, mais il restent tous marins) et des troupes de marine et légionnaires. Les marins du ciel ne sont pas trop chambrés, mais leurs collègues de l'armée de l'air sont facilement des "branleurs de manche" ou des "gonfleurs d'hélice". Ils sont aussi parfois des "ray ban", "top guns", "maverick" ou autre "play boys", ce qui montre l'étendue de nos références culturelles.

Bref, pour être plus sérieux, l'armée de mer ne l'a pas toujours été et a même été la Marine Royale pendant longtemps. C'est probablement pour ça qu'elle a voulu être celle de la Nation. Et tant qu'à faire, plutôt directement, sans passer par un état major, forcément terrien, ou un ministre "fourre tout". La Marine, historiquement, c'est surtout un ministère à elle toute seule. Celui de la marine, des mers, des Colonies. De la grandeur de l'Empire, en quelque sorte. D'où la proximité avec les colos et légionnaires, fréquents débarqués.

La Marine, après avoir été un ministère, a toujours été à la pointe de l'interministériel. Ses préfets maritimes ont des fonctions civiles sous l'autorité du premier ministre, ses marins servent dans les CROSS et les sémaphores en étant hors-BOP, et l'action de l'Etat en mer a toujours existé en dehors de l'aspect strictement militaire.

L'armée de mer, c'est qu'une "standardisation" du nom issue d'un copier collé avec l'armée de terre. En anglais d'ailleurs, il suffit de dire "armée" pour sous-entendre "de terre". La Marine n'en est pas. L'intermisation, c'est extrêmement nouveau. Et ça a été très vite. Aujourd'hui, vous pouvez envoyer en Afghanistan un élément d'un simple bataillon de 600 personnes qui comportera des renforts de la marine et de l'armée de terre pour la restauration (nos cuisiniers et maitres d'hôtel font des merveilles), le renseignements, la neutralisation d'explosif, la communication, les forces spéciales, le soutien, etc. Mais plus on s'interarmise, plus les cultures d'armes ou d'armées sont importantes. La marine a depuis longtemps refusé de se diviser en armes, ne conservant que des forces qui toutes ont le même uniforme, la même devise, la même culture, la même histoire, la même finalité, en un mot le même équipage. Chez elle, un fusilier marin pourra servir à terre, puis en base aéronavale, puis embarquer sur sous marin ou en surface. Un aéro pourra être commandant de navire. Un surfacier pourra faire des passages chez les fusiliers, etc.

C'est peut être un peu tout ça qui fait que la Marine veut être considérée comme un élément à part entière, toujours heureuse de rencontrer et de travailler avec ses camarades des autres armées, mais fière de ses traditions, à commencer par son nom, qui n'en fait pas une sorte d'arme navale de l'armée de terre.

La Marine, c'est aussi l'adaptation. Elle est otanisée depuis longtemps, mais elle montre le pavillon sur toutes les mers. L'armée de terre la respecte pour ses traditions, son histoire, ses conditions difficiles, l'armée de l'air la respecte pour sa technicité, sa polyvalence, sa flexibilité. Mais fidèle à la notion d'équipage, la Marine sait que les missions ont besoin des deux autres armées, et nuance donc sa légitime fierté d'une pointe d'humilité. Parfois.

4. Le samedi 15 janvier 2011, 15:17 par

Deux serpents de mer (si j’ose dire) revenaient souvent pendant les années soixante-dix dans les milieux maritimes civils et militaires.
D’une part la création souhaitée d’un « ministère de la mer » qui aurait la tutelle (et la protection) de toutes les activités côtières et maritimes. Mais ça ne s’est jamais fait, sans doute parce qu’un tel ministère aurait eu de la difficulté à baliser son domaine compte-tenu de l’imbrication de beaucoup de choses sur la côte et en mer, avec la complexité qui en résulte comme on l’a déjà dit sur ce blog http://www.egeablog.net/dotclear/in...
D’autre part la création d’un corps de gardes-côtes, peut-être militaire mais distinct de l’Armée de mer. Cette idée trouvait principalement son origine dans les problèmes de ce qui est devenu « le rail d’Ouessant ». Elle a été abandonnée mais on a amélioré le système qui existait jusqu’alors en donnant au Préfet maritime à la fois des moyens juridiques, notamment la « mise en demeure » qui lui permet d’imposer à un navire en difficulté d’accepter une assistance, et des moyens matériels avec la présence permanente d’un remorqueur de haute-mer.

