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Le spectre de la guerre civile en Libye : des dominos au chaos par JS Mongrenier

Je recopie ce texte que m'a envoyé Jean-Sylvestre Mongrenier, chercheur à l'institut Thomas More, et qui est d'ailleurs paru sur la page de l'institut : mas peut-être n'y allez vous pas tous les jours, et les bons articles méritent d'être communiqués à des publics les plus larges.

nv_drapeau_libyen.jpg

Merci donc à JS pour cette analyse.

O. Kempf

Par Jean-Sylvestre MONGRENIER, chercheur associé à l’Institut Thomas More, chercheur à l'Institut Français de Géopolitique (Université Paris VIII Vincennes-Saint-Denis).

Selon la « doxa », les Etats riches en pétrole et faiblement peuplés devaient rester en marge des révoltes arabes qui secouent le Grand Moyen-Orient. L’insurrection en Libye et le risque d’une guerre civile invalident la thèse. Le cours des événements remet en cause l’absurde scénario d’un Kadhafi repenti et la chute de ce régime, voire le déchirement de la Libye, interpellent les Etats européens. Leurs dirigeants, les opinions publiques aussi, doivent rompre avec le pavlovisme linguistique pour préempter les logiques de chaos qui menacent en Méditerranée.

Conformément à la théorie des dominos, les observateurs scrutaient le Grand Moyen-Orient pour anticiper la chute du prochain « homme fort », dictateur ou tyran, dans le prolongement de Ben Ali et de Moubarak. L’Algérie ou la Jordanie ? Le Yémen ou Bahreïn ? Le cas du Maroc reste formellement exclu quand bien même les commentateurs se font plus prudents. C’est en fait la Libye qui bascule aujourd’hui dans le chaos, sans que l’on comprenne encore s’il s’agit d’une « révolution post-islamiste » (Olivier Roye, à propos de l’Egypte), d’une sécession d’une partie de la population dans un pays segmenté en tribus, ou d’un coup de force de militaires passés à l’opposition. Les informations sont parcellaires et incertaines mais il est évident que la longue tyrannie de Kadhafi vacille à son tour.

Une tyrannie sanglante

De premières manifestations se sont déroulées dans la partie orientale du territoire, le 15 février 2011, et la répression commandée par Kadhafi et ses fils a renforcé plus encore le déchaînement de violence. Le bilan se chiffre en centaines de mort et l’un des fils du « Guide de la Jamahiriya », Seïf Al-Islam, annonce des « rivières de sang ». « Nous ne lâcherons pas la Libye, a-t-il martelé, et nous combattrons jusqu’au dernier homme, jusqu’à la dernière femme et jusqu’à la dernière balle » (allocution télévisée du 20 février 2011). Et d’agiter le spectre de la partition en de multiples « émirat islamiques » selon un mouvement de retour à la période précoloniale.

De fait, l’extension de l’insurrection menace l’unicité de ce vaste pays (1,7 million de km²), faiblement peuplé (6,5 millions d’habitants), marqué par d’importantes forces centrifuges (tribus arabes opposées les unes aux autres, touaregs, etc.). A 1000 km de Tripoli, la deuxième ville du pays, Benghazi, serait passée aux mains des insurgés. Il en irait de même pour Syrte et une dizaine de villes du pays. A Tripoli, Kadhafi et son clan ont organisé des manifestations de soutien mais plusieurs bâtiments officiels, dont le siège de médias officiels et une « salle du peuple » située en centre-ville, auraient brûlé. Différentes tribus, tenues aux marges de l’appareil de pouvoir (et donc aux aménités de la rente pétrolière), seraient entrées en sécession. Dans l’ouest et le sud du pays, des groupes de Touaregs suivraient cette voie, menaçant les lignes de communication du Sud saharien. Selon la chaîne de télévision Al-Jeezira, information corroborée par des témoignages locaux et des films amateurs ; des avions et des hélicoptères de l'armée de l'air libyenne auraient ouvert le feu, le lundi 21 février, sur des manifestants antigouvernementaux réunis dans divers quartiers de Tripoli, faisant plusieurs morts.

