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Afghanistan, le débat qui monte.

On sent croître un débat qui ne sera d’ailleurs pas que stratégique : celui des buts de guerre en Afghanistan.

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Plusieurs choses le laissent à penser.

1/ Le premier indice se trouve dans l’excellent article de Jean-Pierre Steinhofer, dans le dernier numéro de la RDN : « Quelles stratégie pour la guerre en Afghanistan ? ». Il y montre que :

  • la coalition n’a pas « clairement défini son ennemi » (puisque le « terrorisme » ne peut être un ennemi, mais un mode d’action ;
  • elle n’a pas non plus « énoncé clairement ses objectifs stratégiques », qu’il s’agisse d’un objectif de développement économique et institutionnel ou d’un objectif de défense indirecte du territoire (au motif que l’Afghanistan pourrait servir de base arrière à des attaques contre la France). « En définitive, la coalition semble balancer entre les deux ».
  • quant à sa stratégie elle hésite entre une contre-insurrection (qui correspondrait au premier objectif) et un contre-terrorisme (qui correspondrait au second). Du coup, « la mise en œuvre en Afghanistan semble se concentrer sur le seul échelon tactique : essayer de couper la population et la rallier au gouvernement », au risque de la contradiction « : « le renforcement des pouvoirs locaux par les unités de la coalition, pour sécuriser des villages ou des zones, n’est-il pas fortement contradictoire avec la nécessité de renforcer l’autorité du gouvernement afghan ? ».

2/ Le second indice se trouve dans les assises de la recherche stratégique (le 8 juin dernier à l’école militaire), dont la lettre d’information TTU rend compte dans son édition du 15 juin (n° 806).

  • un groupe de travail de l’IHEDN présente les résultats de son étude, et évoquant un retrait à partir de 2014 affirme « la France doit rester durablement engagée aux côtés des Afghans » au –delà de cette échéance, avec réduction de l’effort militaire et renforcement de l’aide au développement.
  • Ce contre quoi s’élève le général Bentégeat, ancien CEMA, ancien chef du CMUE. Selon lui, l’ancien objectif « d’élimination du sanctuaire terroriste afghan » est aujourd’hui caduc, « la mise en place d’un Etat de droit » relève des objectifs de l’Alliance voire de l’UE mais pas de la France, l’Afghanistan ne relève pas des zones d’intérêt stratégiques prioritaires du pays et notre engagement militaire reste fondé sur un choix de solidarité avec les Américains. L’action en Afghanistan ne renforcerait pas forcément notre place dans l’alliance, et le général rappelle que Mme Merkel fut reçue avec de grands égards à Washington malgré une position en retrait en Afghanistan et très indépendante s’agissant de la Libye. Autrement dit, selon lui, l’objectif des Occidentaux ne consiste désormais qu’à « sauver la face ».

3/ Ce débat entre spécialistes intervient alors que le retrait français s’annonce, ainsi qu’égéa l’a déjà remarqué. Autrement dit, c’est un débat sur une opération en phase de décroissance et qui d’ailleurs commence d’obtenir des résultats : à titre d’exemple, on lira, dans le même numéro de la RDN, le passionnant témoignage du général Hogard (« conduire la mission en Afghanistan ») qui a commandé la TF Lafayette n° 3 (quelle drôle d’idée, au passage, de nommer des brigades des Task Force, et des bataillons Battle Group) : pour la première fois, on entend parler de chefs rebelles qui rendent les armes à des troupes françaises : autrement dit, notre action militaire gagne l’ascendant sur l’ennemi.

4/ Ainsi, il ne faudrait pas que les imperfections stratégiques, soulignées par les uns ou par les autres, masquent les réussites sur le terrain : la cohérence intellectuelle que visent forcément les spécialistes doit laisser place à une certaine réalité du terrain (puisque c'est la première chose qu'on apprend dans les écoles de formation : le terrain commande). Surtout, le principe du retrait des troupes semble désormais acté. La question résiduelle est celle de son rythme, celle qui me semble intéressante (puisqu'on est dans le comment et non plus dans le pourquoi), me semble-t-il. Ce qui est une question à la fois tactique, stratégique et politique.

O. Kempf

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