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MEDO et management

Un lecteur, ancien mili, a lu avec intérêt nos débats sur commandement et management : témoignant de l'utilisation de la MEDO en entreprise, il témoigne ci-dessous : qu'en pensez-vous ?

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NB : Medo n'est pas une personne, ni même l'île brésilienne de médo (photo) : au passage, le film "Shutter Island" (avec L. di Caprio, excellent) fut traduit en portugais "Ilha de Medo" : de là à penser que la Medo est un truc de paranoïaque, il y a un pas. Pour faire simple, la Medo est une méthode. Mais je laisse CR en parler plus avant.

O. Kempf

Vos échanges sur les relations entre commandement et management m’interpellent. De mon expérience en entreprise je constate que les dirigeants en entreprise rencontrent non seulement des difficultés dans le management (commandement ?) de leurs équipes mais aussi dans la conduite de leur processus décisionnel, en particulier en période de crise.

Confronté à ces difficultés en entreprise, j’ai utilisé avec succès la méthode militaire d’élaboration d’une décision opérationnelle (MEDO) et ses différents outils. Cette méthode permet, au sein d'un état major militaire, en prenant en compte l'ensemble des contraintes et impératifs inhérents à une mission, de l'accomplir en employant de manière optimale un système de forces. Elle s’est révélée particulièrement efficace dans mes travaux de planification au sein d’une entreprise. Une telle démarche, originale dans l’entreprise, a remporté l’adhésion des équipes mais aussi de la direction. Elle a aussi grandement accéléré le processus décisionnel.

Au final, on peut donc s’interroger sur les rapprochements possibles entre le processus décisionnel au sein de l’entreprise et la manière dont il est conduit par les militaires tant en opérations que pour la conduite des changements organisationnels. Qu’en pensez vous ?

CR

Commentaires

1. Le jeudi 7 juillet 2011, 23:09 par VonMeisten

Bien souvent, en entreprise, l'idée maîtresse est surtout de ne rien décider !

égéa : en fait, dans toutes les organisations.......

2. Le jeudi 7 juillet 2011, 23:09 par yves cadiou

Tout d’abord, compliments à CR parce que, ancien mili, il a visiblement su se « civiliser ». A la question (directe, n’est-ce pas) « qu’en pensez-vous ? » posée à la cantonade par le Maître du blog et par le rédacteur du jour, je peux répondre d’expérience personnelle : les raisonnements et ordres militaires formatés sont utilisables dans le civil à la condition indispensable de camoufler leur origine militaire, d’en arrondir les angles et d’en gommer les aspérités.

C’est ce que CR fait ici avec une conclusion qui est un modèle du genre civilisé : « Au final, on peut donc s’interroger sur… », dit-il, et il termine sur un point d’interrogation qui laisse entendre que nos réactions pourraient le faire changer d’avis.

En réalité, on voit ici que l’opinion de CR est ferme : « la méthode s’est révélée parfaitement efficace ». Cette contradiction entre l’exposé et sa conclusion m’a un peu gêné pour lui répondre parce que, retraité de la fonction publique depuis plusieurs années, j’ai un peu perdu l’accoutumance à de telles incohérences pourtant habituelles dans le civil. Ces incohérences ne sont qu’apparentes, la cohérence est ailleurs.

L’on doit supposer que CR ne cherche pas tant à « s’interroger sur les rapprochements possibles », comme il le dit, mais plutôt qu’il veut peaufiner son argumentaire à l’aide d’apports supplémentaires ou d’objections, peut-être dans le but (louable) de promouvoir la méthode dans son entreprise.

Par conséquent voici mon avis, que j’espère utile. Je pense aussi à nos camarades qui, après plusieurs années de pratique militaire, s’apprêteraient à passer dans l’administration civile. Plan 2x2 : 1 vos subordonnés, vos chefs ; 2 la méthode mili discrètement adaptée peut se révéler un franc succès.

Si vous êtes chef de service, ne donnez pas trop vite à vos subordonnés (pardon : vos collaborateurs) des directives visiblement arrêtées à l’avance. Lorsque votre opinion est faite et votre décision prise, concluez votre exposé du problème par un « voilà, je vous laisse réfléchir là-dessus et on en reparle le … » (à ce moment vous sortez votre agenda pour fixer une nouvelle réunion la semaine prochaine). Ainsi vous évitez de désarçonner vos collaborateurs qui pourraient se sentir bousculés parce que leur formation et leur expérience sont différentes des vôtres.

Mais dans le civil vous avez aussi des chefs et vous avez intérêt à comprendre comment ils fonctionnent : consciemment ou non (car leur formation, souvent, ne leur a pas permis de connaître autre chose) ils vous donneront l’impression qu’ils attendent votre avis. Ils l’attendent, oui, mais à condition qu’il soit conforme au leur, ce qui atténuera leur responsabilité si ça tourne mal : « tout le monde était d’accord, Monsieur le Directeur général ».

Au contraire si vous avez l’impression de recevoir un ordre exécutoire après une décision prise qui ne se discute pas, ça signifie qu’on s’attend à des objections de votre part et qu’on veut les neutraliser par avance. Dans ce cas, il est bon d’avoir l’air hésitant, de ne jamais répondre par un « zum Befehl ! » ou un équivalent qui vous ferait apparaître comme quelqu’un de trop facile à manipuler. Bref : les relations hiérarchiques s’entourent de beaucoup de manières dont la plupart des civils n’ont pas conscience tant ils y sont accoutumés, dont aucun militaire n’a l’habitude mais que vous devez connaître pour ne pas émettre tacitement et involontairement des messages qui vous feraient du tort.