Un pouvoir mégalomaniaque

Ces faits révèlent la réalité du pouvoir de Kadhafi. Voici plus de quarante ans que l’homme occupe sans partage le devant de la scène. Le 1er septembre 1969, il était à la tête du coup d’Etat mené par de jeunes officiers nassériens. Au fil des décennies, Kadhafi aura mis en scène une « société du spectacle », version bédouine, et mené une diplomatie fantasque parsemée d’échecs. Remémorons-nous les divers projets d’unité arabe, proposés tour à tour à l’Egypte, à la Syrie et la Tunisie. Ou encore le projet des « Etats-Unis du Sahara », non sans inquiétudes du côté de Tunis et d’Alger, ainsi que les ambitions territoriales vers le Tchad, contrecarrées par l’armée française. Qu’importe ces multiples échecs. Kadhafi brandit son « petit livre vert », met en place la « Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste ». La mégalomanie du « guide » est portée à son comble lorsque ses homologues africains, réunis à Addis Abeba en février 2009, l’élisent à la présidence de l’Union africaine ; il se proclame alors « roi des rois ».

Dans l’intervalle, Kadhafi aura conjugué la rhétorique anti-impérialiste et le terrorisme d’où un raid de l’US Air Force, en 1986, sur l’une de ses résidences (l’épisode aurait marqué Kadhafi). Les services libyens sont notamment à l’origine des attentats commis contre le Boeing 747 de la Pan Am, en 1988, et le DC-10 d’UTA, en 1989. Le pays est mis sous embargo aérien et son pétrole est l’objet d’un long boycott international, levé en 2004. Sans être un des très grands producteurs mondiaux d’hydrocarbures, la Libye est le troisième producteur africain et l’importance de ses réserves la placent au premier rang, sur ce continent. Les enjeux pétroliers auront pesé dans la libération par le Royaume-Uni de l’un des terroristes libyens coupables de l’attentat de Lockerbie. Ainsi, Abdelbaset Ali Mohmet al-Megrahi, est-il sorti en août 2009 de sa prison écossaise, pour des raisons humanitaires (des médecins lui avaient diagnostiqué un cancer de la prostate qui ne devait lui laisser que trois mois à vivre. En fait, l'homme est toujours vivant aujourd'hui).

Une fausse rédemption

Le retournement géopolitique de la Libye, son semblant du moins, est amorcé en 2002-2003, sur fond de lutte contre le terrorisme et la prolifération. A la veille de l’intervention en Irak, Kadhafi entame une négociation secrète avec Londres et Washington. La décision libyenne de renoncer aux armes de destruction massive est annoncée en décembre 2003, au lendemain d’un sommet euro-maghrébin et à la grande surprise de la diplomatie française. Le 10 mars 2004, Tripoli signe le protocole additionnel du Traité de non-prolifération (le texte porte sur les « inspections inopinées », gage de vertu des Etats soupçonnés de prolifération) et se pose en « bon élève » de l’AIEA. Ce spectaculaire virage illustre les vertus de la diplomatie de la canonnière, certes impuissante à instituer derechef une « démocratie de marché » en Irak, mais suffisamment persuasive pour amener à la raison un régime tyrannique. Au mois de novembre 2004, Jacques Chirac vient proposer à son homologue un « partenariat stratégique » et son ministre de la Défense (Michèle Alliot-Marie) fait ensuite le voyage de Tripoli. Il s’agit de rattraper le temps perdu.