Enfin notons que les marins et les terriens, même lorsqu’ils utilisent les mêmes mots, ne leur donnent pas la même signification : pour un marin « armer » un bateau ne signifie pas qu’on y met des canons, ça signifie qu’on lui affecte un équipage ; pour les navires civils, l’armement désigne le propriétaire ; pour les petits bateaux, l’armement est un matériel qui n’a rien à voir avec l’armurerie : on parle par exemple « d’armement de sécurité » http://www.uchimata.fr/maintenance/...
Dans ces conditions, l’on doit s’attendre à des malentendus autour du mot armée. C'est parfois désarmant.

5. Le samedi 15 janvier 2011, 15:17 par Midship

@SD : effectivement, faut être joueur. A l'inverse, "commandant" à un (lieutenant)colonel de l'armée de terre. Pour avoir testé dans ma jeunesse, on peut dire aussi qu'il faut un certain amour du risque.

@Vincent : les CIRAM n'existent plus depuis 3 ans. A ma connaissance, plus aucun texte officiel nouveau ne fait référence à "l'armée de mer".

@ Y. Cadiou : sauf votre respect, ce ministère a existé pendant longtemps, de Colbert en 1683 (Secrétaire d'Etat à la Marine) à Louis Jacquinot en 1947 (Ministre de la Marine), en passant par La Ferrière, Gaspard Monge (Ministre de la Marine et des Colonies), Victor Schoelcher, le Prince Napoléon (Ministre de l'Algérie et des Colonies), Jauréguiberry, Félix Faure, Georges Leygues (à 4 reprises) et l'amiral Darlan.

C'est donc une hérésie récente que de ne plus disposer d'un tel pouvoir politique unifié.

6. Le samedi 15 janvier 2011, 15:17 par vincent

@midship,

Merci de vos précisions, je ne dois pas être le seul marin d'active à avoir zappé la dissolution des Ciram...
Je suis quand même allé creusé cette histoire et j'ai découvert qu'on avait créé à la place les Aper (emploi des réserves) et des délégués au rayonnement de la Marine. A tout hasard, j'ai posé la question à un des cadres de l'Aper qui m'a dit que le nom de Ciram restait encore d'usage chez de nombreux marins (d'active ou de réserve).
- une rapide recherche sur le réseau interne Marine a fait choux blanc, je n'ai rien trouvé sur l'armée de mer...et le BO sur la CVM m'a bien confirmé que la citation à l'ordre de la MN était la règle. L'armée de mer semble donc avoir vécu, il ne reste que les citations de nos vénérables anciens affichées dans nos coursives.

Concernant le ministère de la Marine, une version édulcorée a subsisté sous la IVème avec un secrétaire d'Etat attaché au ministre de la défense. Le professeur Vial (ancien examinateur d'histoire à l'oral du CID) a rédigé un article passionnant dans la RHA sur la genèse de l'EMA, mindef, CEMx, SGDN...il est sur le net (http://rha.revues.org/index1573.htm...).

