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Libye : et maintenant ?

Difficile de commenter en direct une révolution, avec des informations très fragmentaires. Madame Kempf m'a pourtant demandé : "toi qui es géopolitologue, qu'est-ce qui va se passer ?"

Éléments de réponse....extrêmement prudents !

Il y a à mon avis deux solutions possibles :

1/ Comme Ben Ali et Moubarak, le colonel Kadhafi saute. La difficulté tient à ce qu'il a tellement tiré sur sa population qu'aucun pays n'acceptera de l'accueillir. Au fond, il a été tellement radical qu'il est obligé de jouer jusqu'au bout.

2/ Il s'enferre dans une guerre civile. il semble qu'il veuille à toute force conserver la ville de Tripoli, à partir de laquelle il compte reconquérir le reste du pays qui paraît divisé. L'usage des armes lourdes manifeste cette détermination. L'opposition réussira à rassembler quelques armes lourdes également, avec une lutte sans pitié (qu'on pense à la répression des Tigres Tamoul par les autorités sri lankaises). Je ne crois pas, en tout cas, à ce que cela se termine en deux ou trois jours.

3/ L'enjeu est évident :

  • soit Kadhafi réussit, et les autres régimes dictatoriaux n'hésiteront pas face à leurs propres mouvements de révolte : ce sera toujours plus sanglant.
  • Soit il échoue, et les vannes sont ouvertes pour des mouvements toujours plus contagieux.

O. Kempf

Commentaires

1. Le mardi 22 février 2011, 16:48 par Midship

Question de béotien : Et si tout le monde se retourne contre lui en interne, soit activement (les ambassadeurs un peu partout semblent montrer la voie), soit passivement en adoptant une posture attentiste. Alors il ne pourra même plus prétendre gagner Tripoli et n'aura donc pas d'autre porte de sortie.

Sera-t-il alors jugé ? Tué ? Jugé puis tué ? Et qu'adviendra-t-il du pays ?

2. Le mardi 22 février 2011, 16:48 par Midship

Question de béotien #2 :
Quel impact un changement de régime en Libye (prenons deux hypothèse : l'un version fondamentalisme, extrémiste, encore pire, et l'autre version démocratie républicaine) pourrait-il avoir sur le Tchad et sur les autres voisins ?
Quels impacts cela pourrait-il avoir sur l'influence chinoise ou russe dans la région ?

3. Le mardi 22 février 2011, 16:48 par bryaxis

La Tunisie et l'Egypte ne risquent-elles pas d'intervenir pour aider "les frères opprimés" ? Après tout une assistance sous forme de brigades de volontaires composées des plus militants des révolutionnaires de ces pays pourrait servir les intérêts des gouvernements de transition...

4. Le mardi 22 février 2011, 16:48 par Stephane P

J aimerais savoir dans quelle mesure une opération militaire menée sous l'égide de l ONU pour contrer ce "génocide" est possible, surtout dans l'état actuel des questions sur l'ingérence?

5. Le mardi 22 février 2011, 16:48 par

Il faut insister sur la prégnance du tribalisme en Libye, sans commune mesure avec les situations tunisienne ou égyptienne.

Qadhafi est fini, surtout depuis la défection du ministre de l'Intérieur, un fidèle. Quoi après? La question reste posée.

Je pense que l'usage de la violence est principalement corrélé avec l'influence militaire américaine sur le régime. C'est bien les Américains qui ont fait basculer les armées égyptienne et tunisienne.

6. Le mardi 22 février 2011, 16:48 par panou34

A l'Ouest la Tunisie a toujours fait patte de velours avec Khadaffi qui a été l'ultime supporter de Ben Ali.A l'Est on doit suivre la situation avec plaisir tant les relations ont toujours été tendues(guerre de 1977 avec de beaux duels MIG-MIRAGE).Face au nain démographique libyen les 80 millions d'égyptiens peuvent rêver d'un espace vital riche économiquement où vivent déjà bon nombre de travailleurs émigrés.A noter que des insurgés ont abandonné le drapeau libyen et brandissent pour certains l'emblême de l'ancienne dynastie qui a toujours eu l'appui du Caire et de Ryad.Enjeu important pour l'Egypte à court terme permettant peut-être de rassembler toutes les tendances dans un projet de" protectorat" sur la Libye.Le Caire doit jouer finement dans cette perspective mais le flou institutionnel est un handicap actuellement.

