Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

Emeutes anglaises, suite

En ce week-end allongé, je prends un peu de vacances : billet raccourci, donc. QUif ait la suite de celui d'avant-hier

Regardez donc ce billet (signalé par Géographie de la ville en guerre) qui fait le lien entre émeutes anglaises et pauvreté : une analyse cartographique intéressante. La question demeure : y a-t-il corrélation?

En passant, le blog de ce professeur d’anthropologie (Alain Bertho) vaut d'être exploré...

O. Kempf

Commentaires

1. Le dimanche 14 août 2011, 17:22 par yves cadiou

Le phénomène des émeutes anglaises de cet été sera certainement étudié par des sociologues compétents, mais en attendant l’on peut faire quelques observations non estampillées.

Ces émeutes, pour l’instant, ne se sont produites qu’en Grande-Bretagne, non sur le continent. Pourtant nous avons, nous aussi sur le continent, des populations pauvres. Par conséquent la pauvreté ne suffit pas à expliquer.

Ces émeutes estivales sont, en tout cas, le fait de gens qui ne partent pas en vacances : le manque d’argent est certes un motif de ne pas partir, mais il en est de même que l’on soit résident britannique ou continental. La différence est autre.

L’on doit donc se demander quelle est la particularité de la Grande-Bretagne : il est possible que ce soit sa non-appartenance à l’espace Schengen (et si c’est cela, il faudra se demander pourquoi l’Irlande n’a pas connu les mêmes émeutes). Chez nous, beaucoup de banlieusards retournent dans leur pays d’origine pendant les vacances, ou dans leur province d’origine lorsqu’ils sont provinciaux. De ce fait les groupes sociaux habituels, sur le continent, sont moins structurés pendant l’été.

Les difficultés que la Grande-Bretagne fait au passage de ses frontières peut décourager les résidents d’origine étrangère de partir à cause du risque de ne pas pouvoir revenir. D’autant que les règles peuvent à tout moment changer et se durcir de la part d’un pays qui n’adhère pas à la convention Schengen.

Ce serait donc non seulement la pauvreté mais surtout la position particulière des British quant au franchissement de leur frontière qui ferait que les groupes sociaux conservent leur structure l’été, période où l’on est moins occupé et plus disponible, période aussi où la police est en sous-effectif.

égéa : intéressant; comme idée.

2. Le dimanche 14 août 2011, 17:22 par Midship

Cher YC, si je puis me permettre, quand je vois les photos, je vois un nombre trop important de ptits brits' "made in Essex" (pour reprendre le nom d'une émission à succès ici, cf "chavism" sur wikipedia UK), pour qu'il ne s'agisse que d'un problème de migration. Et même de pauvreté. A mon humble avis, un "très pauvre" ne vole pas une télé 16/9 HD plasma etc. Il vole ses oranges. Il s'agit donc d'une population "moyen pauvre", "moyen immigré/locaux", bref, moyen.
Une chose n'est pas moyenne : la connerie.

Peut être est-ce frustrant, pour des fins stratèges, des chercheurs, des personnes habituées à rechercher des causes et des conséquences complexes (et/ou compliquées), etc, mais dans le cas qui nous occupe, je reste assez persuadé que la cause la plus certaine est la connerie. La bêtise humaine, l'idiotie moyenne, la stupidité crasse, couplée à un panurgisme grégaire. Ce n'était pas un groupe ethnique, social, géographique, politique, religieux, professionnel, etc. C'était un groupe de cons opportunistes et moutons.

Je sais que ça n'est pas satisfaisant, que quelque chose nous dit en nous "cherche plus loin". Et pourtant, et si c'était juste ça ?

3. Le dimanche 14 août 2011, 17:22 par CP

Merci pour cet avis simple et éclairant Midship. Effectivement, outre une violence gratuite, il y a dans ce mouvement aussi un opportunisme criminel évident. Combien de ces émeutiers sont-ils concernés par les événements initiateurs de ce déclenchement de violence ? Qui peut répondre ? En revanche, ce qui semble plus certain, c'est que nombreux sont ceux qui auront vu là l'opportunité de s'équiper gratuitement en produits hi-tec.
Le criminel est un homme opportuniste : de la pagaille, une police en sous-effectif, des techniques simples mais efficaces de guérilla urbaine, et les voilà repartant la hotte pleine.
Bien évidemment, j'attends avec impatience les explications des experts et checheurs qui, j'en suis sûr, donneront tout le relief nécessaire pour mieux cerner les vraies raisons de ces émeutes : composition de la société anglaise, crise économique, politique rigoureuse du gouvernement...
Et si tout simplement, nous étions confrontés à une réalité que nous refusons : celle de la violence qui vient battre en brêche la volonté de certains de créer un ordre social transparent et sans conflit.
La colère n'est-elle pas le moteur de l'Occident? N'est-ce pas ce que nous rappelle Homère?

4. Le dimanche 14 août 2011, 17:22 par yves cadiou

Cher Midship : oui, bien sûr, la connerie est une explication plausible à ces émeutes. Comme à vous, les explications par la pauvreté et par l’immigration ne me semblent pas suffisantes. Mais l’explication par « la connerie » n’est pas suffisante non plus pour apaiser la perplexité que ces émeutes suscitent.

