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L'indiscipline, force des armées

Manions le paradoxe, par goût mais aussi pour découvrir des idées nouvelles.

L'adage affirme donc : "la discipline est la force principale des armées".

Quelqu'un que je rencontrais, qui est consultant aussi bien de la défense que de grandes entreprises privées, me dit en rigolant : c'est l'indiscipline, la force des armées.

Un éclat de rire plus tard, je réfléchis. Pense à Guderian qui coupait ses postes radio lors de la campagne de France, au mot de De Gaulle sur l'initiative de Leclerc. Et j'observe que l'indiscipline peut être une vertu : ou plutôt, que l'exécution des ordres en esprit malgré une non-obéissance à la lettre peut être efficaces.

Car justement, des obéissances inconditionnées peuvent être sources de défaite (von Paulus qui obéit à Hitler, n'abandonne pas Stalingrad et se fait encercler).

Et aujourd'hui, l'armée égyptienne qui "refuse" de prendre parti et gagne, de ce fait une légitimité précieuse place Tahrir, n'est-elle pas en train de semer les graines de sa victoire future, prenant l'exemple stratégique de sa consoeur tunisienne ?

Non, vraiment, l'indiscipline peut être la force des armées. Ce n'est pas si paradoxal que ça, après tout.

O. Kempf

Commentaires

1. Le lundi 7 février 2011, 19:09 par Antoine Hubault

De Gaulle, puisque vous le citez, appelait ça "le Caractère" dans le Fil de l'épée". De fait, l'esprit d'initiative est valorisé autant que l'obéissance. On la jugera surtout à l'aune du résultat.
Encore De Gaulle (décidemment), qui nous rappelle dans "La discorde chez l'ennemi" que c'est l'indiscipline de von Kulk a coûté à Molkte la Marne, et donc, la victoire.

Ce n'est, finalement, qu'une question de sémantique.

2. Le lundi 7 février 2011, 19:09 par Laurent

Globalement d'accord avec ta réflexion.

Un petit point de détail : Paulus n'était pas "von" (pourquoi veut-on systématiquement que les généraux allemands soient des aristocrates ?), et l'ordre d'Hitler de ne pas retraiter hors du chaudron de Stalingrad était vraisemblablement sain ; un décrochage, a fortiori de grande ampleur et sous le feu, est une opération terriblement risquée. L'idée de se retrancher et d'attendre d'éventuels secours était certainement la "moins pire" (n'oublions pas que la tentative de von Manstein - un vrai "von", celui-là - de venir délivrer la VIe armée dans Stalingrad a bien failli réussir).
Attention au discours consistant à faire systématiquement porter le chapeau à Adolf ; il a été construit dans les années 50 par des généraux allemands qui voulaient se dédouaner de tout et apparaître non seulement comme des anges, mais aussi comme des professionnels compétents (alors qu'ils avaient eux aussi commis leur lot de bourdes énormes... et d'atrocités). C'est le bon vieux truc du "coup de poignard dans le dos" de 1919 : "sur le front, nous avions gagné ; ce sont les Juifs et les Rouges de l'arrière qui nous ont trahi.", qui devient "nous avons été super compétents et honorables, ce sont les nazis qui ont commis des horreurs et c'est Hitler qui a pris de mauvaises décisions militaires, les nôtres étaient systématiquement bonnes"... Ben voyons.
Et puis, comme l'OTAN était alors en cours de création, et la Bundeswehr avec, les Britanniques et les Américains ont alors eu tout intérêt à contribuer à forger cette légende.

3. Le lundi 7 février 2011, 19:09 par Nino

Il semblerait donc qu' "obéissance et résistance", ces deux vertus du citoyen décrites par Alain, soient définitivement compatibles avec l'état d'officier. C'est tout du moins ce que viennent de démontrer alternativement Tunisiens et Egyptiens.

4. Le lundi 7 février 2011, 19:09 par

Désobéissez avec intelligence, soldats ! Cependant, que serait-il arrivé à Von Paulus (lors de son retour en Allemagne) s'il avait désobéi au Führer : une promotion non-accordée, un très long séjour au mitard ou un peloton d'exécution ?

5. Le lundi 7 février 2011, 19:09 par JLuc Cotard

L'action qui apparaît comme indisciplinée ne serait-elle pas une forme d'analyse de situation adaptée au terrain qui conduit à choisir une mode d'action privilégiant la surprise?

6. Le lundi 7 février 2011, 19:09 par Cadfannan

La discipline a l'avantage de ne pas nécessiter de grandes qualités intellectuelles. Le soldat qui prend une initiative doit prendre la bonne décision au bon moment, faire preuve d'une bonne capacité d'analyse de la situation, etc... bref, avoir les qualités d'un chef. Ce qui signifie qu'une organisation qui laisse une grande marge d'initiative à ses chefs subalternes doit s'assurer de leur qualité.
La discipline a l'avantage de permettre d'utiliser les médiocres, et surtout de "lisser", d'homogénéiser le rendement des hommes. Donc de diminuer l'incertitude sur leur comportement... On en revient à la volonté de se prémunir contre ce qui fait partie de l'essence même de la guerre, l'incertitude. La discipline est-elle considérée comme la première vertu du soldat dans toutes les cultures militaires, ou seulement dans l'occident moderne?

7. Le lundi 7 février 2011, 19:09 par

Oui, ce n'est qu'une question de sémantique.. Tout simplement!

8. Le lundi 7 février 2011, 19:09 par bleu3

"Vous pensez, lieutenant Settembre ?
Oui, mais... en cachette!" (de Giovanni Guareschi).
Avant l'indiscipline, il faudrait qu'une critique constructive soit non seulement tolérée, mais encouragée; ce n'est pas ce que l'on constate !!
Le petit doigt sur la couture du pantalon c'est dépassé,les "chefs" sont faillibles, qui n'écoutent qu'une seule voix.

