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indignations

Le lecteur d'égéa saura depuis longtemps que je ne lis pas Houellebecq. Je vais être pire, un nouveau délit à la bien pensance : je n'ai pas lu Stéphane Hessel. Et vous savez quoi (comme disent les limougeots) : je n'ai aucune intention de le lire.

Après ces déclarations liminaires et choquantes (c'est vrai, d'habitude on est pour ou on est contre, moi, je m'en f... : mauvais français, va!), venons en à la question de l'indignation.

1/ Car le lecteur sait, puisqu'il a lu l'excellent R.-Pol Droit que je lui ai conseillé, qu'un des critères du système occidental, c'est justement la capacité de se révolter, et le refus de l'ordre établi. Je me souviens, de mémoire, de cette révoltante acceptation de l'inacceptable qu'il dénonçait chez les non-Occidentaux.

2/ En ce sens, ce qui se passe en ce moment au Maghreb est insurrection ou révolte, peu importe le mot. Mais il est sûr qu'il s'agisse du refus de l'inacceptable. Et malgré toutes les apparences et toutes les craintes, il y a là une forme d'occidentalisation des esprits, une occidentalisation du monde.

3/ La grande surprise de l'Occident et, au premier chef, de l'Europe, tient en fait à ce décalage : elle ne voit pas que se qui se déroule signifie, en fin de compte, son succès symbolique.

Là est peut-être la seule ressemblance avec les révolutions de 1989 : la même victoire symbolique de l'apparemment plus faible.

O. Kempf

Commentaires

1. Le mardi 1 mars 2011, 21:37 par Antoine Hubault

Démocratisation, occidentalisation, fin de l'histoire alors ? Huntington avait raison ? Rah monde cruel !

égéa : si on parle de fin de l'histoire, pas Huntington, à ce compte là : Fukuyama.....

2. Le mardi 1 mars 2011, 21:37 par Jean-Pierre Gambotti

Nous sommes tellement imparfaits !
Je veux parler de nous, européens du fond de l’entonnoir, pour lesquels le pouvoir, fût-il démocratique, est toujours suspect, critiqué, raillé, mais surtout envié, parce que justement il est le pouvoir dont autrui dispose. Bien que la délégation de gouverner est légalement confiée par le peuple au peuple par le truchement de ses représentant élus, le système démocratique même le plus direct, celui de l’Ecclésia et des Stratèges par exemple , n’a pas interdit à la mimétique du pouvoir de prospérer: tout citoyen désire ce que l’autre souhaite, en l’occurrence une plus grande parcelle de pouvoir. Le tragique de nos démocraties est dans cette terrible farce, autrui a du pouvoir mais il lui a été confié par celui-là même qui lui envie et lui conteste ce pouvoir délégué! Exemple girardien de mimétique poussée au-delà des extrêmes ou absurdité ontologique d’un système bien plus « mauvais que tous les autres » pour pasticher ab absurdo Churchill, terrifiant dilemme. Mais nous sommes nous occidentaux dans une lancinante autolyse politique et avec toute notre superbe nous proposons ce système épuisé comme solution universelle.
Aussi j’espère que tous ces peuples du sud de la Méditerranée ne se révoltent pas contre l’ordre établi, mais contre l’ordre mal établi, contre l’ordre établi à leur encontre, contre la tyrannie. Et surtout j’espère que nous n’assistons pas comme le suggère Olivier Kempf à une occidentalisation du monde, à la contrefaçon en quelque sorte d’un système dont la dynamique est très malheureusement fondée sur la recherche permanente d’équilibre, un système manichéen qui bouge parce que l’un pousse l’autre dans la montée aux extrêmes, mécanisme que Clausewitz explique par « l’action réciproque, cet effort vers les ténèbres extérieures ». Pour ces peuples accédant à la liberté les solutions ne se trouvent pas, à mon sens, dans un tropisme occidental, mais au contraire dans la prise en considération de leurs différences, que pour simplifier je qualifierai de civilisationnelles : l’avenir politique de ses peuples est dans l’invention pas dans la duplication.
Mais ce ne sont que les élucubrations d’un citoyen énervé.
Très cordialement
Jean-Pierre Gambotti

3. Le mardi 1 mars 2011, 21:37 par ZI

"Et malgré toutes les apparences et toutes les craintes, il y a là une forme d'occidentalisation des esprits, une occidentalisation du monde."
J'avoue ne pas voir comment une révolte populaire peut être un signe d'occidentalisation du monde. Des trônes renversés par la colère du peuple, cela ne me paraît pas très nouveau. Ils ont perdu le "mandat du ciel", ils sont donc remplacés par d'autres.