Cordialement

7. Le samedi 15 janvier 2011, 15:17 par Jean

Bonsoir,
Deux précisions :
- Votre timbre montre le logo de l'ACORAM. Cette association a modifié ses statuts il y a quelques années pour s'appeler désormais "Association des Officiers de Réserves de la Marine", sans changement d'acronyme (qui n'en est donc plus vraiment un): vous voyez que votre remarque sur l'armée de mer garde son actualité !
- Les CIRAM, dont parle Vincent dans son post, ont été supprimés il y a 1 an, et ont été remplacés pour la partie gestion du personnel par des "Agences pour l'Emploi des Réservistes" (véridique, mais pas génial !), et pour la partie Politique de Rayonnement par des "Délégués au Rayonnement et à l'Information de la Marine" (DRIM) à Toulon et Brest (et Paris ?).
- Que l'on retrouve ces termes d'Armée de Mer dans CIRAM et ACORAM n'est pas un hasard, il y a une sorte de filiation entre les deux. Le terme marque surtout son époque, l'entre deux guerres, et la vision d'une guerre à venir, à laquelle il fallait se préparer.

8. Le samedi 15 janvier 2011, 15:17 par yves cadiou

@Midship
J’ai bien capté l’ironie du « sauf votre respect » car j’ai un peu fréquenté ces Carrés et Cercles qui ne se différencient que par la poussée d’Archimède, comme on l’a déjà mentionné sur ce blog en juin dernier http://www.egeablog.net/dotclear/in...
Votre formulation est incomplète toutefois, parce qu’il y manque la quintessence de l’ironie du Marin s’adressant au Terrien quel que soit le grade de celui-ci : « sauf votre respect MON COLONEL ». A quoi le Terrien, s'il a des usages, répond "mais tout le plaisir est pour moi, AMIRAL."

Les ministères de la Marine dont vous parlez n’étaient pas exactement la même chose que l’idée de ministère de la Mer des années soixante-dix. Les ministères de la Marine se limitaient aux moyens de l’Etat en mer (principalement la Marine d’Etat) alors qu’on imaginait un ministère de la Mer qui prendrait toutes les attributions concernant le domaine maritime (délimité par le territoire mouillé à la plus haute marée de mars, depuis Colbert), y compris les attributions du service des Aff Mar (affaires maritimes : par ex. l’immatriculation des navires civils), les phares et balises (qui incombent au ministère des transports), la sécurité des baignades jusqu'à trois cents mètres du rivage (qui incombe aux Maires sous le contrôle du Préfet terrien), etc.

Le système aurait probablement été ingérable parce que trop divers et trop centralisé. On a préféré que chaque ministère garde ses attributions et ses moyens et que ces moyens soient coordonnés localement lorsqu’il le faut par le Préfet terrien ou maritime, représentant interministériel de l’Etat dans sa circonscription.

9. Le samedi 15 janvier 2011, 15:17 par Midship

@YC :

Mon respect n'est pas feint, la règle étant, pour ton bon midship, de ramper devant tout ce qui possède au moins un trait droit non sabordé sur les épaules, manches ou torse, même s'il a un liseret. Ceci étant précisé, le ministère de la Marine et des Colonies était en effet moins "maritime" que le projet auquel vous faites référence, mais englobait une énorme fonction terrienne ultramarine dans l'administration directe de l'Empire.
En fait, la forme finalement trouvée pour ce ministère de la Mer est celui de la coopération interministérielle placée sous l'autorité directe du Premier Ministre grâce au SGMer (Secrétariat Général pour la Mer). Dans la belle utopie d'une administration renforcée dans son rôle (passage d'un doublon chef d'administration non politisés en théorie, mais pas en pratique / conseillers et cabinets politisés à une logique d'équipe administrative politisée, comme aux US), on pourrait très bien envisager que le SGMer soit un personnage plus médiatisé et que le poste attire des personnalités influentes.

10. Le samedi 15 janvier 2011, 15:17 par Midship

actualisation : l'édito du "Cols Bleus" de ce mois-ci reprend la distinction entre "armée de mer" et "Marine Nationale"... Coïncidence ou pas ?

Lire Cols Bleus : http://www.calameo.com/read/0003318...

égéa : je serai fort honoré d'avoir lancé un débat repris par Cols bleus.....! merci de nous le signaler

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