Au début du mandat présidentiel de Nicolas Sarkozy, la libération des « infirmières bulgares », en juillet 2007, est présentée comme le point de départ d’un partenariat militaro-industriel de portée euro-méditerranéenne. Il est même question de vendre un réacteur nucléaire civil à la Libye, les critiques se voyant reprocher leurs préjugés vis-à-vis des Arabes. Toutefois, Areva et le gouvernement n’ont pas donné suite ; quant aux ventes faramineuses qui devaient justifier la levée de toute répugnance, elles se sont révélées être en partie des mirages. D’autres pays se sont engagés dans une étroite relation avec ce turbulent « partenaire », la diplomatie italienne en tout premier lieu (les enjeux sont tout autant migratoires que pétroliers et Rome verse chaque année d’importantes sommes pour que l’Etat libyen surveille ses frontières sahariennes et intercepte les flux d’immigrés clandestins). Quant au Royaume-Uni, on l’a vu, le souci du compromis aura été jusqu’à libérer un terroriste libyen.

Pourtant, Kadhafi multiplie les provocations (on se souvient de sa pénible visite de cinq jours à Paris, en décembre 2007) et il refuse de rallier l’Union pour la Méditerranée (2008), le processus pouvant mener à la reconnaissance d’Israël. Pire. Le montage financier du « dossier bulgare » (via le fonds international de Benghazi, la fondation Kadhafi et les bons offices du Qatar) a permis à la Libye de recevoir des sommes de la part de l’Union européenne et de ses Etats membres qui excèdent ce que la Libye a du payer aux victimes des attentats terroristes de 1988-1989. De surcroît, Kadhafi a usé de son pouvoir de nuisance pour obtenir, avec l’accord de normalisation Libye-Union européenne, un statut sur mesure. C’est à juste titre que le quotidien genevois Le Temps avait alors évoqué la « vengeance du colonel Kadhafi » (25 juillet 2007).

Où en sommes-nous ?

Dans le présent contexte, suite aux protestations de Catherine Ashton, Haut Représentant de l’UE pour la politique étrangère, Kadhafi et son clan menacent de remettre en cause la coopération policière chèrement acquise par les Etats européens et d’ouvrir les vannes de l’immigration subsaharienne qui transite par la Libye (la Libye a 2000 km de côtes et 4000 km de frontières avec 6 voisins africains ce qui en fait une plate-forme pour l’immigration clandestine vers l’UE). Le secrétaire général aux Affaires étrangères de la Libye, Khaled Al-Khaim, a aussi menacé de prendre possession des sociétés pétrolières opérant sur le territoire. Les marchés pétroliers réagissent aux événements (le baril de pétrole dépasse les 100 dollars) et l’on craint l’affolement avec ses conséquences sur la reprise économique mondiale, particulièrement timide en Europe.

L’Union européenne refuse ce chantage et condamne la répression, tout comme les Etats-Unis, le pouvoir libyen devenant ainsi l’objet focal d’une curieuse réprobation unanime (l’Iran, les Frères musulmans, le Hamas et l’Organisation de la Conférence Islamique condamnent aussi Kadhafi). A juste titre, les ministres européens des Affaires étrangères, réunis en conclave le 22 février 2011, s’inquiètent surtout des conséquences migratoires du chaos libyen (l’arrivée de milliers de migrants tunisiens préfigurant ce qui pourrait arriver) et redoutent un scénario digne du « camp des saints ». Aussi les gouvernements italien et français, suivis par quelques autres, en appellent-ils à un nouveau « plan Marshall » pour relever le défi et contribuer aux processus de croissance susceptibles de « fixer » les populations d’outre-Méditerranée.

