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Affaire Renault : de l'IE au management

Cela a commencé comme une affaire d'espionnage industriel, c'est dorénavant une affaire managériale. L'affaire Renault montre d'étonnantes évolutions.

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1/ Tout commence par une affaire d'espionnage industriel. On a beaucoup entendu des experts de l'intelligence économique, qui se sont répandus dans les médias. Curieusement, on les entend moins, aujourd'hui, l'avez vous remarqué ?

2/ Pourtant, ce qui vient de se passer récemment chez Safran prouve, s'il en était besoin, que la menace est une réalité, dans l'industrie française. On ne saurait donc critiquer Renault de son souci de se protéger. La leçon est clairement sur la méthode : dans les affaires grises, les intervenants sont difficilement contrôlables. La question de la qualité totale est alors posée. Les chartes déontologiques servent de peu.

3/ En revanche, Renault est critiquable pour sa méthode : non contrôle de la chaine de la sous-traitance, mais aussi volonté de "régler le problème en interne", sans en parler aux autorités, et en rendant publique l'affaire. Sur les quatre points, il y a erreur.

  • contrôle de la chaine de la sous-traitance : car elle existe en IE, ce qui n'est pas forcément dit par les professionnels : c'est peut-être la principale leçon de l'affaire Renault. Précisons immédiatement : cette "chaîne qualité" est extrêmement difficile à obtenir, et plus encore à garantir. Je connais des professionnels qui refusent d'aller sur le secteur, malgré leur métier proche et les demandes de leur clients, pour cette seule raison de la non-maîtrise de la qualité. J'espère que dans les grandes écoles d'IE, on tirera cette leçon là de l'affaire Renault.
  • règlement en interne : on comprend la volonté d'une action managériale : encore faut-il qu'elle s'insère dans une politique confirmée de management, qui a visiblement démontré ses contradictions. Ou encore, entre un top management, aux soucis planétaires et sans considération empathique, et un middle management qui n'a pas cette hauteur de vue et qui donc rase les couloirs, il y a un fossé béant. Surtout quand la direction assure, pendant des semaines "faites nous confiance, nous avons les preuves" et qu'on s'aperçoit, finalement, que ce n'était pas vrai. La confiance a disparu, et elle mettra des années à se reconstruire. Or, les entreprises devraient comprendre que la confiance interne est un facteur de production essentiel .
  • mutisme envers les autorités, ce qui est doublement fautif, quand on est une société française (je sais, on peut débattre de la nationalité des firmes), mais aussi quand son actionnaire principal est l’État : c'est, à tout le moins, discourtois.
  • en rendant publique l'affaire : on a bien compris l'intention initiale : montrer qu'on ne se laissera plus faire, et fabriquer une image de protection des process alors que la compétition technologique (et IE) est particulièrement vive. Oui, mais... raté, et du coup contre-productif. Je serais malveillant, je me dirais que c'est le moment ou jamais d'aller espionner Renault, car qui, dorénavant, osera dénoncer un fait "bizarre" dans la RNUR ?

4/ On l'aura compris : l'image (donc le goodwill : la valorisation des actifs intangibles de la marque, sa capacité à se développer demain à partir de ses déterminants propres) de l'entreprise est atteinte. C'est qu'une entreprise, ce n'est pas seulement de la technologie ou de la finance, c'est aussi de l'intangible, qui se maîtrise par du management. Le départ du numéro deux signifie clairement cette réalité. Dommage : c'était celui qui visiblement inspirait le plus confiance et avait le plus le goût de l'automobile...

Réf : on lira ce passionnant reportage du Monde sur l'affaire Renault.

O. Kempf

Commentaires

1. Le samedi 16 avril 2011, 21:51 par Anonyme D

Sur l'affaire Renault, le fond de l'affaire est assez simple : l'alliance toujours aussi réussie de la paranoïa, du goût du secret mais tout cela ne fonctionnerait pas sans un solide manque de bon sens...
Dès que l'affaire est sortie il était évident que certains risquaient de gros ennuis mais qu'il travaillaient plutôt a la sécurité... Uniquement avec les premières informations sorties dans la presse, avec deux sous de bon sens on pouvait savoir que
- hypothèse 1 : c'était la plus grosse affaire jamais connue d'espionnage. Un réseau de trois responsables dont un membre du comité de direction, des comptes de part le monde, etc... Tout ça pour le compte des chinois (dans les années 80 les Japonais auraient mange chaud sur une histoire de ce type...). On est en train de parler d'un réseau donc de recrutement, de logistique, de moyens : combien de personnes travaillant sur un tel coup ? Et tout ça pour quelques centaines de milliers d'euros pour des gens gagnant tres confortablement leur vie et qu'il parait peu raisonnable de motiver avec de tels montants... Ils l'auraient donc fait pour le drapeau Chinois en acceptant un défraiement ridicule au vu des risques ?
- hypothèse 2 : une ou des personnes à l'origine de l'affaire était soit malhonnête(s) soit instrumenté(s) par un petit malin-malhonnête...
Mais plutôt que de poser le problème en terme d'analyse raisonnée, la paresse, l'incompétence et le gout des jamebondesqueries l'ont emporté (comme d'habitude hélas, et pas que dans les affaires industrielles malheureusement...). Une source secrète : pensez vous ... forcément super fiable puisqu'elle est tellement secrète ... et capable de faire le reve de tout service : trouver des comptes dans tous les paradis fiscaux !!!
Encore une fois quand la source prime sur l'analyse...

Mais le problème (éternel) c'est que les gens (et il n'y a la pas de différence entre les secteurs public et privé) adorent les théories complotistes et l'impression de savoir des choses secrètes... dont l'avantage principal est que les autres ne le savent pas !! (peut importe l'utilité réelle...). C'est tellement plus romantique que de s'assoir et de réfléchir : chacun peut se sentir une âme de Malko au petit pied... L'autre chose que les gens adorent ce sont les experts : des gens qui savent pour vous, comme ca plus besoin de se poser de questions... C'est tellement plus confortable et en plus beaucoup moins fatigant !

PS: facile après coup me direz-vous? Exact, mais l'auteur de ces lignes avait pris le risque d'énoncer cette théorie fumeuse dès le début de l'affaire. Tout ça en lisant le journal simplement... Et la réponse qu'il s'était attiré de tous les (vrais) spécialistes était : "ils savent des choses que tu ne sais pas et ils connaissent leur affaire"
Exact : il ne sait jamais l'heure qu'il est ;)

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