Pour revenir à la MEDO (moi, c’était son prédécesseur le SMIEPP, pas mal non plus), elle est utilisable à condition que personne ne capte son origine militaire.

Du moins ce qui précède est vrai avec du personnel français. Un jeune cadre commercial français m’avait demandé un jour, à titre amical, si je pouvais lui conseiller une méthode efficace et pas trop verbeuse. Je lui ai indiqué et développé le SMIEPP. Il en a été très content, ça a très bien marché dans son environnement civil, mais c’était un peu particulier : avec quatre autres Français il travaillait à Tokyo pour la succursale locale, comptant une centaine d’employés japonais, d’une entreprise française. Avec les Japonais, mon SMIEPP fut très efficace et apprécié, montrant enfin un Français qui ne tournait pas autour du pot : situation, résultat à obtenir, répartition des tâches, c’était carré. D’autant plus apprécié qu’il était le seul Français à faire l’effort de parler japonais sans se contenter du globish comme tout le monde.

Ceci m’amène à ma conclusion, sans point d’interrogation : la clé, c’est de ressentir et de manifester de la considération pour vos personnels, leur formation, leur expérience et, si vous êtes à l’étranger, leur culture et leur histoire. L’erreur serait de vouloir imposer la MEDO, ou le SMIEPP, ou toute autre méthode, en ayant l’air de dire « vous êtes nuls, je vais vous apprendre ». Ainsi ne doit pas parler Zarathoustra, responsable de tant d’échecs.

égéa : merci pour ces infos.....

3. Le jeudi 7 juillet 2011, 23:09 par CR

Merci à Yves Cadiou pour ses remarques très intéressantes,

Je vous rejoins absolument sur le risque à vouloir faire du copier coller de méthodes dans un autre environnement culturel (pays, entreprise, ..) sans prendre un minimum de précautions,

D'ailleurs, lorsque j'ai utilisé la MEDO pour animer une cellule de crise en charge de la pandémie grippale, je n'ai pas utilisé ce mot,

j'ai également enrichi la démarche des propositions constructives de collaborateurs pouvant apporter leur pierre à l'édifice,

Le plus difficile est en fait d'obtenir des validations (décisions) du top management...ceci rejoint la remarque de VONMEISTEN,

et pour cela, il existe l'outil des "backbriefs" (les jeunes otaniens reconnaitront ..) qui permettent d'obtenir cette validation du mandat par le top management avant de continuer les travaux,

Pour la curiosité, merci de me parler de la SMIEPP, mais il s'agit probablement du cadre d'ordre de l'ordre initial, qui a peu évolué (SMELCC),

Enfin peut être civilianisé après 3 ans dans l'entreprise, mais 28 ans sous le bérêt laissent des traces , surtout dans le langage..mais ceci est une autre histoire de popotes ou de machines à café ...

cordialement

C R

4. Le jeudi 7 juillet 2011, 23:09 par yves cadiou

Le SMIEPP est effectivement l’ordre initial. Je l’ai beaucoup utilisé, y compris dans le civil en le démarquant. Un tel cadre d’ordres permet de ne pas dérouler explicitement toute la méthode de raisonnement : en rédigeant l’ordre, le raisonnement se fait tout seul parce que « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement » ou, autrement dit, ce qui est clairement énoncé a été bien conçu même si la conception a été un raisonnement intuitif (« intuitif » est à différencier nettement de « instinctif » : ce n’est pas du tout du même niveau). On rejoint ce qu’on disait ici en décembre dernier au sujet de l’intuition. http://www.egeablog.net/dotclear/in...

En ce qui concerne les traces sous le béret, il faut à mon avis effacer soigneusement celles qui sont les plus visibles, notamment dans le langage courant. Je ne parle pas d’affirmatif et 5/5 qui sont des tics de langage d’avant le transistor et ne sont usités désormais que par quelques caricaturistes attardés, mais il reste des expressions typiques de la profession. Il faut les effacer déjà dans sa vie privée pendant qu’on est militaire parce que c’est un obstacle à l’intégration sociale. Peut-être les mili ou ex-mili craignent-ils de perdre leurs repères ou leur personnalité, ou leurs souvenirs, en effaçant ces traces.

C’est une crainte infondée, je peux l’illustrer de deux façons. Un de mes camarades de Cyr qui en était à son cinquième poste de préfet passait un jour à la télé, avec une allure très civile à mes yeux. Un téléspectateur, qui ne le connaissait pas, commente : « c’est sûrement un ancien militaire. --- Ah bon ? A quoi voyez-vous ça ? --- Quand il termine de parler, on sait ce qu’il a dit : à la télé, c’est rare. »

Autre illustration (on m’excusera de parler de moi, mais l’anecdote est significative). J’ai quitté l’armée depuis huit fois trois ans et de l’eau a passé sous les ponts, d’autant qu’il y a quelques années un gros problème de santé a bouleversé ma vie et nettoyé tout ce qui pouvait encore me donner l’air martial. Pourtant un kiné, sans connaître mon cv, a repéré que j'étais ancien militaire à mon comportement sur ses agrès, beaucoup plus « pêchu » que celui de ses clients habituels du même âge.
Par conséquent, c’est sans crainte que l’on peut effacer les traces inutiles du bérêt : l’essentiel ne s’efface pas.

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