9. Le lundi 7 février 2011, 19:09 par

Bonsoir,

Tout est effectivement question de sémantique et de circonstances. Il ne s'agit pas de désobéir pour le principe, encore faut-il le faire raisonnablement. Lorsque Guderian change de half-track pour qu'on ne le trouve jamais à temps, et Rommel au même moment coupe sa radio 24 heures lors de la percée sur Avesnes, c'est pour rester sourds aux haltbefehl de Hitler et pouvoir poursuivre le plan Manstein comme prévu. Est-ce de l'indiscipline ? A voir.

A Stalingrad, les ordres de Hitler sont doubles et respectés : tenir la ville tandis que les Allemands effectuent un repli de plus de 1000 kilomètres depuis le Caucase. Paulus serait sorti que ça ne servait à rien, bien au contraire. C'est un mois après qu'il y a un vrai acte d'indiscipline, lorsque Manstein et Hausser restent sourds aux ordres de Hitler de tenir Karkhov et évacuent la ville... pour y revenir trois semaines plus tard, ayant au passage détruit trois armées blindées soviétiques et 500.000 hommes. Mais sont-ils sanctionnés pour cela ? Non.

Je ne pense pas que Guderian, Rommel ou Manstein (et même Hausser, nazi convaincu) ont pensé désobéir en restant sourds aux ordres du maître. On est donc bien dans la sémantique a posteriori. En revanche, tous ces généraux ont dû plus tard se positionner lorsqu'ils ont été contactés avant l'opération Walkyrie de von Stauffenberg. Et là, ce fut un cas de conscience.

JPhI

10. Le lundi 7 février 2011, 19:09 par

Comme le disait le maréchal Lyautey : "Quand les talons claquent, la tête se vide" ;-)

11. Le lundi 7 février 2011, 19:09 par B R

Ce n'est pas, ça n'a jamais été, von Paulus. Et en plus il a désobéi il avait interdiction de se rendre.

12. Le lundi 7 février 2011, 19:09 par

Plus exactement Lyautey disait « quand j’entends les talons qui claquent, je vois les cerveaux qui se ferment ». Un cerveau fermé n’est pas la même chose qu’une tête vide : il existe des érudits qui refusent de réfléchir, ayant peur de sortir de leurs certitudes.

Neuf commentaires sur ce sujet en 24 heures, on n’est certainement pas loin d’un record. Le sujet intéresse, nonobstant une photo qui visiblement nous pousse hors-sujet en nous montrant une insolence et non une indiscipline.

Sur ce sujet, comme souvent d’ailleurs, il faut définir de quoi l’on parle. Les commentateurs se partagent ici en deux catégories : d’une part ceux qui ont une expérience de la discipline, notamment en opérations, et d’autre part ceux qui ont seulement l’impression de savoir de quoi il s’agit par le cinéma, par la presse, par des souvenirs plus ou moins digérés et remâchés de service militaire en caserne, par l’image surréaliste du 14 juillet sur les Champs où des militaires raides comme des piquets semblent obéir par réflexe à des aboiements nommés « ordres » pendant que les speakeurs civils ont le monopole de la parole articulée.

La discipline, du moins la seule qui vaille, la discipline opérationnelle consiste à comprendre quel est le résultat à obtenir par l’ensemble de l’unité et quelle est la part de chacun dans l’action. Ici, ce billet parle d’autre chose dont il faut effectivement parler : l’indiscipline qui est l’un des multiples aspects de la difficile relation pol-mil (chapitre « le Politique et le Soldat », encore dans Le Fil de L’Epée), relation qui restera difficile aussi longtemps qu’on persistera à interdire au militaire la fréquentation des partis politiques à cause d’une méfiance qui date de la Troisième République, comme on l’a déjà dit ici http://www.egeablog.net/dotclear/in...

Ceux qui veulent savoir savent ceci : l’indiscipline dans la relation pol-mil s’est produite plusieurs fois chez nous depuis quarante ans, sans faire de scandale parce que le Politique, trop peu au fait des questions dont il a pourtant la charge suprême, comprenait après-coup que ses directives trop précises étaient incompatibles avec la mission. Le Politique préférait que le public ne soit pas informé de son incompétence pendant que le Soldat, de son côté, restait muet par principe. Il y eut plusieurs cas où quelqu’un, dans la hiérarchie militaire, prit une initiative allant au-delà des directives politiques : Tchad 78 que j’ai vécu, Tchad 79, Vrbanja 95 et d’autres dont j’ai entendu les acteurs. S’agit-il vraiment d’indiscipline, je ne sais. Mais c’est sûrement la force de notre armée, désormais aguerrie par des décennies d’opex et d’ambiguïtés gouvernementales, que de savoir relativiser les directives pointilleuses du personnel politique incompétent.

Ceci se reproduira à chaque fois que le Politique sortira de son rôle qui est de définir clairement la mission (ce qu’il fait rarement, hélas) tout en donnant des directives opérationnelles qui ne sont pas de sa compétence. On aimerait qu’un historien interroge les généraux qui ont commandé des opex : « quelles étaient les directives que vous aviez reçues du gouvernement ? ».

Le problème qui se pose et se posera de plus en plus au Politique s'il refuse de prendre ses responsabilités, c’est que le Soldat est et sera de moins en moins muet, de plus en plus décidé à directement prendre la Nation à témoin dans la difficile relation pol-mil. Or de nos jours, l’information ne passe plus nécessairement par la presse ni même par les blogs : les listes de diffusion des amicales, tenues par quelques centaines de bénévoles dignes de confiance et relayées par quelques dizaines ou centaines de milliers d’adhérents, permettent de tout savoir et tout faire savoir de façon fiable et rapide, y compris aux Parlementaires qui s'y intéressent.

Par conséquent oui, à condition de savoir de quelle discipline on parle, l’indiscipline dans la relation pol-mil est désormais la force des armées en mettant le Politique en face de ses responsabilités.

