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répliques proche-orientales

Continuons de commenter ce qui se passe en ce moment en Égypte, et évaluons les conséquences possibles de ce tremblement de terre, et des répliques qu'il peut avoir.

1/ Tout d'abord, constatons le retrait américain. On peut se moquer du retrait français en Tunisie (au Maghreb ?) mais au Proche Orient, les États-Unis ont perdu la direction des opérations. Cela a commencé avec l'émancipation turque (souvenez-vous en 2003, Ankara qui refuse que les opérations partent de son territoire), puis Israël (souvenez-vous, Bibi Netanyahou refusant toute concession à B. Obama, malgré la grande colère de celui-ci au sujet des colonies juives) ; désormais, même Moubarak n'écoute plus Washington. Il paraît que les militaires le font (Souleimane) mais en tout cas, ils n'obtempèrent pas.

2/ Dès lors, cela remet en cause le gimmick européen, prétexte à l'inaction : "nous ne pouvons rien faire, seuls les Américains peuvent faire qq chose au Proche-Orient". Ben non, eux non plus. Du coup, il y a peut-être de l'espace pour une autre politique, non ?

3/ Israël va donc connaître, d'ici la fin de l'année, une situation bouleversée : d'un côté, la bande de Gaza qui aura été annexée de facto par le nouveau pouvoir égyptien (car, n'est-ce pas? Le Caire va forcément trouver ce moyen de retrouver une popularité à la fois intérieure et extérieure) tandis que les Palestiniens vont se déclarer Etat indépendant. Ce ne sera pas forcément négatif du côté de Gaza (Tel Aviv peut espérer un arrêt des tirs de roquettes), mais la situation politique sera délétère, d'autant qu'au nord, on peut considérer possible que le Hezbollah sorte de la crispation politique libanaise en remettant ça au sud, sur la frontière avec Israël....

4/ A l'intérieur, la baudruche Baradei se dégonfle, comme c'était attendu. On semble donc assister à une alternative Omar Souleiman contre Amour Moussa (voir mon billet d'il y a quinze mois).

  • Le premier est vice-président, l'homme de l'armée, celui qui cherchera, le plus, à maintenir une certaine continuité : au moins de ligne politique (dialogue avec Israël, liaison avec les Etats-Unis) sinon de pratique tyrannique (il faudra certainement qu'il "ouvre" le système, d'une façon ou d'une autre).
  • Le second est populaire, et dispose à la fois de l'expérience du pouvoir et de la distance avec celui-ci. Il incarnerait une vision plus pan-arabe qui rencontrerait à coup sûr les faveurs de l'opinion égyptienne. Il ne peu accéder au pouvoir que si un processus régulier de transformation politique se met en place. Il ne sera de toute façon qu'un pape de transition.

5/ Et les frères musulmans ? Chacun constate leur relative discrétion. Elle me semble due à plusieurs raisons :

  • d'une part, le refus de s'engager tant que la situation ne s'est pas décantée : ils ont acquis trop d'influence dans le système Moubarak pour qu'ils ne le quittent pas à la seule condition qu'on est réellement passé à autre chose.
  • d'autre part, une sorte de stupéfaction devant ce qui est en train de se passer : l'émergence de cette société civile, certes religieuse mais aspirant à autre chose, est forcément un défi intellectuel à un logiciel politico-religieux inventé, faut-il le rappeler, avant la deuxième guerre mondiale.... Entre temps, la révolution iranienne et sa dérive dictatoriale sont passées par là... Bref, ceci expliquerait le retard à l'allumage. C'est comme si Lénine, soudainement, n'était plus sûr de son fait alors que Keresnki monte au pouvoir.

6/ Marxisme ? tient donc. Ben! oui, il faut bien constater qu'une lecture de "classes sociales" existe en ce moment en Égypte (et en Tunisie) : autrement dit, si la masse n'est pas forcément révolutionnaire, l'aile marchante de la révolution, une sorte de bourgeoisie éclairée qui n'en peut plus de la confiscation des profits par les privilégiés, était suffisamment puissante pour mettre le feu aux poudres. On serait alors non seulement à l'aube de la révolution d'octobre, mais aussi de la Terreur de 1793 : des événements non anticipables à l'époque...

Mais nous nous éloignons fortement du marxisme : l'histoire s'est tellement méfiée de tous les déterminismes.....

Réf :

  • on lira le toujours caustique Immarigeon ici.
  • de même? Romain Milcarek sur AGS, un billet sur le même thème
  • Mars attaque sur les FM, ici

O. Kempf

Commentaires

1. Le dimanche 6 février 2011, 19:16 par

Bonsoir,

Restons caustique. Il y a du flottement depuis 48 heures chez les Egyptiens, y compris ceux de leur nouvelle place Tien an Men. Normalement, puisque qu'on est pris dans une "perfect storm", dixit Clinton, on devrait en profiter pour dire ce qu'on veut, nous, Européens ; c'est pas interdit, vu les liens trans-méditerranéens millénaires, de dire ce qu'on veut, nous, surtout en ce moment que les Egyptiens sont un peu paumés...

Encore faut-il vouloir quelque chose.

Précisément, on attend que d'autres décident à notre place, et on reste sur notre "réserve", au nom de la non-ingérence comme dit notre ministresse préposée aux thalassos à Djerba. Elle a bon dos, la non ingérence, faut aller dire ça aux Ivoiriens, aux Iraniens, aux Libanais, aux Afghans et j'en passe. Ca ne sert à rien de faire de la prospective dans un Livre blanc, dans les Think tanks à la française et à "C dans l'air" si, lorsque l'histoire hésite entre plusieurs voies, on attend que d'autres la poussent à notre place.

Et dire qu'on s'est encore une fois foutu au printemps dernier de la gueule de nos anciens des années trente, qui avaient attendu que le ciel leur tombe sur la tête en mai 1940, en loupant toutes les occasions qui passaient de l'éviter...

JPhI

2. Le dimanche 6 février 2011, 19:16 par panou

L'annexion de Gaza ne sera pas si facile.Il me semble que le Sinaï est démilitarisé suite à l'accord de paix et celà donne de la profondeur et des délais à la réaction israélienne probable.De plus une invasion armée égyptienne du Sinai doit franchir la coupure du Canal.Militairement c'est possible mais au plan international les conséquences seraient énormes car obligerait le commerce mondial à contourner l'Afrique et en ces époques de mondialisation l'Egypte pourrait se retrouver bien seule en n'observant pas les accords de paix.Israel a entre ses mains un gage dont on parle bien peu et celà mériterait d'être développé par des experts.
égéa : suggestion donc aux experts : le Sinaï et la crie égyptienne ?

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