Au regard de la situation économique en Europe, cette aimable intention laisse circonspect. Pour aller à l’essentiel, la plupart des économies européennes sont épuisées et surendettées par le financement de Welfare States mis en place à une époque de forte croissance, de plein-emploi et de renouvellement démographique. Au cours des deux ou trois décennies qui précèdent, la France et d’autres pays ont soutenu leur consommation interne par des transferts sociaux que l’on a financés en faisant appel aux marchés internationaux, objet de toutes les haines par ailleurs. Et l’on propose aujourd’hui d’organiser des transferts de capitaux depuis le nord de la Méditerranée vers les rives sud et est, comme s’il s’agissait d’une simple question de volonté. Il doit bien exister des marges de manœuvre dans les budgets nationaux et communautaires mais certainement pas des sommes à la juste mesure des défis. Croit-on que l’on pourrait faire de nouveau appel aux contribuables allemands ou néerlandais, en sus des plans de secours de la zone euro, et ce sans réactions de l’opinion publique ? Agiter la thématique usée du plan Marshall, celle de la Méditerranée comme « lac de civilisation », ou encore du « dialogue des cultures », ne saurait dissimuler la précipitation des enjeux, au sens chimique du terme. __ « Lauda suprema lex »__

Le pavlovisme n’est plus de mise. C’est à une convergence des lignes dramaturgiques que l’on assiste en Méditerranée et il nous faut voir les choses telles qu’elles sont, quand bien même les réponses adéquates n’auraient rien d’évident. Depuis les débuts des révoltes arabes, on recourt à la métaphore de l’effet-domino. L’expression désigne une réaction en chaîne se produisant lorsqu’un changement provoque un changement similaire à proximité et ainsi de suite. Ainsi en était-il des événements tunisiens, retentissant sur les événements égyptiens puis sur la péninsule Arabique.

La métaphore a ses limites et la bascule de l’Egypte induisait déjà un changement d’ordre de grandeur qui amplifiait plus encore l’onde de choc. Dans le cas de la Libye, il ne s’agit pas de « manifestations », comme il se lit encore, mais d’une insurrection menaçant de se transformer en guerre civile. Des « dominos, » nous sommes passés au « chaos » et les possibles bifurcations vers des situations plus dramatiques encore doivent être pensées. Il ne s’agit plus d’espaces relevant du Moyen-Orient, comme l’Egypte et le Golfe (voire l’Afghanistan), mais du « grand Maghreb », sur le flanc sud de l’Europe.

Commentaires

1. Le jeudi 24 février 2011, 21:33 par CS

3 petits points:
un raid de l’US Air Force, en 1986:
Pas seulement, les PA de l US NAVY y ont egalement participe avec leur aeronautique navale.

sur l’une de ses résidences:
Pas seulement, des aeroports militaires et sites radars ont ete attaques

l’épisode aurait marqué Kadhafi:
Pour sur, une de ses filles a ete tuee...

2. Le jeudi 24 février 2011, 21:33 par panou34

Au vu de la désintégration de la Somalie en 3 "états",de la séparation nord sud de la Côte d'Ivoire,de la sécession trentenaire de la Casamance,du récent référendum indépendantiste du sud-Soudan,de la création de l'Erythrée aux dépens d'Addis Abeba on ne doit pas oublier que les troubles actuels dans le monde arabe peuvent profiter à des courants centrifuges et il doit être possible pour les connaisseurs d'en évaluer l'importance.On peut revenir à l'existence de deux Yémens comme autrefois.Des enclaves chiites à Bahrein,sur la côte orientale d'Arabie,de forts régionalismes en Cyrénaïque,chez les Berbéres du Maghreb....y-a-t-il de la prospective là-dessus en tenant compte de l'influence des pays voisins?
Souvent l'armée est le seul creuset national en apparence. Non pas le seul :les équipes nationales de foot aussi ....mais pour 90 minutes.mais il faut une armée forte sans l'existence de gardes présidentielles et autres organismes du même acabit
Sans prédire une surprise stratégique on ne doit pas écarter ces hypothéses.Une chose de sûre en tout cas :le panarabisme est bien mort et le mondialisme semble secréter ces pulsions "identitaires" dans beaucoup d'états. A notre proximité il suffit de regarder la querelle Wallons-Flamands,les régionalismes en Espagne et en Italie. la démocratie est difficile à installer. Au sein des incertitudes qui en résultent,n'est-il-pas naturel de se replier sur un acquis solide:les appartenances religieuses et ou géographiques quitte à choquer les tenants du village planétaire.

