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Guerre et histoire, entretien avec Jean Lopez

Les amateurs d'histoire militaire connaissent Jean Lopez, un des meilleurs spécialistes contemporains de la 2ème guerre mondiale : son "Berlin", son "Koursk" et son 'Stalingrad" constituent des références incontournables.

En soi, il méritait d'être interrogé. L'occasion fait le larron, je profite de la sortie de la deuxième édition de son "Koursk" et la sortie prochaine (fin mars) du bimensuel "Guerres et histoire" pour solliciter un entretien, qu'il m'a très gentiment accordé. Où on parle d'histoire militaire, d'avenir du char, et d'aviation à Koursk. Bref, un must....

1/ Vous publiez une deuxième édition de "Koursk" : quels ajouts avez vous effectués à la première édition ? l'historiographie a-t-elle progressé sur ce sujet ?

  • Les ajouts portent sur le fond et la forme. Sur le fond, j'analyse un aspect à peine survolé (c'est le cas de le dire) dans la première édition, la bataille aérienne. Elle est de dimensions gigantesques, supérieures à la bataille d'Angleterre par son intensité. Malgré leur supériorité tactique évidente et la présence d'une quarantaine d'"experten" à plus de 80 victoires, la Luftwaffe ne parvient pas à s'assurer la suprématie aérienne. J'éclaire aussi la genèse des progrès tactiques réalisés par le VVS, l'aviation rouge, en rappelant l'épisode peu connu de la bataille du Kouban. Sur la forme, la seconde édition comporte des cartes refaites et bien "propres". Plus, chose nouvelle aux éditions Economica, un cahier photo de 16 pages.

2/ "Plus grande bataille de chars de l'histoire" : cette guerre industrielle a-t-elle selon vous encore un avenir ? le char, lui-même, est-il un outil pour les guerres d'aujourd'hui et de demain ?

  • Le char de bataille tel qu'il est aujourd'hui peut durer des dizaines d'années en état de stase technologique. Tous les ajouts seront de nature électronique, à moins d'une percée inattendue dans le domaine des matériaux. Il n'en reste pas moins que toute grande puissance doit conserver quelques régiments de ces engins qui conservent un potentiel "politique" important : les chars dans les rues sont un indice d'état de pré-guerre civile. Quant à la guerre industrielle telle qu'on l'a vue au XXe siècle, quand on pouvait consacrer entre un tiers et la moitié du PNB à la chose militaire, elle semble peu probable . Avec cent fois moins de ressources, on peut à moitié paralyser l'adversaire en mettant hors service ses grands réseaux de distribution, via les cyber attaques. Les guerres fort vs faibles coûtent cher -et elles auront la vie dure- mais elles ne nécessitent pas un détournement considérable des ressources du fort.


3/ L'histoire militaire connaît un engouement croissant : à quoi l'attribuez vous ? à l'éloignement de la guerre et la fin du service national, qui rendent ces sujets de plus en plus "mythiques", ou à d'autres raisons ?

  • Le mythe a sa part, bien sûr. L'histoire mili peut aussi servir à certains de refuge identitaire. Peut-être ce renouveau, en France, est-il simplement dû au retard de la production française dans ce domaine. Je suis toujours frappé quand je voyage au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis de voir présents dans les moindres librairies d'aéroports des livres d'histoire mili, parfois plus d'une dizaine de titres différents à la fois.

4/ Quelle autre motivation justifie la publication de cette nouvelle revue, "Guerre et histoire", que vous lancez fin mars ?

  • La passion. La mienne et celle de l'équipe qui fait le journal. On aime ça depuis toujours. On est convaincus que le mépris dans lequel l'Histoire officielle tient l'histoire militaire est une lourde erreur intellectuelle. La guerre -hélas- est un des facteurs qui façonnent les sociétés humaines. J'avais aussi envie d'un magazine qui fasse de l'enquête, qui aille interviewer des témoins, grands et petits, qui "sorte" des infos nouvelles. Mais aussi d'un magazine qui soit doté d'une belle maquette, jeune, colorée et dynamique.

5/ Les thèmes seront-ils traités "en proportion" : par exemple, un quart d'histoire contemporaine, un quart d'histoire antique, etc... ?

  • Non, c'est impossible. L'accent que je mets sur la photo et la recherche d'exclusivités avantage forcément le XXe siècle. Mais il y aura, promis, toujours un papier d'antique, de médiéval, des papiers traitant de guerres extra européennes, de la techno et, c'est mon souhait, de l'économie.

6/ Traiterez vous des guerres actuelles, du XXI° siècle ? peut-on écrire de l'histoire immédiate ?

* A priori, non. C'est trop chaud. On change de monde dès lors qu'on veut interviewer. Les manœuvres, les manips, sont innombrables. On se démène souvent beaucoup pour ne recueillir au final que de la langue de bois. Mais il n'empêche que le lecteur saura tisser des liens entre, par exemple, un papier sur la guerre Iran-Irak du début des années 80, et la situation actuelle dans l'ancienne Mésopotamie.

Monsieur Lopez, mille mercis pour ces réponses et je vous souhaite "tout le meilleur" pour guerre et histoire : je suis sûr qu'il trouvera rapidement son public.

Réf : voir aussi cet autre entretien de Jean Lopez sur theatrum belli

O. Kempf

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