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Exception française

L'autre jour, lors d'un de mes cours à Sciences Po, j'emploie l'expression "exception française" : c'est bien le moins, lorsqu'on discourt sur la géopolitique de la France. Mais comme j'ai un tiers d'Américains, un quart de Canadiens et un quart d'autres étrangers, je m'aperçois soudainement qu'ils n'ont jamais entendu parler de cette exception française.

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Et que ce qui nous semble à tous sinon clair, du moins familier, n'a absolument aucun sens à l'extérieur.

Bon, il a fallu pédaler pas mal pour évoquer l'aspect politique (De Gaulle dans les années 1960) pour dériver sur l'aspect culturel (lutte contre la mondialisation, transformée en "exception culturelle"), sur les modèles universalistes, sur le déclassement, et sur les représentations mentales collectives qui appartiennent, incontestablement, à la géopolitique.

Et voir que cette notion nous est si particulière et qu'elle n'évoque rien à l'extérieur, prouve clairement qu'on touche là à un profond ressort de la géopolitique française : non que cette exception soit une réalité, mais à tout le moins qu'elle est vécue comme une réalité.

O. Kempf

Commentaires

1. Le dimanche 20 février 2011, 20:54 par yves cadiou

Que cette notion n’évoque rien à l’extérieur, je n’en suis pas si sûr. Vos élèves étrangers sont un peu comme Monsieur Jourdain : ils font l’exception française sans le savoir. Elle est sous leurs yeux parce que votre classe compte seulement 1 français sur 6 élèves. Mais ils ont une excuse pour ne pas voir : sans doute le prof a-t-il tellement de présence qu’il compense la disproportion.

Il suffirait de leur demander pourquoi ils étudient à Paris et non ailleurs dans un pays anglophone ou hispanophone ou germano- (etc., je ne fais pas toute la liste) et ils évoqueraient alors, sans le savoir, l’exception française.

Ceci étant posé et supposé, un Français (soyons clair : pour moi le Breton est un Français) peut aussi mentionner sans chauvinisme son exception dite « française » parce qu’elle est plus ancienne que la France : elle est inscrite depuis des millénaires dans la géographie. Les menhirs de Carnac, avec leurs cinq mille ans d’âge, montrent qu’elle était déjà préhistorique.

On peut imaginer qu’à l’époque lointaine où l’homme s’est différencié du singe (plusieurs millions d’années), il a continué de vivre comme son cousin, en troupes qui nomadisaient nord-sud au rythme des saisons. En Asie et en Amérique aucun relief ne s’oppose à ces migrations saisonnières. Mais en Asie, nos lointains ancêtres ont peu à peu infléchi leur mouvement vers l’ouest, constatant que dans cette direction les hivers étaient moins rudes. Ils n’avaient pas la moindre idée de la douceur océanique, du gulf-stream ni de la dérive nord-atlantique mais s’ils étaient intellectuellement curieux (ils l’étaient certainement, pas bêtes, seulement moins branchés que nous) peut-être expliquaient-ils la modération relative des hivers par la proximité du soleil couchant dans cette direction. http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichie...

A mesure qu’ils avançaient vers l’ouest, leurs nomadisations saisonnières dans le sens nord-sud devenaient de plus en plus difficiles, bloquées par des mers (Baltique, Mer du Nord, Manche, Méditerranée) et des montagnes (Caucase, Anatolie, Alpes, Pyrénées). Arrivés dans la péninsule armoricaine, ils se sont sédentarisés sur le rivage et surtout sur les presqu’îles, faciles à défendre contre les prédateurs bipèdes ou quadrupèdes. De plus les hivers y sont doux, l’on y meurt rarement de froid. L’océan, au contraire de la terre et des fleuves qui gèlent, continue de nourrir son homme grâce à des coquillages pendant l’hiver.

Le niveau de l’océan, il y a cinq mille ans, se situait cinquante mètres plus bas qu’aujourd’hui mais la côte armoricaine était tout autant découpée. Des archéologues, en 2006, ont découvert, étudié et daté des traces d’occupation humaine sédentaire (des maisons) datant de cinq mille ans, le même âge que les menhirs de Carnac, sur les îles qui forment un petit archipel à l’ouest du Finistère. Ces îles sont les derniers sommets émergés d’une presqu’île qui existait il y a cinq mille ans et qui est maintenant un plateau immergé. http://fr.wikipedia.org/wiki/Archip...
Devenus sédentaires, ces hommes d’exception pas encore « française » ont commencé à observer le ciel année après année, de génération en génération : les menhirs de Carnac sont alignés selon les solstices. L’exception française a commencé par être une exception armoricaine mais il faut très modestement reconnaître que nous n’y sommes pour rien : ni nous, ni nos ancêtres. L’exception française préhistorique fut imposée par la géographie. Goscinny en avait peut-être l’intuition quand il a positionné ses irréductibles Gaulois en Armorique.

2. Le dimanche 20 février 2011, 20:54 par

France Is Different Because ...
... it sees itself as different.

http://www.time.com/time/europe/mag...

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