égéa : oui, il y a des risques centrifuges, comme vous le dites. Toutefois, nous sommes finalement assez nombreux à le signaler : égéa, JS Mongrenier, Sonia Le Gouriellec, ...

3. Le jeudi 24 février 2011, 21:33 par

J’ai trouvé sur le blog du MONDE DIPLO un article que je ne peux pas y commenter faute de place. Il est intitulé « guerre civile en Libye et options militaires » http://blog.mondediplo.net/2011-02-...
Dans le commentaire qui suit les guillemets encadrent des extraits de l'article du Diplo. « La violence de la répression en Libye a incité les pays européens, qui n’envisagent pas d’intervention militaire pour le moment, à entamer une démonstration de force navale, qui a pris forme en quelques heures, avec une célérité inhabituelle. Une petite armada converge en direction des côtes libyennes dans ce qui pourrait, à terme, devenir une véritable opération, mêlant la dissuasion à l’humanitaire. »
.

Ces prétendues « options militaires » dont, nous dit-on, parlent entre eux les personnels politiques européens sont présentées dans la suite de l'article. Si la présentation est exacte, on est obligé de conclure que c'est de la langue de bois et de se poser au moins trois questions.

1 Une présence navale au large, hors des eaux territoriales c’est-à-dire au-delà de l’horizon, sera invisible et elle ne peut pas « contribuer à rassurer quelque peu les populations ». L’on doit donc se demander quelle sera la signification de cette présence et quelle est déjà l’intention politique qu’il y a derrière ce rassemblement de navires de guerre au large de la Libye. D’autant qu’il y a parmi eux quelques navires dont les armes sont peu adaptées aux missions présentées dans l’article. Plusieurs frégates y figurent dont deux nous sont bien connues parce que françaises : deux frégates ASM, anti sous-marins, Tourville http://fr.wikipedia.org/wiki/Tourvi...) et Georges Leygues http://fr.wikipedia.org/wiki/Classe...
On aimerait comprendre à qui s’adresse cette démonstration de force.

2 Quant aux « unités de forces spéciales, avec des moyens amphibies », l’on doit se demander quelle mission (c’est-à-dire quel résultat à obtenir par les armes) leur serait assignée « en cas d’évolution encore plus dramatique de la situation ». Si la mission est d’évacuer les ressortissants, les politiques doivent être conscients (mais le sont-ils ?) que des moyens militaires ne sont pas seulement des moyens de transport mais aussi et surtout des moyens de combat. Pour extraire des ressortissants d'une zone où s’entretuent des gens armés et nerveux, militaires libyens ou non, l’ouverture du feu n’est même pas une éventualité plus que probable : c’est une certitude. Dans une situation « encore plus dramatique » il faudra y mettre des moyens de combat terrestres suffisants, ce qui ne semble pas être le cas d’après cet article.

3 Même genre de question sur l’ambiguïté de « cette petite armada (qui) pourrait également constituer un cordon de sécurité afin d’éviter une fuite en masse par la mer de Libyens ou d’immigrés africains vers l’Europe » : l’on n’ose pas imaginer que « cette petite armada » coulerait les boat-people en faisant usage de ses armes, mais c’est pourtant le seul moyen d’accomplir une telle mission si elle est confiée à des navires de guerre. Et si les bâtiments de transport « accueillent » des boat people, il faudra préciser d’avance en quel pays on a prévu de les débarquer. Au-delà du déploiement de moyens militaires, l’on doit se demander quelle est l’intention des décideurs politiques.
.