7. Le mardi 22 février 2011, 16:48 par

Concernant la question de l'ingérence, une réponse:

«S'il faut trouver prétexte, on arguera que la conduite de l'État délinquant représente une menace pour la sécurité internationale et c'est avec de tels argument que la France, dès 1946, engagea le Conseil de sécurité à enquêter sur la situ...ation intérieure en Espagne, que lus, on sanctionna l’apartheid en Afrique du Sud ou qu’on combattra dans les Balkans les pratiques d’épuration ethnique. La volonté d’agir, face à une situation jugée par le grand nombre inadmissible, suffit. Cependant, puisque bien les Nations Unies récusent, dans leur majorité, l’emploi d’une expression, l’«ingérence», trop chargée de relents dominateurs pour séduire, elles usent très librement, pour fonder leur intervention, de différents principes déduits de la Charte : le plus courant est celui du maintien de la sécurité internationale en réprimant ce qui peut la menacer.

Plus récemment et pour consacrer habilement la primauté accordée à la souvent nationale, le Secrétaire général et ses experts ont fait valoir que le premier attribut de la souveraineté réside dans la capacité d’un État à protéger sa population. La souveraineté est une responsabilité et la première de ces responsabilités est de préserver son peuple. Un État fait-il le contraire, tyrannise-t-il sa population qu’il manque au devoir premier dans lequel s’incarne sa souveraineté. Aux autres Etats, au Conseil de sécurité de rappeler le délinquant à son devoir et d’intervenir en conséquence pour défendre les droits de ce peuple.»

Il s’agit de contraindre la souveraineté pour mieux la rétablir.

Alain Dejammet, À quoi servent les Nations Unis ?

Concernant l'impact sur les voisins africains:
http://sahelblog.wordpress.com/2011...

8. Le mardi 22 février 2011, 16:48 par yves cadiou

« On » préconise d’intervenir en Libye : « on » ne réfléchit pas assez avant de parler, à mon humble avis. Ce serait pour la France encore une occasion de se démarquer.

Dans l’observation de la crise libyenne nous avons un motif de divergence avec les Américains, motif excellemment caricaturé par les Guignols de C+ qui font dire à Obama : « le droit de l’homme le plus vital c’est de pouvoir faire le plein de son pick-up, mec ! Trois cents millions d’obèses qui ne savent pas faire cent mètres à pied, ils ne veulent pas qu’on touche au pétrole : le dernier qui a essayé c’est Saddam Hussein, on l’a pendu comme au far-west ! »

Au contraire (exception française) nous sommes dans l’après-pétrole : alors que les Etats-Unis produisent 55% de leur électricité à partir d’hydrocarbures (le nucléaire est à seulement 19%, plus aucune centrale n’a été construite depuis les années 1970 suite à l’accident de Three Mile Island http://fr.wikipedia.org/wiki/Produc... ), l’énergie en France est principalement d’origine autre que pétrolière ou gazière (le « thermique à flamme », incluant aussi le charbon, représente 5%).

Rapport officiel ici : http://www.minefe.gouv.fr/fonds_doc... C’est un sujet de défense économique. Ce rapport indique qu’une pénurie ou une forte hausse des prix des hydrocarbures ne nous gênerait que marginalement, mettrait certes des professions en grande difficulté mais toucherait des activités dont la plupart ne sont pas vitales pour la collectivité : tourisme (avion, voiture, navires de croisière), pêche déjà mal en point, transport maritime. Les professions touchées devraient augmenter leurs tarifs ou être aidées pour s’adapter techniquement mais la hausse des prix serait supportable pour l’économie nationale. Nos exportations seraient modérément touchées dans la mesure où nos principaux clients ne sont pas énergétiquement très dépendants, dit aussi ce rapport.

Par conséquent la perception française de la crise libyenne ne peut pas être la même que celle de la Maison Blanche.

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