13. Le lundi 7 février 2011, 19:09 par

J'ai souvenir d'une citation de De Gaulle à propos du Maréchal Leclerc : "il a obéi à tout mes ordres, même ceux que je n'avais pas formulé".

Cette "indiscipline" est peut être, comme beaucoup l'on dit mieux que moi, cette capacité à garder l'objet de l'action en vue et de s'accommoder "un peu" avec les directives, certaines d'entre elles pouvant contrevenir à l'objectif.

C'est le problème des transmissions : un ordre ne sert pas beaucoup s'il méconnaît les réalités du terrain ou s'il arrive trop tard.

Peut être est-ce là que prend place l'art du capitaine, du général.

J'ai un exemple historique en tête d'indiscipline, voir de désobéissance : l'amiral Cunningham de la Royal Navy devait faire en sorte que la Force X (flotte française stationnant à Alexandrine) soit désarmée. Les directives du Churchill (pour faire simple) tendait plutôt à provoquer la rupture des négociations avec la Royale (face à l'autre Royal) et à mener à la crise ouverte. Hors, ce cher amiral a trouvé une solution de compromis qui a permis de sécuriser les forces anglaises sans avoir à tirer sur les français.

L'amiral Somerville n'aura pas ce talent quand il se présenta face au port de Mers El-Kébir avec un ultimatum pour que la Flotte française soit "désarmée" avec plusieurs options pour le faire (le premier ultimatum prenait fin à 14h, le combat s'engagea à 17h...). A sa défense, il faut dire que l'amiral Gensoul (commandant la force de Mers El-Kébir) n'avait pas l'intelligence de l'amiral Godfroy (de la Force X).

Mers El-Kébir est le fait d'une faute française car ce "cher" amiral Gensoul s'est retenu d'envoyer le contenu entier des propositions anglaises pour désarmer la Flotte qui stationnait à côté d'Oran. Un premier problème de transmission, et dans ce sens là, c'est très condamnable, pour ne pas dire criminel car l'amiral en ne délivrant pas toutes les options a fait son choix. L'amiral de la Flotte Darlan a été mis au courant du coup de force anglais bien trop tard, second problème de transmission et il n'avait pas d'option acceptable (merci Gensoul).

Le fin mot de mon histoire c'est que dans l'exemple d'Alexandrie, l'amiral anglais a trouvé une solution, qui n'était pas dans la droite ligne de celle de son gouvernement, pour désarmer une escadre française. Il a pourtant atteint l'objet demandé avec une économie de force et de moyen exemplaire. La plus grande des batailles n'est-elle pas celle que l'on n'a pas livré ?

Dans le cas de Mers-el-Kébir, l'amiral français a fait preuve d'une mauvaise indiscipline (voir pire) par opposition à l'amiral Godfroy, et l'amiral anglais a, à mon sens, répondu à l'attente de son gouvernement en attaquant notre escadre alors qu'il avait la possibilité de faire preuve d'indiscipline.

L'objet de Churchill était que la Flotte française soit attaquée pour montrer au peuple anglais qu' "England is back in war".

Cette thèse va dans le sens du livre d'Hervé Coutau-Bégarie, "Mers El-Kébir".

Petit détail : ce livre démonte le pseudo argument du "control" obtenu par les allemands à l'armistice sur la flotte française, et une histoire de port d'attache des navires de guerre français. C'est intéressant pour la compréhension entière de l'histoire mais la vérité, c'est que les anglais ont beaucoup à se faire pardonner...

14. Le lundi 7 février 2011, 19:09 par Jean-Pierre Gambotti

A la lecture de la "motto" provocatrice proposée par Olivier Kempf,"l’indiscipline, force principale des armées" se sont immédiatement imposés à moi les dazibaos les plus emblématiques de la "noorhée" soixante-huitarde – pur néologisme- pour former ces deux hybridations chimériques : "Sous l’indiscipline, la victoire !" ou "Il est discipliné, d’indiscipliner!"
Mais je ne ferai pas plus de commentaires sur le sujet, car je pense qu’en traitant de la problématique de la discipline on ne peut s’exonérer de traiter de l’éthique du soldat, ce qui nous entrainerait dans un débat essentiel qui me dépasse. Une seule remarque néanmoins. Historiquement les exemples pertinents de désobéissance sont exceptionnels et sont la conséquence d’une impéritie circonstancielle du commandement. A mon sens poser une théorie de l’indiscipline pour régler des dysfonctionnements exceptionnels est une démarche superfétatoire et peut-être néfaste pour la délicate et intelligente liberté critique que doit conserver le subordonné en toutes circonstances. Dois-je rappeler le principe des "baïonnettes intelligentes" qui doit être absolument présent, prégnant et agissant quand nous sommes intégrés dans une chaîne de commandement?
Pour terminer par une pirouette, je dirai que je suis finalement d’accord avec la provocation d’Olivier Kempf : l’indiscipline fait effectivement la force des armées....mais surtout et souvent la force des armées ennemies !
Très cordialement.
Jean-Pierre Gambotti

15. Le lundi 7 février 2011, 19:09 par

@ Thibault Lamidel. Cunningham est un bon-faux exemple, ce qui n'enlève rien à son geste et à la noblesse des critiques qu'il exprimera ensuite ouvertement contre la décision de Churchill, car on ne peut le mettre en opposition à Sommerville, les conditions ne sont pas du tout les mêmes.

A Alexandrie les navires français et britanniques sont à l'ancre à quelques encablures les uns des autres : s'il y a affrontement, c'est un carnage, c'est une boucherie de part et d'autre, aucune chance d'ailleurs que les pachas des deux bords et leurs équipages (qui ont pour beaucoup fraternisé dans la rade ou les bistrots de la ville) acceptent de se prêter à cette connerie. Cunningham désobéit c'est vrai, mais à des ordres inapplicables.

