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Vive la France quand même (Gauchon et Houissoud)

J’ai signalé, un jour, qu’il n’y avait pas d’ouvrage sur la géopolitique de la France. On pense toutefois au « Vive la nation ! » d’Yves Lacoste. Et voici ce « Vive la France quand même ! », paru l’an dernier et que je n’ai découvert qu’à l’automne. photo_vive_la_france_quand_meme.jpg

Je n’en parle que maintenant parce qu’il me sert beaucoup lors de mes travaux actuels. On remarquera l’usage commun du point d’exclamation, comme si avoir des propos sur la géopolitique française supposait un je ne sais quoi de défi à l’ambiance intellectuelle qui conforte, a contrario, l’idée que j’ai de l’existence d’un tabou.

Les auteurs ne sont pas inconnus : Pascal Gauchon est, depuis désormais pas mal d’années, directeur de la collection Major aux PUF, quand J.-M. Houissoud est un des cadres de l’école de management de Grenoble, et tout particulièrement des affaires de géopolitique. Ils animent le festival de géopolitique et de géoéconomie de Grenole, ainsi que l’association Anteios qui réunit un certains nombre de professeurs spécialisés en géopolitique, notamment en classes préparatoires. Cette association publie chaque année un rapport sur une grande question de géopolitique, et cette année, elle s’est intéressée à la France.

Autant dire que d’emblée c’est une source de références et d’inspiration : un ouvrage qui fera date et qu’il importe de consulter. Pourtant, et sans leur faire injure, il y a peu de noms réputés parmi les auteurs : je pense à Gérard-François Dumont, le père de la géopolitique des populations en France (géodémographie ?), Louis Gautier, auteur de « La défense de la France après la guerre froide » ou encore Thomas Snegaroff (faut-il souhaiter le déclin de l’Amérique ? dont j’avais rendu compte). Tous les autres, s’ils sont sans réputation ne sont pas sans qualités, loin de là. S’ils enseignent, ils écrivent et de façon sérieuse, argumentée, et … réfléchie : bref, pas seulement des chiffres ou des faits, amis aussi des idées, et souvent des idées nouvelles, que je n’ai lues nulle part ailleurs.

L’ouvrage est divisé en trois parties. La première (« un héritage exceptionnel ») s’attarde aux conditions structurelles du dispositif géopolitique français : le territoire (Y. Gervaise), les héritages, la population (une remarquable étude de G.-F. Dumont), le lien social (la question du « vivre ensemble », très finement analysée par P.-Y. Cusset et J. Damon).

La deuxième partie (« atouts et impasses ») est plus économique : traçant les points forts de l’économie française, évoquant les entreprises françaises (les oubliées du modèle), la recherche et l’innovation, l’évaluation de la recherche française, les industries vertes. On lira avec attention le chapitre sur le modèle français (J. Voisenet) ou la discussion sur l’attractivité (sic) française (P. Gauchon). On voit que l’économie demeure quand même le fond de commerce de beaucoup de ces professeurs : mais après tout, l’association ne se pique-t-elle pas de « géoéconomie » (resic), et n’est-elle pas portée par une école de management ?

J’ai été plus intéressé par la troisième partie (« ambitions et réalités ») qui commence par s’interroger sur la notion de « puissance française dans le monde (Th. Snégaroff). Les rapports avec l’Europe font l’objet de deux textes, l’un discutant la question du leadership et de l’exceptionnalisme, l’autre s’intéressant à la centralité du territoire français par rapport à l’Europe (vraie question géopolitique : passionnant J.-M. Houissoud). La lutte des deux universalismes (France et Etats-Unis) est classique mais solide (Snégaroff encore), tout comme la France et l’Afrique (Voisenet). On apprécie beaucoup qu’un livre décrivant un dispositif de géopolitique consacre un chapitre à la question militaire. Je signale enfin un indispensable chapitre sur « entre terre et mer, une vocation maritime contrariée » qui constitue un vrai sujet et se trouve fort bien traité par P. Royer. Enfin, la conclusion est une remarquable réponse à tous les discours déclinistes : elle est un monument de subtilité et d’intelligence, et est signée Jean Kogej.

Vous l’aurez compris : j’ai pris un grand plaisir à lire ce livre, qui me semble une analyse fort déjà très complète et fort solide du dispositif de la géopolitique de la France.

On le complètera évidemment par le numéro spécial du Point qui vient de sortir et qui est consacré aux Français, avec énormément d’articles intéressants et qui apportent un contrepoint utile à cette référence.

Références : la présentation du livre par Anteios. Fiche de lecture des cafés géo.

Vive la France quand même ! les atouts de la France dans la mondialisation

  • Rapport Anteios 2011
  • Gauchon Pascal et Huissoud Jean-Marc
  • PUF, 34 euros, 346 pages, avril 2010

NB : ceci est ma soixantième fiche de lecture ! O. Kempf

Commentaires

1. Le lundi 17 janvier 2011, 22:10 par

Un ouvrage de référence pour préparer un concours donc. Merci !
égéa : oui !

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