4. Le mardi 1 mars 2011, 21:37 par Nino

Que les peuples disposent enfin d’eux-mêmes soit considéré comme un succès symbolique de l’Occident me paraît un raccourci contestable :

Tout d’abord parce que nous nous sommes faits les champions de l’exportation armée de la démocratie. Voir des peuples se soulever en toute autonomie contre leurs dictateurs peut légitimement donner à espérer. Mais quelle réaction aurons nous si les régimes alternatifs que choisiront ces peuples ne répondent pas à nos canons occidentaux ? Quelle victoire de l’occident en cas d’instauration de régimes politico-religieux ? Heureusement, l’oncle Sam prend déjà position pour éviter pareille déconvenue…

Ensuite, parce que nous malmenons les principes même de cette démocratie de l’intérieur, en niant l’Etat d’une part, l’Europe d’autre part. Le libéralisme a ceci de pervers qu’il grignote jour après jour la part de collectif indispensable à l’épanouissement individuel. Nous considérons toujours l’Europe comme une utopie politique, trop attachés que nous sommes à nos souverainetés. Nous répliquons à l’échelle macro-politique ce qui mine nos démocraties de l’intérieur, à savoir la crainte de perdre des prérogatives, traduire par la crainte de perdre son pouvoir. Au bout du bout, c’est peut-être l’anarchie qui guette.

Alors oui Mr Gambotti, j’espère comme vous que ces peuples sauront inventer leur avenir, et nous proposer un modèle politique alternatif. Nos démocraties occidentales ont bien besoin de trouver un second souffle. A quoi bon affronter les crises, s’il ne s’agit in fine que de reproduire les modèles y ayant conduit ?

Très cordialement.
égéa : plutôt d'accord avec votre second point, pas avec le premier.

5. Le mardi 1 mars 2011, 21:37 par panou34

Pourquoi faire référence à 1789 et à 1989 en oubliant 1968?Ce fut aussi une année de révoltes ou révolutions dans de nombreux pays sur au moins 3 continents.Un mois après son mai 1968 la France se dotait d'un Parlement trés bleu horizon bien loin des slogans( et non des idées) disparates des meneurs étudiants.D'ailleurs qui reconnaîtrait aujourd'hui Cohn-Bendit. Ah l'émotionnel!!!

6. Le mardi 1 mars 2011, 21:37 par yves cadiou

La comparaison avec les printemps de 1968 a de courtes limites mais déjà elle incite à être dubitatif quant à la théorie de la « contagion ».

En mai 1968 (c’est ma génération, celle qui était destinée à devenir le papy-boom mais qui n’y pensait pas) nous ignorions ce qui se passait ailleurs et il est probable que dans les autres pays on l’ignorait aussi. Chaque pays à ce moment-là se regardait le nombril, en France le centre du monde était situé sur le Boul’Mich’ où les reporters-radio jouaient sur l’émotionnel mais n’informaient guère de la réalité. C’est seulement plus tard qu’on a compris qu’il ne s’était réellement pas passé grand’ chose, qu’il y avait surtout « des anciens combattants à la langue bien pendue » et que des chahuts du même genre s’étaient produits ailleurs. Le plus grave fut finalement l’arrivée des chars soviétiques à Prague au mois d’août, mais on était tous en vacances et la nouvelle fut accueillie plutôt avec indifférence.
Pas de « contagion » en 1968 mais plus probablement des causes identiques (au même moment par hasard ou par déterminisme, je ne sais) produisant les mêmes effets.

Aujourd’hui, l’on peut certes imaginer que l’insurrection tunisienne a fait école parce que l’information n’est plus faussée comme jadis (un téléphone portable permet de mettre une séquence vidéo sur internet) mais pour ma part je crois qu’encore cette fois des causes identiques dans plusieurs pays produisent des effets comparables, plus ou moins graves selon les pays.

Comme pour les printemps de 1968, nous comprendrons plus tard mais nous avons fait un progrès : nous savons que nous ne comprenons pas, au contraire de 1968 où l’on était environné d’informations limitées mais exagérées, accompagnées et suivies d’explications idéologiques, péremptoires et surtout indiscutables parce qu'on n'avait pas internet.

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