Sommerville est dans une tout autre configuration. Les amiraux à Londres ont Churchill sur le dos et, malgré leur opposition affichée, sont bien obligés de lui transmettre les ordres, et lui-même sait que si le Strasbourg et le Dunkerque sortent avec leurs contre-torpilleurs, il n'a pas les moyens de les arrêter (c'est d'ailleurs ce que fera le Strasbourg). Il arrive à un moment où, la sortie des navires français étant proche, il est bien obligé soit d'agir, soit de désobéir franchement (ce que ne fait pas Cunningham qui "interprête"). On sait d'ailleurs le profond dégoût qui sera le sien dans les jours qui suivront, le départ de Holland de la Navy, etc...

En revanche, on pourrait être effectivement beaucoup plus critique à l'égard de Gensoul.

Sinon, aparté : savez-vous que nos 1300 et quelques marins sont toujours dans un cimetière au-dessus d'Oran ?

16. Le lundi 7 février 2011, 19:09 par

Je dois bien reconnaître que, malgré ma lecture de l'ouvrage précité, j'ai oublié la configuration des forces à Alexandrine entre les deux Royales.

L'amiral de la Flotte Darlan déteint un peut trop sur moi, j'apprécie trop l'amiral Cunningham à travers lui.

Il est bien vrai que l'exemple perd énormément de sa "force" avec vos rigoureuses et nécessaires précisions. Néanmoins, l'amiral Cunningham aurait pu tenter quelque chose de moins honorable. La capture des navires français en Angleterre a bien montré la détermination anglaise. Le sabordage de la flotte allemande à Scapa Flow a tout aussi bien montré qu'il était possible pour l'un des protagonistes de deux flottes stationnant au même endroit de se jouer de l'autre, même en cas de "fraternisation" (guillemets pour le cas allemand). Je ne nie pas que l'exemple d'Alexandrine était plus propice à la négociation. Cependant, j'incline tout de même à penser que l'amiral anglais n'a pas cherché à atteindre le but dissimulé de son gouvernement.

L'amiral Sommerville a laissé filer le temps, ce qui est déjà jouer avec les directives. Le premier ultimatum devait finir à 14h (de mémoire). Dans les faits, il expirera à 17h. Il est impossible de refaire l'histoire. Cependant, l'amiral Sommerville n'avait pas d'interlocuteur bien sérieux (la susceptibilité de Gensoul confine, sinon à l'imbécilité, au moins au crime). Sommerville a tenté d'interpréter mais il n'avait pas de soutien français. Gensoul ne voulait pas négocier (il n'avait pas non plus tenu ses forces en état d'alerte). Là aussi, je pense que les choses auraient pu être bien différentes. Sommerville aurait pu dû mieux faire. Il ne faut pas oublier que France et Angleterre sont en "guerre" après cette bassesse.

Pourquoi vouloir défendre encore l'esprit de mon argumentation ? Cunningham était un amiral qui commandait. Sommerville est un retraité que l'on a rappelé pour faire cette "connerie". La configuration des deux exemples semblent bien déterminer que ce n'était pas possible de faire autrement à Alexandrie et Mers El-Kébir. Pourtant, l'amiral Sommerville savait ce qu'il faisait : les étoiles contre le sang ? C'est réducteur, sauf pour les 1300 morts. Il y a suffisamment d'exemples dans la seconde guerre mondiale pour montrer qu'un désarmement honorable (ou non, mais sans effusion de sang alors) est souvent possible : des troupes françaises en 40, les troupes italiennes, et d'autres dont je ne me souviens plus ou que j'ignore.

La Royal Navy, à sa décharge à Mers El-Kébir, était très proche de la mutinerie -ce qui n'était pas franchement le cas d'autres personnes. Des torpilles n'ont pas explosé, des salves étaient d'une imprécision redoutable... De l'indiscipline ?

Gensoul ? Il ne relève pas du débat sur l'indiscipline. En tout cas, pas dans les termes que l'on attendait. Il a supputé que l'objet politique était buté, sans possible concession. Ce n'était pas son rôle. Cet homme devrait plutôt faire l'objet d'un débat sur sa responsabilité (dans la préparation des forces notamment). On devrait même comparer, comme invite Coutau-Bégarie, à comparer Aboukir et Mers El-Kébir. Pour ma part, j'invite à comparer les deux faits français avec Pearl Harbor. D'autre part, le drame de Mers El-Kébir débute au tout début du XXe siècle jusqu'aux années 30 : la rade (qui a joué un rôle considérable : les navires français tournaient le dos à la mer, une catastrophe pour les Strasbourg et Dunkerque avec l'artillerie principale en chasse) n'a jamais été réellement aménagée, elle le sera pour voir la France quitter cette base.

Aparté : par la force des choses c'est un cimetière. Hors, en l'état, ce que vous devez bien savoir aussi, c'est un ensemble de tombes profanées dans l'indifférence générale (sauf des associations). Cela fait partie de notre tradition à ne pas honorer le fait naval français, ni même nos morts (quand la situation politique était difficile, je pense à l'Armée de 1940).

17. Le lundi 7 février 2011, 19:09 par

Oui, on pourrait, et on discutera longtemps de part et d'autre du Channel de cette affaire. Si l'on pouvait simplifier, à Alexandrie toutes les cartes sont sur la table et retournées, les deux amiraux connaissent le jeu de l'autre, à Oran c'est du poker menteur avec des cartes planquées dans les manches.

Sur la "mutinerie" côté anglais, par exemple nombre d'obus dragués plus tard au fond de la rade et remontés non amorcés (une bordée en tir plongeant de 380 mm n'a pas vraiment besoin de toute manière d'exploser), etc, etc ... il faut lire dans "Des hommes libres", la compilation de témoignages faite par Stéphane et Rondeau (aussi en DVD), le récit de ces deux Français futurs Libres arrivés à Gibraltar le soir du drame, et qui, entrant sur le coup de minuit dans un bar où les marins anglais se saoulent la gueule pour oublier, se font accueillir par une Marseillaise digne de celle du "Casablanca" de Michael Curtiz.

