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Géopolitique monétaire

Un ami me fait passer ces réflexions sur le système monétaire international qui a des résonances géopolitiques. C'est particulièrement intéressant à l'orée du sommet du G20 à Cannes. Merci à lui, car je trouve ça fructueux....

source

Pour deux raisons :

  • tout d'abord l'association d'une perspective géopolitique à un discours monétaire et financier : trop souvent en effet, les spécialistes de chaque domaine s'ignorent.
  • à la mise en valeur du "tabou allemand" : quand on parle de tabou à propos d'un peuple, il y a là une représentation qui est une catégorie traditionnelle de la géopolitique. Or, la représentation allemande (celle de l'euro fort, symbole de la renaissance morale de l'Allemagne moderne) est à l'origine non seulement d'un modèle économique déficient (monnaie forte) mais aussi de l'organisation générale du système européen. La conclusion est claire : la résolution du problème politico-financier de l’Europe repose d'abord sur un travail psychologique, non sur un appareillage institutionnel ou des eurobonds....
  • Mais laissons lui la parole....

1) Le désordre monétaire international est « un conflit gelé » (comme on dit en géopolitique) :

11) or, le « désordre global » est patent, marqué à la fois par :

  • -la baisse tendancielle du $ ; et du yuan , malgré sa lente évaluation relative face au $ ;
  • -la volatilité des taux de change ;
  • -le risque systémique de voir le $ dévisser : « l’épée de Damoclès », avec un effet chaotique sur le commerce international, le triomphe du protectionnisme par la guerre des monnaies et à terme la fuite en avant inflationniste aux Etats-Unis.

12) ce désordre est particulièrement pénalisant pour la zone euro* :

  • -puisqu’au nom de ses mandats, la Banque Centrale Européenne clame n’être pas autorisée à s’occuper de la politique de change, quelques soient les interventionnismes américain ou chinois sur les changes ;
  • -la BCE arbitrant, au nom de sa mission cardinale de lutte contre l’inflation, en faveur du consommateur européen plutôt que de son producteur, au point de pousser la zone euro à vivre au dessus de ses moyens, et donc à contribuer à sa désindustrialisation par des délocalisations ( encore maîtrisables tant que le $ ne dévisse pas) ;

13) les racines du mal sont pourtant largement identifiées :

  • -en géopolitique , le monde n’est plus unipolaire ; mais dans « l’ordre monétaire international » , les Américains maintiennent un monde unipolaire ;
  • -à preuve, ce décalage systémique entre le poids du $ dans les réserves mondiales ( plus de 60%) et le poids de l’économie réelle des Etats-Unis dans le GDP mondial ;
  • -la fameuse « global unbalance » entre les US et la Chine : s’il existe un G2, qui devrait être totalement inacceptable pour les autres, c’est bien celui-là ! La Chine de plus en plus exportatrice et créditrice face à une Amérique de plus en plus importatrice et débitrice, que l’endettement soit public ou privé. L’idéologie washingtonienne du FMI imposait des ‘ Maastricht’ au monde entier et nombre de pays ont constitué des réserves immenses (en $ !) pour éviter de passer sous ses fourches claudines, alors que les Etats-Unis laissaient filer ses déficits ;
  • -cependant que la zone euro affichait fièrement les progrès de son statut de 2ème monnaie de réserve internationale, en dépit de l’affaiblissement de son économie réelle, à laquelle cette ambition monétaire ne pouvait que contribuer : l’euro fort (au dessus de nos moyens).

2) L’agenda de la Présidence française du G 20 crée des opportunités :

21) la tâche est ambitieuse, si l’on en juge par l’unilatéralisme voire la désinvolture des Etats-Unis, qui injectent 600 milliards dans l’économie et relancent la guerre des monnaies à la veille même du Sommet de Séoul !

