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OTAN en Libye (5) Une moindre efficacité ?

Suite de la série de billets sur l'OTAN libyenne.... (précédent ici)

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Le passage de la coalition à l’opération Unified Protector marqua apparemment un rythme moins enlevé. Cela suggérait que ....

.... l'alliance n'était pas l'outil idoine pour intervenir dans l'urgence (dans une coalition, moins on est nombreux, plus on intervient vite) . Cette baisse de rendement est due à plusieurs choses : le manque d'avions disponibles pour frapper, mais aussi la peur de dommages collatéraux qui entraîne une plus grande prudence . Heureusement, les avions de l'alliance sauvaient Ajdabiya le 10 avril, ce qui taisait les critiques des insurgés.

Mais il ne s’agissait pas seulement du nombre d’avions, mais de leur emploi. Ainsi, nombre d’Européens se livraient à leurs vieux démons : la renationalisation des politiques (d'ailleurs initiée par le condominium franco-britannique) incitait chacun à faire valoir ses propres options : et ce sont les restrictions nationales qui s'accumulent, ces « caveats » qui entravent tant l'action coalisée en Afghanistan, et dont se plaignent les Américains depuis de longues années. Désormais, ce sont Paris et Londres qui critiquent les caveats des autres, et en rendent l'OTAN responsable. Car ces caveats constituent une nationalisation des règles d'ouverture du feu, symptôme de la renationalisation des politiques qui est le trait dominant de l'époque.

Remarquons au passage que cette renationalisation des politiques, qui touche aussi bien l'UE que l'Alliance, n'est pas forcément une bonne nouvelle même si elle paraît justifiée par une plus grande efficacité : à l'heure d'un monde zéro polaire (S. Serfaty), on a malgré tout besoin d'institutions collectives adaptées à la planétisation à l'œuvre. C'est en fait un affaiblissement et une fragilisation qui font face à l'éveil du monde. L'Europe redevient multipolaire dans un monde lui-même de plus en plus multipolaire. Elle se plaignait autrefois d'un monde où les Etats-Unis étaient trop présents pour justifier son inaction : alors que le moment voit le retrait américain, l'Europe prouve son absence de volonté.

Ainsi, c'était désormais la France et la Grande-Bretagne qui insistaient le 11 avril auprès des alliés pour qu'ils intensifient leurs frappes, et surtout lèvent leurs restrictions. Les moyens disponibles sont tellement faibles que les Américains furent obligés de revenir en appui, le plus discrètement possible, pour assurer des ravitaillements, la maîtrise de l'espace aérien, le renseignement électronique, voire quelques frappes….

Cependant, le 15 avril, les Américains revenaient publiquement dans le jeu, puisque les trois dirigeants, B. Obama, N. Sarkozy et D. Cameron signaient une tribune commune dans les grands journaux occidentaux. D'ailleurs, les Américains remettaient quelques avions en lice, pour bien marquer qu'il n'était plus temps de tergiverser. Mais là encore, c’était le triumvirat de départ qui reprenait les choses en mains, et non le CAN ou le groupe politique. Là encore, outre une moindre efficacité qu’attendue, la démarche montrait une moindre unité politique de l’alliance. D’ailleurs, cette tribune était beaucoup plus explicite sur les buts de guerre : « Il ne s’agit pas d’évincer Kadhafi par la force. Mais il est impossible d’imaginer que la Libye ait un avenir avec Kadhafi. (…). Tant que Kadhafi sera au pouvoir, l’OTAN et les partenaires de la coalition doivent maintenir leurs opérations afin que la protection des civils soit maintenue et que la pression sur le régime s’accroisse. Alors pourra commencer une véritable transition d’un régime dictatorial vers un processus constitutionnel ».

(à suivre)

O. Kempf

Commentaires

1. Le jeudi 28 avril 2011, 17:35 par

Bonsoir,

Attention à ne pas faire de paralogisme (une figure de rhétorique que tout le monde pratique sans le savoir comme Monsieur Jourdain) : la paralysie de l'OTAN est quelque chose de pas nouveau, guerre de Libye ou pas, mais s'ajoute en l'espèce non pas l'absence de volonté, mais le refus d'un certain nombre de nos partenaires de se lancer tête baissée dans une nasse en sortant d'un petit dèj avec l'impayable BHL.