Enfin pour le cimetière, son état effectivement lamentable l'est pourtant moins que l'attitude de la France sur cette question, et je sais pour en avoir discuté récemment avec des Algériens qu'ils sont scandalisés que la France laisse les tombes sans surveillance ni entretien, n’ai jamais passé de contrat avec la municipalité d'Oran pour cela, et surtout ne ramène pas les corps. Mais ce n'est pas à eux de s'occuper de cela... aux Anglais, peut-être ?

18. Le lundi 7 février 2011, 19:09 par bleu3

J'ai bien lu l'intervention de Y. CADIOU, et souri, aussi, à la phrase de Lyautey.
On parle toujours des décisions au combat, et, là, c'est très difficile à apprécier, OK, mais si on regarde vers l'amont......
Quand on envoie 800 "gars" dans un coin pourri de la Kapisa, avec seulement deux mortiers de 81 comme "armes lourdes", même si les afghans que nous devions former avaient deux canons de 105 soviétiques (à cadence de 6 coups par heure), est-ce que POL se rend compte de ce qu'il fait, et MIL de ce qu'il accepte?
Difficile pour MIL de se montrer indiscipliné, puisque c'est POL qui a le carnet de chèques.... et la clé des hangars à matériel.
Mais quand même......
Merci pour toutes ces choses que j'apprends.

19. Le lundi 7 février 2011, 19:09 par oodbae

+1 pour l'opinion de M.gambotti.

Si il est nécessaire de faire preuve d'indicipline pour réussir une opération, n'est-ce que pas évident que l'échelon supérieur a démontré une incompétence certaine, non seulement concernant l'évènement occasionnant l'indiscipline mais aussi concernant les évènements antérieurs, à tel point que les subordonnés ont perdu foi en leur commandement de sorte qu'ils font preuve d'indiscipline?

D'un autre coté, dans les cas d'indiscipline, le commandement ne reconnaît jamais son erreur et fait volontiers payer les subordonnés, de leur vie si il le veut (cf les portes de la gloire, avec kirk Douglas, pour les cinéphiles). Alors peut-être qu'on aurait intérêt à garder ce genre d'idée en tête, que l'indiscipline peut être une force, pour avoir une chance de bénéficier de la miséricorde.

cordialement.

20. Le lundi 7 février 2011, 19:09 par bleu3

OK à oodbae, en passant.
Pour le "pékin" de base, il existe, en Droit du Travail, "le droit de retrait" en face d'une situation très dangereuse.
Il existe aussi "la faute inexcusable de l'employeur".......
Pas facile de traduire çà sur le terrain, mais il y a certainement quelque chose à mettre au point, pour cette profession très spécifique, n'en déplaise à l'attitude glorieuse "d'une caste sacrifiée".
Surtout que ce sont les gars, à la base, qui portent les fusils!!!!!.
Le militaire, citoyen, lui aussi, a droit au même traitement juridique que les autres.
On m'a dit que, chez les "ricains" toute affaire foirée donnait lieu à débriefing "franc et massif", en vue d'en tirer des leçons pour l'avenir?

21. Le lundi 7 février 2011, 19:09 par

Sur l'affaire de Mers El-Kébir. Nous avons pu discuter de la pertinence des exemples sur l'indiscipline, force des armées à travers donc l'attaque anglaise sur le port militaire d'Oran et "l'accord" d'Alexandrie.

En ce qui concerne le débat sur l'indiscipline, j'aimerais rajouter un autre exemple qui est la conséquence de Mers El-Kébir, justement. Il rouvre le débat sur l'appel à l'indiscipline (ou la dissidence ?) au moment de l'armistice de 1940. Les forces de l'Empire étaient appelées à la dissidence, à reprendre le combat : indiscipline ? Dissidence ? Les forces militaires devaient délégitimer le nouveau pouvoir politique par leur ralliement à la poursuite du combat. Hors, l'attaque de Mers El-Kébir date du 3 juillet. Il y a donc un laps de temps assez court.

Le gouverneur Boisson souhaitait rejoindre De Gaulle avec l'AOF dont il était le gouverneur. Le Richelieu est stationné à Dakar, c'est l'un des deux navires qui manque à l'Angleterre. L'attaque du 3 juillet le fait changer d'avis. Ce ne sera pas le seul français qui ne combattra pas "directement" (dur d'établir une césure totale à cette époque) avec les anglais suite à l'attaque. Il aurait pu rechanger d'avis ?

http://www.youtube.com/user/PierreB...

(Entre 9 et 12min).

22. Le lundi 7 février 2011, 19:09 par Jean-Pierre Gambotti

Puisque ce sujet est par nature paradoxal, je n’hésite pas à me référer à l’Encyclopédie anarchiste de Sébastien Faure !
Citons :
" Le véritable sens de discipline est : « instruction qui se transmet » (Bescherelle). C'est l'enseignement, l'éducation, l'étude, ce qui forme la connaissance, donne à l'activité humaine une direction intelligente, éclairée. Le manque de discipline, ou indiscipline, est l'ignorance, l'obéissance aux préjugés, la marche aveugle à travers les chausse-trapes de la sottise (..). Le disciple était celui qui suivait la direction, la discipline, de celui qui l'avait instruit ou de l'enseignement qu'il avait reçu.
Tout cela s'est modifié et fait que tout le monde ne parle plus la même langue en matière de discipline et de son contraire l'indiscipline. Peu à peu le disciple devint celui qui se plaça sous l'autorité d'un maître ou d'un enseignement sans jamais les avoir connus. C’est ainsi qu'on a vu tant de disciples dénaturer et ridiculiser, en prétendant les défendre, des idées et des hommes qu'ils n'avaient jamais compris. L'ignorance du disciple incita le maître à pontifier et à se montrer de plus en plus tyrannique. La discipline, perdant son caractère d'enseignement, devint la règle, la loi qui exige l'obéissance passive (…)
La discipline, direction intelligente d'après la connaissance, devenait la discipline, soumission aveugle dans un renoncement de l'intelligence qui allait jusqu'à la mort. La même discipline s'établit pour le guerrier avec la formation des armées permanentes. De là cette discipline érigée en commandement formel, sans réplique, et la soumission totale avec l'obéissance sans discussion. De là aussi, la réaction inévitable, l'antidote du poison : l'indiscipline devenant bonne contre une discipline devenue mauvaise."

