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Espagne, Méditerranée, soleil

Cela aurait dû être une élection "comme d'habitude" : avec un vainqueur, plus ou moins net, et un vaincu, plus ou moins net. Bon, Zapatero a été nettement battu, mais ce n'est pas ce qui retient l'attention de ce week-end électoral espagnol. Non, chacun voit plutôt cette mobilisation Puerta del sol à Madrid, au point que même les médias télévisés en parlent : rendez-vous compte !

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Oui, mais.... on ne comprend pas très bien pourquoi des dizaines de milliers d'Espagnols se mettent à camper sur la grande place de la ville. Cela mérite quelques éclairages...

1/ A lire les médias, on cite deux choses : un ras-le-bol envers la classe politique, et un effet "monde arabe". Certes, mais ce n'est pas suffisant.

2/ Ras le bol du monde politique : notons que les grandes manifestations se développent en Europe : Grèce, Portugal, Grande-Bretagne, Irlande, Islande, et maintenant Portugal. Un lien évident avec la crise et la rigueur, ne nous y trompons pas. Les manifestants conspuent cette rigueur qui vient et qui se durcit. Méfions nous des accès d'idéalisme démocratique (et vaguement anarchiste).

3/ Toutefois, on peut croire à cet anti-élitisme politique, si du moins j'en crois les reportages en Espagne; ce serait plutôt des gens de gauche, mais pas seulement, plutôt jeunes, mais pas seulement. Ce qui permet de comparer aussitôt avec l'autre mouvement de masse des élections européennes de ces derniers mois, celui de la montée des radicalismes droitiers, le plus souvent identitaires.

4/ Il y a d'ailleurs quelques relents identitaires dans certaines manifestations sus-citées (Islande, Irlande, Grèce). Mais il est vrai que la plupart de ces pays ne connaissent pas les résultats des partis radicaux de droite comme en Suède, Finlande, Hongrie, Pays-Bas, Belgique, France, Danemark, ... pour ne citer dans le désordre que les exemples qui me viennent à l'esprit.

5/ Dans le cas espagnol, notons enfin que le pays est divisé par son fédéralisme qui a forcé la gauche à s'allier avec les partis autonomistes (Catalans, Baléares, ) et leur concéder de plus en plus de choses : il n'y a donc pas de réaction identitaire nationale, mais une réaction identitaire régionale. Ainsi, le parti successeur de Batasuna obtient un très beau score au pays basque.

6/ La contagion "méditerranéenne" peut jouer : mais honnêtement, j'ai l’impression qu'elle est plus surjouée qu'autre chose. Comme le disait un de mes amis (CB), il demeure infiniment plus agréable d'être au chômage en Espagne après un an de rigueur qu'en Tunisie après vingt ans de Ben Ali.... Toutefois, si les animateurs font un "à la manière de", le succès de leur manifestation prouve qu'il y a malgré tout un vrai malaise latent, qui s'exprime aussi par une présence dans la rue. La chose est donc à suivre avec prudence.

7/ Enfin, puisque le festival de Cannes vient de terminer, une petite mention d'un film politique qui explique, peut-être, les raisons de la défiance que nous venons d'évoquer : il s'agit de "L'exercice de l'Etat", par Pierre Schoeller : où l'on voit un ministre qui n'a aucune prise sur la réalité qu'il doit "diriger" mais qui feint de la posséder, à coup de paroles médiatiques, seul lieu où il peut sinon faire, mais du moins exister. Comme disait Claudie Haigneré : "on m'a formé pendant onze ans à devenir spationaute, deux heures à devenir ministre".

O. Kempf

Commentaires

1. Le lundi 23 mai 2011, 22:06 par

Bonjour,

La phrase de Claudie Haigneré est savoureuse, mais peut-être moins que celle de Don Salluste (un ministre des finances Espagnol tiens) incarné par un Louis de Funès au meilleur de sa forme dans La folie des grandeurs : "Qu'est-ce que je vais devenir ? Je suis ministre... je ne sais rien faire !"

Cordialement

2. Le lundi 23 mai 2011, 22:06 par panou34

Effectivement le saupoudrage fédéraliste et autonomiste espagnol est un obstacle à une généralisation du mouvement.Tous les partis politiques espagnols sont des partis qui participent dans des alliances complexes à l'administration du pays notamment dans les exécutifs locaux. Du coup quand le systéme est contesté comme actuellement à Madrid il n'y a à la fois pas de recours politique organisé ni même de partis pouvant essayer de récupérer la contestation.

Pas de parti à vocation protestataire ou révolutionnaire en Espagne comme le Front National,le Front de gauche ou le NPA français.....qui réunissent chez nous un tiers des électeurs. O0n peut ajouter que les Verts espagnols n'existent pas sauf de temps en temps au niveau local. Du point de vue social les syndicats n'ont pas de tradition révolutionnaire et anti systéme. Pas vraiment de CGT et de Sud au delà des Pyrénées.L'exemple du Pacte de Toléde qui organise le systéme de retraîtes(à 67 ans bientôt!!!) est significatif. Il a été signé et approuvé par tous les syndicats et partis il y a plus de 10 ans.
Dans une telle situation le seul danger prévisible est une réactivation d'un gauchisme-anarchisme groupusculaire de type grec.Il n'est pas sûr que les GRAPO aient vraiment disparu par exemple.
Le bon score de BILDU chez les Basques est un espoir pour résoudre la violence de l'ETA trés affaiblie.


Une victoire du PP aux prochaines élections nationales risque néanmoins de tendre la situation car le PSOE verra son inclination social démocrate diminuée.
Trois remarques pour finir.

La personne du Roi reste trés respectée car il a sauvé la démocratie et l'a même organisée.En cas de troubles graves son discours sera écouté.Par contre le dauphin n'aura jamais la même stature.

Les leaders politiques ne s'accrochent pas au pouvoir sur des années,Gonzalez,Aznar et Zapatero savent se retirer.Dans un systéme assez monolithique voir de nouvelles t^tes donnent l'impression que les choses ne seront pas pareilles.On est loin là de Paris et d'Athenes avec leurs vieux chevaux et juments de retour.

Enfin les femmes jouent un rôle important au gouvernement et dans les partis politiques et il faut bien constater que cette influence féminine adoucit les moeurs politiques dans un pays pourtant réputé macho.

égéa : merci pour ces éclairages : effectivement, le tour des élections européennes montrent : 1/ l’influence de la crise qui altère les comportements électoraux 2/ le développement de partis identitaires 3/ le développement des Verts 4/ le développement de séparatismes. IL est rare qu'il y ait les quatre facteurs. Dans le cas espagnol, pas d'écolos.... !

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