22) « medium is the message » , autrement dit la méthode est « of essence » :

  • -la méthode ne peut-être unilatérale : il est illusoire de sommer la Chine de réévaluer le Yuan : le ferait-elle, que l’euro risquerait d’être lui-même réévalué face au $, ce qui serait perdant-perdant pour la zone euro : perte de compétitivité face aux solutions high-end américaines et absence de gain face aux produits chinois moins haut de gamme.
  • -la méthode ne peut pas être bilatérale non plus, et pour les mêmes raisons, à savoir les effets collatéraux sur les tiers non pris en considération ;
  • -la méthode ne peut-être que multilatérale avec 2 lignes de force :
    • la sortie d’un monde monétaire unipolaire ;
    • la constitution d’un instrument monétaire plus diversifié collant davantage aux fondamentaux économiques et donc offrant un terrain moins propice à la spéculation des mouvements de capitaux indépendants de la réalité des échanges.
  • -les Etats-Unis seront les derniers à se laisser convaincre de perdre un privilège, dont ils sont pourtant devenus eux-mêmes les victimes : endettement, contre-dépendance, désindustrialisation, appauvrissement tendanciel, chômage de longue durée, etc ;
  • -il revient donc à la Présidence française d’examiner avec le FMI et chacun des membres du G20 (y compris les Etats Unis bien sûr) la méthode permettant d’aborder la question et d’esquisser les réponses sans jouer aux apprentis sorciers : le Séminaire International des meilleurs spécialistes mondiaux des affaires monétaires proposé par le Pdt Sarkozy semble logique pour engager le traitement du sujet ;

3/ « peace at home, peace in the world » :

un préalable européen ! : un alignement avec l’Allemagne sur le diagnostic du désordre monétaire aggravé que subit la zone euro : volatilité des changes, mais surtout risque de l’euro fort structurellement décroché de ses fondamentaux économiques et de voir le $ dévisser.

  • Faire s’interroger les Allemands sur ce qu’ils auraient fait et ce qu’ils feraient de leurs marges si l’euro avait été ou était moins fort et moins décroché des fondamentaux de la zone euro! d’avantage d’investissement dans l’avenir, innovation et investissement à l’étranger ? d’avantage de croissance ? sans les provoquer sur d’avantage de consommation intérieure.
  • Les 2/3 de l’exportation allemande se portent sur l’Europe : la première condition de la pérennité du succès de l’économie allemande est la viabilité du reste de l’Europe.
  • Un euro d’avantage représentatif de nos fondamentaux ne pourrait qu’y contribuer.

Conclusion

« Euro fort/Europe faible ! » : L’Europe contribue au désordre global : chaque puissance économique doit assumer une approche équilibrée dans la globalisation :

  • -l’inhibition de l’Europe sur la question de l’euro (tabou allemand, limite des missions de la BCE,…) ne fait pas de tort qu’à elle-même : l’Europe contribue , en vivant avec un euro fort au dessus de ses moyens , à neutraliser ses propres réserves de croissance et à ralentir la croissance mondiale ;
  • -avec un euro anti-compétitif , ne reflétant pas les fondamentaux de l’économie européenne dans son ensemble, l’Europe accentue sa ’global unbalance’ interne : les excédents allemands finançant in fine les déficits des autres pays européens ;
  • -chaque zone économique doit maitriser ses propres équilibres internes, sinon, elle les exporte d’une façon ou d’une autre : dans le cas de l’Europe, nous exportons notre déficit de potentiel de croissance ! Notre désindustrialisation génère les ‘global unbalances ‘ irréversibles de l’avenir.

Commentaires

1. Le mercredi 21 septembre 2011, 20:15 par yves cadiou

Soucieux de me faire une opinion dans ce domaine où il me manque les bases les plus basiques (jugez-en : je suis obligé d’ôter mes chaussures pour compter après dix) je souhaite demander, sérieusement toutefois, à l’auteur quelles seraient les conséquences de notre sortie de l’Euro ?

égéa : à supposer que ce soit techniquement possible (on ne mesure pas les difficultés physiques et informatiques à changer de monnaie), ce serait très probablement un chaos économique non seulement européen, mais aussi mondial.

2. Le mercredi 21 septembre 2011, 20:15 par yves cadiou

Que notre sortie de l’euro soit « très probablement un chaos économique non seulement européen, mais aussi mondial », ça me laisse sceptique : est-ce un théorème rigoureusement démontré ou s’agit-il d’un postulat ? Qu'un pays (même si c'est la France) qui compte seulement 1% de la population mondiale et 3% du PIB mondial soit capable de déclencher une catastrophe planétaire sans tirer ses armes nucléaires, c’est quand-même un peu vite dit. Ça ressemble trop aux slogans de 2005 où l’on nous répétait que voter « non » à la Constitution européenne serait une catastrophe : nous avons voté « non » et il n’y a pas eu de catastrophe. Votre ami, auteur de ce billet devrait nous en dire un peu plus sur notre sortie de l’euro.

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