Anarchistes et archontes/stratèges du XXI° siècle même combat, haro sur la discipline, vive l’indiscipline !
Mais appuyer son argumentation sur les plus virulents des contempteurs est une des exquises perversités des sophistes, je me réjouis donc de pouvoir utiliser cet extrait de l’article sur l’indiscipline signé Edouard Rothen pour étayer mon petit discours. Car je persiste dans mon commentaire ante malgré le peu d’assentiment que je perçois chez vos lecteurs : l’indiscipline ne peut constituer le fondement d’une doctrine, elle n’est même pas un procédé de circonstance que l’on pourrait théoriser. Elle n’est que la conséquence de la corruption de l’état de confiance qui existe entre le chef et son subordonné, la dissolution de ce lien qui fait qu’on commande et qu’on obéit en communion, grâce à une culture partagée et une méthodologie commune pour raisonner la guerre. L’indiscipline est un sous-produit de l’obéissance passive, mais est-il encore un chef militaire aujourd’hui qui ait des nostalgies pour le Règlement de discipline générale de 1933, notamment pour son Article 1er alinéa premier, tellement lointain et obsolète qu’Olivier Kempf, le classe parmi les "adages" militaires ?

Soyons clair, l’obéissance passive était fille de la contingence, de l’extrême rusticité des moyens de diffusion des ordres et d’une méthodologie sommaire de planification des opérations impliquant peu les échelons subordonnés, dans la conception puis dans la conduite de l’action. Nous sommes d’évidence dans une situation très différente, l’échelon subordonné participe à la conception des opérations, il suffit de relire la MPO pour le vérifier et la conduite se fait quasiment en concertation, du moins en conversation. C'est-à-dire intelligemment et en bonne intelligence -loin de la " soumission aveugle " et "l’exécution sans hésitation, ni murmure" -, en application du principe "des baïonnettes intelligentes" disais-je…
Très cordialement.
Jean-Pierre Gambotti

égéa : les anarchistes sont donc des hommes d'ordre !

23. Le lundi 7 février 2011, 19:09 par oodbae

A la lecture de "Opex Tacaud", de Y Cadiou, il me semble que l'indiscipline prenne un autre sens que celui de la "désobeissance". Certains passages décrivant l'abandon du casque sous le soleil du Sahel ou l'attaque sans blindés et bien d'autres sont décrits comme "l'adaptation aux circonstances" . Cette "adaptation aux circonstances" est désignée au mieux comme une perte des principes et au pire comme de l'indiscipline voire de l'insubordination , d'après le témoignage "Opex Tacaud", par les soldats de bureau en métropole, lesquels semblent accorder à la discipline une importance croissant à mesure de leur éloignement du champ de bataille (cf le paragraphe sur le refus de fournir des obus de 106 parce que Cadiou n'est pas sensé posséder cet équipement).
Pourtant, cette adaptation aux circonstances semble être une caractéristique essentielle de l'opération (bataille de Njédaa) ayant permis le succès. Est-ce que les soldats ont fait preuve d'indiscipline? Se sont ils posés la question : "heu, je ferais pas un peu preuve d'indiscipline, là?". Il semble en tout cas que c'est leur esprit d'initiative et leur liberté d'action qui ont permis cette victoire. De sorte que ce n'est pas l'indiscipline qui a fait leur force mais leur esprit d'initiative.
Si on nomme cet esprit d'initiative de l'indiscipline, le théorème reste t il inchangé, comme un changement de nom de variable en informatique: double a=1; double b; b=a; // donc b=1 ?? . C'est à dire, nommant cet esprit d'initiative de l'indiscipline, peut on affirmer "c'est l'indiscipline qui fait la force des armées "? D'après le consultant, la réponse est oui. D'après moi, et bien, tout dépend de la faculté de l'interlocuteur de distinguer "indiscipline" de "désobeissance" et même d'"abandon de poste" ou encore de "trahison".
Cordialement.

24. Le lundi 7 février 2011, 19:09 par

Réponse à oodbae (commentaire 23)
L’adaptation aux circonstances fut effectivement l’une des principales caractéristiques de l’opération Tacaud : on peut la qualifier d’indiscipline mais je la qualifie d’adaptation car elle n’allait pas à l’encontre de la mission qui était, pour nous sur le terrain, de désarmer les rebelles. Si nous avions été formellement disciplinés, nous ne serions pas partis : par exemple la moitié de mes conducteurs n’avaient pas le permis de conduire, c’était un motif formellement suffisant pour ne pas y aller.

L’indiscipline proprement dite s’est située ailleurs. Elle s’est située au niveau politico-militaire, peut-être au niveau du Général Lagarde, CEMAT, ou du Général Bredèche, COMELEF (commandant les éléments français au Tchad), ou les deux ensemble, je ne sais pas : nous intervenions en vertu des accords franco-tchadiens de 1976 qui prévoyaient que l’armée française fournissait un « soutien logistique » à l’armée tchadienne sans participer aux combats. L’indiscipline a commencé à Paris où quelqu’un a décidé d’envoyer au Tchad des moyens qui n’étaient pas doués pour une mission logistique : troupes d’assaut (3°RIMa au complet), cavalerie légère (éléments du RICM et du 1°REC), artillerie (éléments du 35°RAP et du 11°RAMa), aviation d’appui-feu (les Jaguars).