Le fait majeur reste que ces émeutes n’ont pas, pour l’instant, leur équivalent sur le continent ni en Irlande.

On peut conclure qu’il s’agit de « la bêtise humaine, l'idiotie moyenne, la stupidité crasse, couplée à un panurgisme grégaire ». Constatant que ces émeutes, jusqu’à présent, sont exclusivement anglaises on ne détesterait certes pas de pouvoir ajouter (en souvenir de Jeanne d’Arc, de Lafayette, de Napoléon, du Capitaine Marchand et de tant d’autres qui ont maudit les Godons) que les défauts ci-dessus sont une spécificité des gens d’outre-Manche.

Mais avant d’arriver à cette conclusion qui rappelle Obélix (ils sont fous ces Bretons, ils parlent à l’envers et il ne faut pas les secouer trop fort même s’ils le demandent) l’on doit examiner toutes les autres hypothèses. Avec des « peuples râleurs » au sud, au nord et un peu partout l’on doit non seulement se demander pourquoi il y a des exceptions dont nous faisons partie (et pour combien de temps) mais aussi essayer d’anticiper les impulsions nerveuses de gouvernements dépassés qui seront sur-réactifs, en recherche d’effets d’annonce et en recherche d’exutoires à leurs problèmes intérieurs.

Au-delà des questions que l’on se pose par curiosité sociologique, je m’interroge sur ce qui se passerait chez nous dans la même situation parce que nos dirigeants actuels ont déjà plusieurs fois fait la preuve, face à de très petits problèmes (souvenons-nous par exemple des raffineries en grève mais aussi de tel ou tel fait divers), de leur manque absolu de flegme et de réflexion.

5. Le dimanche 14 août 2011, 17:22 par JMM

Bonjour.
Permettez à un visiteur assidu de ce blog (mais non spécialiste) de faire référence à la DIA 3.4.4. (Doctrine interarmées : COIN)
Sans bien sûr pointer un début d'insurrection, il semble intéressant de rappeler in extenso la section I

"− Facteurs déterminants d’une insurrection :
L’insurrection a besoin d’un « terreau » pour naître et se développer. Ce terreau est formé le plus souvent des clivages et des frustrations de la population, aggravés par la faiblesse conjoncturelle du système politique existant et la fragilisation du lien social.

Les griefs de la population
Profitant de la fragilité du système politique de l’État-hôte, l’insurrection s’appuie et se développe sur les griefs de la population, notamment ceux que la population a envers ses gouvernants :
a. Revendications politiques non satisfaites.
b. Sentiment d’injustice (en particulier, vis-à-vis de l’inégalité sociale, de la pauvreté et du chômage).
c. Perte de confiance dans les pouvoirs publics : absence ou inefficacité des services
publics, corruption, gabegie, absence de justice…
d. Sentiment de révolte devant une répression brutale, etc.

Ces motifs d’insatisfaction doivent être identifiés pour lutter contre les facteurs de l’insurrection ou au minimum pour ne pas les renforcer par des actions maladroites (détribalisation, déplacement de population…).

Les facteurs structurels influant sur une insurrection L’expérience montre qu’une insurrection s’appuie aussi, plus profondément, sur des facteurs structurels tels que certains traits socio-anthropologiques de la population, ainsi que certaines caractéristiques géographiques du territoire où s’implante une insurrection.

Facteurs humains
L’histoire met en évidence certains caractères socio-anthropologiques qui paraissent favoriser l’émergence et le développement d’insurrections :
a. Les sociétés de type clanique ou tribal, qui ignorent, voire contestent par tradition, toute forme de pouvoir central.
b. Les sociétés cloisonnées, isolées, jalouses de leur forte tradition culturelle, qui peuvent en particulier développer des réactions de rejet xénophobes contre tout ce qui leur paraît étranger.
c. Les sociétés démographiquement dynamiques, constituées d’une forte population d’hommes jeunes et désoeuvrés.
d. Les sociétés ayant un rapport culturel favorable à la violence22 (tradition guerrière, culture de « vendetta », de « razzias », etc.).
e. Les sociétés en mutation rapide (perte ou fragilisation des valeurs, éclatement du modèle familial et social traditionnel, etc.).
f. Le fanatisme (en particulier religieux) et l’illettrisme, qui sont susceptibles d’être exploités par la propagande insurgée, etc"

Il est possible de trouver dans cette liste quelques items susceptibles d'expliquer cette soudaine montée aux extrêmes, sans pour autant en conclure définitivement.
Toutefois, on peut constater que les déclencheurs ont été similaires (ou du moins perçus comme tel) et que les modes d'action en France et en GB (2011) ont été différents.
Quant à ce qui pourrait advenir après un nouveau "problème" dans notre Pays... je ne m'y risquerais pas (et en plus je ne suis pas expert :-)
Cependant, la mimétique guidant l'Homme, je ne serai pas étonné que l'on aille vers une surprise stratégique (d'accord, peut être un peu fort !!!)

égéa : disons qu'il y a tellement de gens qui l'évoquent qu'elle ne serait pas une surprise, ce qui ne veut pas dire qu'elle est probable (i même improbable). Mais elle aurait incontestablement des effets stratégiques...

Ajouter un commentaire

Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.

La discussion continue ailleurs

URL de rétrolien : http://www.egeablog.net/index.php?trackback/1113

Fil des commentaires de ce billet