Lorsque l'Allemagne ne veut pas bombarder la Libye, ce n'est pas qu'elle n'a pas de couilles, c'est qu'elle ne veut pas le faire. Lorsque la France n'a pas voulu participer à la guerre d'Irak, c'est pas parce qu'elle était munichoise, comme le vomit alors André Glucksmann et quelques autres intellos néocons, c'était qu'elle ne voulait pas. Lorsque l'Europe ne veut toujours pas botter le cul d'Israel et attend (c'est imminent) qu'une nouvelle guerre israélo-palestinienne se déclenche pour se lamenter que c'est un "surprise stratégique" (l'excuse conceptuelle que s'inventeront tous ceux qui préféraient aujourd'hui regarder un mariage culcul plutôt que de s'occuper du monde d'après-demain), ce n'est pas par manque de volonté, c'est que l'Europe ne veut pas chagriner Israel.

Ensuite, on a de bonnes ou de mauvaises raisons de ne rien faire. Mais le bougisme compulsif, pour reprendre un essai déja ancien de P.A. Taguieff, qui est la mode occidentale depuis 30 ans, peut conduire à des impasses tragiques. Jaurès disait dans "L'armée nouvelle" que l'offensive était généralement le réflexe de ceux qui ne savaient pas quoi faire d'autre, et que l'attente et la défensive, donc la réflexion, insupportaient ceux qui n'ont précisément pas suffisamment de neurones pour réfléchir avant d'agir. Bon, encore une fois, je ne vise personne en particulier... (A propos, alors, il l'a fait ou non, ce gosse à Carla, c'est ça qui est essentiel pour notre avenir, non...?)

JPhI

2. Le jeudi 28 avril 2011, 17:35 par yves cadiou

Pour qu’on puisse enfin clore l’enquête je voudrais d’abord demander à Immarigeon, qui fait mouche en disant "je ne vise personne", où il était le 22 novembre 1963. Quant au petit Monsieur qui n’est pas visé par Immarigeon, je n’ai guère envie de prendre sa défense mais l’on doit cependant éviter de faire une fixation sur le personnage nonobstant son insuffisance et sa suffisance dont la combinaison génère un « bougisme compulsif » : le fond du problème, c’est que notre système décisionnel est déglingué.

Depuis 1970 et l’invention d’un « domaine réservé » qui donne au Président un rôle exécutif échappant à tout contrôle pour la durée de son mandat, notre politique étrangère et notre politique militaire ne sont plus collégiales, les décisions sont prises « en sortant d’un petit déj avec l’impayable BHL ». C’est d’autant plus dangereux que le personnel politique a pris l’habitude de se désintéresser de ce domaine et que, de ce fait, on peut «arriver aux plus hautes responsabilités de l’Etat en ignorant tout des questions militaires.» http://www.egeablog.net/dotclear/in...

Par conséquent il faut en finir avec ce prétendu « domaine réservé », il faut rendre tout leur sens aux articles 20 et 21 de la Constitution. Il faut aussi, comme le préconise le député JC Viollet, autoriser les militaires à fréquenter les partis politiques pour remédier à l’ignorance des élus sur les questions militaires.

Ainsi les décisions concernant notre politique étrangère et notre politique militaire seront légitimes en toutes circonstances, prises en tout temps de façon collégiale sous le contrôle de la Représentation Nationale : celle-ci confirme tous les jours la légitimité du Gouvernement qu’elle peut censurer (au risque d’être renvoyée elle-même devant les électeurs) alors qu’au contraire la légitimité exécutive du Président est susceptible d’être mise en doute dès quelques mois de présidence et, comme ce fut le cas avec le titulaire actuel, quelques mois de bourdes. Légitimité mise en doute aussi compte tenu de ses mauvaises fréquentations.

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