Ensuite l’indiscipline a continué (je ne sais pas à quel niveau) en nous donnant l’autorisation de prendre directement le combat à notre compte et de passer à l’offensive, ce qui était la seule attitude intelligente possible : ce fut une sorte de « surprise stratégique » pour l’ennemi qui semblait certain qu’il conserverait éternellement l’initiative. Cette indiscipline a suscité à Paris la colère et les insultes de l’opposition socialiste, un « déferlement de calomnies » dont j’ai parlé et dont je garde un souvenir inoubliable : j’aimerais un jour savoir pourquoi le PS et ses relais nous ont insultés alors qu’au contraire notre action était un modèle de violence retenue sans dégâts collatéraux tout en respectant formellement la consigne, dangereuse pour nous, de ne pas tirer les premiers.

A noter que plus récemment, en février 2008, à peu près les mêmes troupes de choc (3°RIMa, 1°REC) intervenaient au Tchad, encore en vertu des accords de 1976 et selon la fiction du « soutien logistique ». Cette fois, je n’ai pas entendu parler d’indiscipline parce qu’ils ont pris le combat à leur compte seulement quand (et aussitôt que) la communauté internationale a donné à la France la mission d’évacuer les ressortissants étrangers, ce qui impliquait qu’aucun hostile armé et vivant ne devait se trouver dans un rayon de N kilomètres autour de l’aéroport. Encore une fois, c’est bien de relation pol-mil qu’il s’agit.

25. Le lundi 7 février 2011, 19:09 par oodbae

@bleu3: Sur le site suivant, on aborde le droit de retrait, dont vous parlez: http://www.rocheblave.com/avocat-mo... (exemple de droit de retrait en cas de pandémie pour éviter les contaminations sur le lieu de travail). Il y est question d'une circulaire prétendant restreindre le droit de retrait dans le cas de la pandémie H1n1. L'avocat argumente contre le bien-fondé de cette circulaire.

On y constate la tendance des administrations à vouloir restreindre le droit des salariés à privilégier leur sécurité devant leur devoir [professionnel]. Il en serait probablement de même pour les soldats, non? Vous voyez des bureaucrates encourager l'infraction aux règlements disciplinaires qu'eux mêmes ou leurs collègues ont mis en place?

26. Le lundi 7 février 2011, 19:09 par oodbae

@Gambotti: Ne croyez-vous pas qu'en distinguant l'indiscipline de la désobeissance, on puisse alors renommer l'indiscipline comme la liberté d'action, ou la liberté d'initiative, ou la marge de manoeuvre opérationelle? Réfuteriez vous l'idée que le terme "indiscipline" est l'expression de la frustration d'un supérieur en constatant que ses subordonnés n'ont pas, à franchement parler, désobéi aux ordres mais n'ont pas non plus respecté à la lettre ses consignes et ont fait preuve d'une intelligence pratique qui blesse le complexe de supériorité du supérieur en question?
Je vous pose la question parce que je suis en première lecture largement d'accord avec vous mais tends à croire que l'indiscipline est liée en pratique à des sanctions et des actes dont l'exécution s'affranchit allègrement des considérations de "corruption de l'état de confiance" que vous évoquez et auquelles je crois pourtant.
Cordialement.

27. Le lundi 7 février 2011, 19:09 par oodbae

@Cadiou (commentaire 24): merci pour votre réponse.

28. Le lundi 7 février 2011, 19:09 par Jean-Pierre Gambotti

Courte réponse à oodbae.

Prendre sa place dans une organisation dont la violence est l’instrument légitime exige que l’on accepte la discipline comme clause essentielle du contrat qui lie le chef et le subordonné. Et même dans notre période "déconstructiviste" , je n’ai aucun doute, je pense toujours que la discipline est la valeur cardinale du soldat. Quand on traite de la mort il est nécessaire que tous les décideurs et tous les acteurs de la structure hiérarchique aient la même intelligence de l’action et sachent faire circuler dans la pyramide ce fluide montant et descendant qui fait la décision partagée. Mais sans vouloir faire dans l’irénisme- la discipline est subordination- n’oublions pas quand même, pour citer Rousseau, que "l’obéissance à la loi que l’on s’est prescrite, est la liberté", la discipline itou…
Plus personne aujourd’hui, je le répète, n’excipe du RDG de 1933 pour commander en opérations, comme pourraient l’induire certains exemples historiques qui sont pour plusieurs raisons…anachroniques ! Depuis longtemps les armées européennes se sont rapprochées culturellement en utilisant un type commun "d’Auftragstaktik" ou de "Mission Command", c'est-à-dire en fondant la cohérence et l’unicité de la manœuvre sur l’Intention de l’échelon supérieur, les modalités d’exécution de la mission étant laissées à la créativité tactique des unités subordonnées. Dans la conception française je rappelle que le mécanisme gigogne de notre Méthode originale – et géniale ! - but à atteindre/effet majeur, répond au même souhait de laisser aux subordonnés la responsabilité de concevoir la manœuvre de leur niveau. Ainsi pour répondre précisément à oodbae, "la liberté d’action, la liberté d’initiative ou la marge de manœuvre" des subordonnés sont rarement restreintes, la méthodologie l’interdit doublement, puisque la planification des opérations, j’insiste, impose aussi que l’échelon immédiatement subordonné participe aux travaux de conception. Comment peut-on être conduit à l’indiscipline ou à la désobéissance quand la manœuvre est conçue en participation et en privilégiant l’esprit plutôt que la lettre ?
Je ne doute pas qu’en conduite, l’action, les frictions, le brouillard et autres incertitudes, puissent créer des situations dans lesquelles le chef sur le terrain et le chef éloigné doivent se concerter. C’est dans ces circonstances, pour pouvoir commander et savoir obéir, que la confiance et la discipline doivent être consubstantielles. Tout subordonné dans l’action doit pouvoir entendre de son chef que la décision prise sur le terrain sera la sienne. Tout chef éloigné qui prend une décision à l’encontre de l’intérêt local pour permettre le succès général de la manœuvre, doit pouvoir être sûr du sens de la discipline de son subordonné.
Mais nous sommes dans la simplification.
Très cordialement.
Jean-Pierre Gambotti