Les questions ci-dessus amènent les observations suivantes. Ce genre de questions, notamment celle qui concerne l’ouverture du feu face à des hostiles armés, n’est pas théorique. On se les pose depuis longtemps, et de plus en plus ouvertement, dans notre armée désormais aguerrie par quelques décennies d’opex et d’ambiguïtés gouvernementales. Prendre au bon moment la décision d’ouverture du feu, ce n’est pas rien : elle est prise au nom de la France qui a missionné des forces armées, elle n’est pas prise à l’intuition mais elle est prise compte tenu de la situation juridique définie par la mission. Pour prendre valablement cette décision les officiers sur zone doivent savoir clairement quelle est la mission, quel est le résultat à obtenir.

Le personnel politique semble toujours oublier que le rôle des armées est de mettre en œuvre la violence des armes. Je crains que l’on voie encore une fois ici ce que l’on a vu trop souvent depuis que les militaires sont envoyés en opex : les décideurs politiques s’abstiennent de définir clairement la mission et espèrent que les militaires, sur place, auront les bonnes idées qu’eux-mêmes sont incapables d’avoir au niveau politique.

Il est totalement irresponsable de la part du personnel politique d’envoyer des détachements de l’armée dans un secteur troublé sans leur préciser quelle est le résultat à obtenir par les armes.
Les moyens qui, d'après l'article du diplo, sont actuellement en route sont inadaptés aux missions qui sont suggérées dans l’article. Ceci conduit à se demander si ça cache autre chose ou si, encore une fois, envoyer l’armée sans mission bien nette n’est que de l’aboulie.

Pour l’armée française un tel comportement des responsables politiques n’est pas nouveau mais il est devenu illégal depuis 2005 : l’article L4111-1 du code de la défense précise que (je cite cette fois la loi et non plus le diplo) « la mission de l’armée de la République est de préparer et d'assurer par la force des armes la défense de la patrie et des intérêts supérieurs de la Nation ». Par la force des armes, ça veut dire en ouvrant le feu.

Si l’ouverture du feu n’est pas une option, il faut y envoyer des moyens civils. http://www.legifrance.gouv.fr/affic...

Pour ce qui concerne les militaires français le résultat à obtenir (en un mot la mission) doit être indiqué par le Politique, c’est une autre exigence de la Loi, l’article 5 du statut militaire (je cite la loi) : « Afin de permettre au militaire d'accomplir sa mission dans les meilleures conditions, le militaire n'est pas pénalement responsable, outre les cas de légitime défense, s'il fait usage de la force armée ou en donne l'ordre lorsque cela est nécessaire à l'accomplissement de sa mission, dans le respect des règles du droit international et dans le cadre d'une opération militaire se déroulant à l'extérieur du territoire français ». Il faut que les officiers, sur place, puissent évaluer à quel moment l’ouverture du feu est nécessaire à l’accomplissement de la mission. Par conséquent le pouvoir politique ne peut pas s’exonérer de définir clairement la mission. http://www.paperblog.fr/1532549/ouv...

La façon dont le blog du Diplo nous présente les « options militaires » laisse craindre que nos soldats partent sur zone avec des directives gouvernementales inapplicables donc inacceptables.

Ce ne serait pas la première fois mais ce problème est de plus en plus souvent abordé parmi les militaires et leurs sympathisants. Un jour viendra où, en conformité avec la Loi qui impose de refuser d’exécuter un ordre manifestement illégal, nos militaires seront obligés de refuser une mission qui ne sera pas clairement définie par le pouvoir politique. Dans cette affaire, il faut espérer que les options militaires seront mieux définies qu’elles ne sont présentées par le blog du Diplo.

4. Le jeudi 24 février 2011, 21:33 par panou34

A noter une manoeuvre maritime OTAN Noble Mariner 11 du 28/02 au 10/03 se déroulant dans la mer d'Alboran,donc facile à dérouter,sous commandement espagnol.Exercice important mais rituel prévu de longue date.Un site web Noble Mariner 11 existe.Les bâtiments cités par le Monde Diplo n'en font pas partie à priori

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