29. Le lundi 7 février 2011, 19:09 par Cadfannan

En aéronautique, le facteur humain est à l'origine de 90% des accidents. On distingue l'indiscipline de la violation:
L'indiscipline, c'est la transgression des règles dans le but de mieux accomplir la mission. Par exemple, les pilotes qui ne respectent pas la consigne de hauteur minimale pour être plus entraînés au vol à basse altitude.
La violation, c'est la transgression des règles dans un but personnel. Par exemple, les pilotes qui ne respectent pas la consigne de hauteur minimale parce que c'est plus sympa de voler bas et vite.
On constate que le nombre d'indisciplines et de violation dans une organisation dépend en grande partie de l'organisation: il s'agit d'un problème systémique. Un système qui encourage ou ne dissuade pas les indisciplines, en fermant les yeux car ces actes permettent une plus grande efficacité, encourage de fait également les violations. A l'inverse, pas de violation sans indisciplines.
L'indiscipline permet donc ponctuellement une meilleure efficacité, mais ne peut en aucun cas être à la base d'un système.

30. Le lundi 7 février 2011, 19:09 par oodbae

@gambotti: merci pour votre réponse.

31. Le lundi 7 février 2011, 19:09 par bleu 3

J'ai appris plein de choses, merci notamment à oodbae pour l'étude stricte de maître Rocheblave, comme quoi certains ministères prennent de sérieuses libertés vis à vis des lois.
Tout baigne, donc, l'Auftragstactik a remplacé la Befehlstatik, la MPO génère des analyses pertinentes, à la suite desquelles les flux descendants et remontants se croisent harmonieusement.
Les exécutants ont la bride sur le cou, et peuvent innover, du moment qu'ils connaissent le but à atteindre.
De plus, le clivage POL-MIL n'est pas aussi abrupt qu'on pourrait le penser: il y a des passerelles entre les deux fonctions, notamment par les conseillers et attachés MIL dans les cabinets POL. (on pourrait les appeler des MIL-POL ou des POL-MIL, sachant que les conseilleurs ne sont jamais les payeurs).
Donc, aucune justification ni de nécessité de l'indiscipline, qui ne peut être que l'attitude d'esprits chagrins, d'anarchistes, ou de déséquilibrés mentaux.
Pourtant, çà ne marche pas très bien, il y a de sérieux "dysfonctionnements" comme on dit maintenant.
Tout le monde sait de quoi je parle, je tiens quand même à dire que, si l'on a daubé sur les pantalons rouges de 1914, il n'y a pas de quoi se vanter d'avoir envoyé nos piou-pious dans les montagnes afghanes, seuls des troupes de la coalition à porter le camouflage "centre Europe" qui révèle, à l'oeil nu, un type bougeant à 2 km.
Ne pas prétendre, svp, que c'est pour mieux s'amalgamer à l'ANA.......
Plus sérieux: le colonel des Alpins de Chambéry a fait une conférence en juillet, et j'ai noté que son moyen de lutter contre les harcèlements était d'envoyer des patrouilles aléatoires sur les pas de tir habituels des mortiers des insurgés.
J'ai râlé en voyant défiler le 14 juillet à Paris des radars capables d'apprécier la trajectoire de projectiles ennemis pour donner aussitôt des éléments de contre batterie.
Que faire?
Nous (des civils, je précise) avons demandé à notre député d'écrire à monsieur le ministre de la Défense de l'époque, en insistant sur la nécessité absolue de doter nos troupes d'armes lourdes d'appui.
Tout guilleret, monsieur Morin lui a répondu que, justement, il venait de faire expédier là bas deux mortiers de 120....!!!.
Les adhérents de nos associations patriotiques ne sont pas du genre à descendre dans la rue, et la forme physique n'y est plus.
Par contre, ils votent,leur taux d'abstention
est faible, ce dont l'état devrait avoir une juste conscience, on ne sait jamais.....
A noter qu'il est difficile de recruter des camarades issus des OPEX, qui vont plutôt vers deux organisations spécifiques, et en petit nombre: la "course à la médaille" de certains chefs semble les avoir dégoûtés du bénévolat, sans parler de la laborieuse réalisation des listes d'unités combattantes (sauf pour la Marine et l'Aviation).
Lors d'un café-brioche d'après obsèques, j'ai sympathisé avec un "para Colo", africain de 84 printemps, qui déplorait le peu de considération du Pays envers ses anciens combattants, ce qui, d'ailleurs, diminue encore, puisqu'il n'y a même plus de secrétaire d'état ad hoc.
Bien sûr,lui dis-je, et çà diminuera encore puisque de moins en moins nombreux.
Il m'a alors cité un dicton de son pays d'origine:
"La puce méprise le chien....
Pourtant, elle vit de son sang !!!!"
Je m'abstiendrai de tout commentaire.
Il y a quand même de l'espoir, de fortes personnalités râlent,d'autant plus qu'elles ne peuvent guère être sanctionnées (généraux, aumonier militaire), ce n'est pas de l'indiscipline, ce sont de justes interventions.
Car la trop stricte discipline, c'est la fin de l'armée.

32. Le lundi 7 février 2011, 19:09 par les Shadoks

"Pour faire le moins possible de mécontents, il faut taper toujours sur les mêmes" (les Shadoks).

Oui je sais, c'est bête (c'était bien le rôle des Shadoks : faire rire par leur bêtise) mais je voulais faire remonter sur le dessus de la pile, dans la colonne "commentaires", cet intéressant débat concernant le commandement.

Yves Cadiou

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